vendredi 17 avril 2020


Étape 35 : d'Orthez à Sauveterre-de-Béarn : 23 km.

Photo :  sous le promontoire rocheux sur lequel ont été construites des fortifications de la ville, et devant l'escalier qui permet d'y accéder... sac au dos !


Résumé de l'étape :

            Sauveterre-de-Béarn est un point de passage historique de pèlerins de Saint-Jacques après Orthez. Sauveterre signifie terre sauvée, en ce sens qu'au Moyen Âge la population se mettait sous la protection du clergé pour ne pas subir la domination du système féodal. Le Béarn, dans l'histoire, est une terre particulière, politiquement et économiquement.

            Sauveterre-de-Béarn est une commune des Pyrénées-Atlantiques, dans l'arrondissement d'Oloron Sainte-Marie (un point de passage important de la voie d'Arles).

            À tout résumer : sur une table rocheuse surplombant le gave d'Oloron, c'est une église auprès de laquelle ont été construites des murailles et une imposante tour de défense. Et aussi un pont pour franchir le gave : Le Pont des légendes (une vicomtesse condamnée pour sorcellerie fut jetée dans le cours d'eau, et a été retrouvée vivante sur un banc de sable ; la population y a vu un signe de Dieu, et elle a été réhabilitée par l'église).

            Une étape dans des paysages variés : Un premier lieu magnifique : le passage sur le Pont-Vieux d'Orthez, classé monument historique, qui, pour quitter le centre de cette grande ville, permet le franchissement du gave de Pau.

            Deux difficultés sur le parcours, une dure montée en forêt, avant Hôpital-d'Orion et une autre moins prononcée à la sortie de ce village. Et l'approche de l'arrivée se fait par un parcours magnifique dans une vallée verdoyante, en longeant le gave d'Oloron qui est un affluent du gave de Pau. Et pour finir par un escalier abrupt le pèlerin monte sur la place de l'église de Sauveterre près des anciennes fortifications de la ville.

Le déroulement de l'étape :

Le Vieux-Pont d'Orthez :

            Nous avons suivi le balisage, et, en conséquence, nous avons dû faire peut-être 3 km en plus. Pour quitter Orthez, ce furent les classiques habituels : grandes rues, carrefours, passage près d'une voie ferrée, etc., mais pour quitter vraiment cette agglomération, nous sommes passés par le e siècle. Il permet de relier le centre de la ville à sa périphérie. Par certains côtés, notamment le rôle défensif de la ville, il fait penser au pont Valentré sur le Lot, à Cahors, un passage inoubliable sur la voie du Puy-en-Velay.
Pont-Vieux, qui enjambe le gave de Pau, dont la construction remonte au XII.

Une longue montée dans une forêt dense et humide, avant Hôpital-d’Orion :

            Nous avons fait ensuite connaissance avec une belle forêt, dense et humide, d'un type rencontré 3 ou 4 fois depuis le début de cette voie de Vézelay – chemin à forte pente, boueux et l'eau suintant de toutes parts. La nature se met même à tester davantage le pèlerin : après une légère atténuation de la pente à la sortie de la partie très humide, nous avons vu cette pente redevenir très forte dans une partie plus sèche, et cette modulation du terrain s'est faite en deux fois. Mais nous étions préparés, et chacun montait à son rythme. Nous sommes dans les dernières étapes de ce chemin, le corps est formé, préparé à la dure, et personne n'a plus rien à démontrer, si tant est qu'il y ait eu des intentions nettes de ce côté.

            Et nous avons débouché sur une petite route goudronnée qui en plongeant nous a amenés à Hôpital-d'Orion où nous avons fait une première halte.

Tout est calme et propre autour de l'église, du cimetière et de la petite place où une statue du pèlerin de Saint-Jacques attire naturellement les regards.

            Et une deuxième montée, certes moins rude que la première, attend le marcheur à la sortie de ce village. Tous ces dénivelés confirment bien l'approche des Pyrénées. L'étape continue dans une campagne calme, reposante, à travers de petites exploitations agricoles, et sans que nous ayons rencontré de gros troupeaux de vaches béarnaises.

Le gave d'Oloron, et l'escalier de la forteresse de Sauveterre :

            Bien plus loin, le chemin plonge vers le gave d'Oloron – la chaîne des Pyrénées se détache de mieux en mieux à l'horizon –, et il serpente dans la vallée en longeant ce cours d'eau typique de la région. En avançant, un joli coup d'œil sur l'église de Sauveterre est possible, elle se détache en haut du paysage, car située sur une hauteur qui, à cette distance, ne se devine pas, mais la réalité du terrain se fait plus nette devant cette difficulté.

            Nous avons fini par arriver au pied de cette forteresse d'où un escalier permet de monter à la ville. Les marches ne sont pas hautes, mais la difficulté est importante pour se hisser jusqu'en haut. Ma tactique est toujours la même : petit rythme régulier, en respirant bien, et surtout sans s'arrêter. J'ai compté 124 marches, mais, à deux reprises, je me suis surpris à arrêter le comptage pour admirer les murs imposants percés d'archères. Il n'est pas impossible que la poursuite du dénombrement ne se soit pas faite correctement. Finalement, je dirai environ 125-126 marches. Et, en arrivant en haut, un vrai moment de bonheur d'avoir réussi ce test ! Un petit souvenir du même genre m'est revenu : l'escalier pour monter à Portomarin, sur le Camino Francés, moins important, mais les marches, me semble-t-il, sont un peu plus hautes. Et, bien entendu, à l'arrivée, un empressement à descendre le sac pour soulager les muscles du dos !

