samedi 29 octobre 2022

 

ARCC réunion du 29/10/22


Samedi 29/10/22 : réunion de l’ARCC (association des Amis Réunionnais des Chemins de Compostelle) dans la salle paroissiale de l’église de Saint-Gilles-les-Bains (Réunion)
 : Photo1 : de droite à gauche : les deux responsables qui pilotent la réunion, Dominique Masson et Jacques Viot – où ceux qui sont allés sur un chemin de Compostelle viennent présenter leurs expériences.

Photo2 Ceux qui sont allés sur les chemins de Compostelle viennent donner avec à plaisir leurs ressentis ; et dans la salle l’écoute reste à son meilleur niveau – et c’est sûr que dans pas mal de têtes une première approche d’un futur départ pour les chemins commence à se mettre en place.


Photo3 : cette année, le public a eu droit à pas mal de ressentis de jeunes qui ont fait des chemins et qui n’hésitent pas à faire part de leurs idées pour l’avenir.








Photo4 : il n’y a pas de rencontres de Compostelle sans de larges échanges à table. Marcher, échanger, bien se nourrir, construire l’avenir…tout en confortant son équilibre personnel, voilà l’essentiel des contenus des rencontres de Compostelle.




lundi 24 octobre 2022

 

Étape 15 : mercredi 16 mai 2 018 : Villalcázar de Sirga, 24,9 km :

Les lignes droites depuis Frómista n’en finissaient pas, après une partie qui monte régulièrement depuis le départ d’Itero de la Véga pour descendre ensuite dans une plaine, et continuer ainsi jusqu’à l’arrivée – elle aussi modifiée, et aujourd’hui au bout de la grande route. Au point que je me demandais si Villalcázar existait toujours.



J’ai été le premier à attendre l’ouverture du mon gîte habituel (voir photo) ; il s’est rempli toute l’après-midi – sans doute en récompense du Bon Dieu – en fin de journée, le seul lit inoccupé était celui au-dessus du mien près de la porte d’entrée de la chambrée, je pouvais donc l’utiliser pour étendre mes affaires. 3 passages en ce lieu et le même lit, à l’entrée de cette grande chambre qui s’est vite remplie – et pas un seul bruit pendant la nuit : le pèlerin pouvait vraiment récupérer de ses efforts de la journée.

Villalcázar Photo :  au premier plan, mon approche de Villalcázar en 2 011 :



Je me disais : il faut que j’apprenne à faire de vraies pauses en chemin. Donc, même gîte, et même restaurant que les deux fois précédentes. J’ai eu l’occasion de discuter avec des responsables de cette albergue, à qui j’avais dit que c’était mon 3e et dernier camino… mais l’un d’entre eux m’a répondu avec sérieux et assurance : tu ne peux pas savoir vraiment s’il n