            Ma première attention a été pour l'église, qui est juste à côté de la tour, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'aller admirer au plus vite pendant un bon moment le paysage autour du gave d'Oloron.



Le gîte :

            Le gîte de Sauveterre retenu est un donativo à 6 places avec repas du soir et petit déjeuner. Du classique en somme ! Ce n'était pas tout à fait le cas.

            L'impression après le franchissement de la lourde porte d'entrée qui donne sur un couloir était que je me trouvais dans un bâtiment abritant d'anciens petits commerces. La première salle, au coup d'œil en passant, semblait servir de rangement à divers matériels d'expositions artistiques plus ou moins abandonnés.

            Plus au fond se trouve le gîte proprement dit, et toujours au rez-de-chaussée tout un espace ouvert pour la salle à manger, la cuisine et autres, et qui donne sur une petite cour encadrée par les hauts murs des maisons voisines. Tout cela me semblait être un provisoire qui dure.

            C'est tout simplement une vieille baraque, dans laquelle il peut y avoir un gîte qui marche bien.

Nous avons été accueillis par deux hospitaliers encore à table à notre entrée, et qui écoutaient de la musique classique sur une chaîne à partir d'un ordinateur portable. Nous étions un peu hors de l'habituel, mais sans qu'il y ait quelque jugement de valeur que ce soit sur ces deux personnes qui s'investissent dans l'accueil des pèlerins de Saint-Jacques : un Italien qui parle à peu près le français et un Allemand qui a quelques difficultés avec la langue de Molière, mais qui arrive à faire passer l'essentiel.

            Je n'étais pour rien dans le choix de cet hébergement ; j'en connais qui auraient poussé à un changement immédiat s'ils faisaient partie du groupe.

            Une grande chambre faisant office de dortoir et une salle de bains se trouvent à l'étage, et un large escalier permet d'y accéder. Pas de doute : c'est une partie d'une belle et grande demeure bourgeoise à une certaine époque. Mais tout un ensemble pas très bien entretenu, ce qui ne me gênait pas vraiment. S'il n'y a pas d'autres arrivées, et s'il n'y a pas de punaise dans les lits, alors tout devrait se dérouler normalement, telle était ma conclusion après une bonne reconnaissance des lieux. Il me restait quand même à découvrir ce qui nous attendait à table le soir.



Un petit tour en ville :

            Après mon installation, je suis allé faire la classique petite visite de la ville. J'ai commencé par un bar dans la rue même de l'hébergement – petit sandwich arrosé d'une bonne bière. Je fais ensuite un tour à l'office du tourisme, ce qui n'est pas dans mes habitudes, je me contente de téléphoner si besoin est. Et pourtant, il y a toujours des choses intéressantes à voir dans ces structures, des présentations de produits locaux, entre autres, et il y a toujours la possibilité de se faire expliquer telle ou telle caractéristique historique de la région, etc.

            Et dans cette balade, j'ai retrouvé un Hollandais qui était avec nous à Sainte-Foy-la-Grande ; il parle à peu près le français, mais nous n'avons pas eu le temps d'échanger vraiment puisque lui-même recherchait les autres de son propre groupe. Je suis revenu sur mes pas pour aller de l'autre côté du gîte à la recherche d'un magasin d'alimentation. Il fallait faire quelques petites provisions personnelles pour le lendemain, au cas où il n'y aurait rien d'ouvert le dimanche sur le chemin.



Un dîner un peu particulier :

            Les deux hospitaliers étaient à table avec nous, mais sans vraiment participer au repas, ils assuraient en quelque sorte une présence ; mais ils se levaient de temps à autre, tour à tour, car ils avaient des petits travaux à terminer.

            Personne n'a tenté la moindre question sur la conception d'accueil de ce gîte, sa philosophie. Notre position était de donner 10 € chacun, la moyenne habituelle, et quand nous les avons informés de notre intention, ils nous ont gentiment répondu que la boîte est à la porte et que chacun est libre de donner ce qu'il veut. Ils n'avaient aucune intention de nous influencer dans un sens ou dans l'autre. Nous étions bien dans l'esprit « donativo ». Et chacun a glissé ses 10 € dans la boîte.

            Ce ne sont pas les plats qui manquaient sur la table ; les préparations de légumes dominaient largement, en plat froid ou chaud ; comme viande, il y avait des ailes de poulet frites. Mais aussi plusieurs compositions de desserts. Un grand choix. Nous avions convenablement mangé. De toute façon, quels que soient les circonstances et le cadre, il n'y a pas de problème d'appétit chez les pèlerins. Les hospitaliers nous ont aussi servi du vin.



Une vraie mission d'hospitalier ?

            Nos deux hébergeurs font peut-être partie de ceux qui refusent une vie trop cadrée par le matérialisme. Sans doute peu préoccupés du confort, ils trouvent dans l'accueil des pèlerins moult occasions de vivre leurs idées. Et c'est le chemin de Compostelle qui leur offre un terrain pour cette recherche personnelle.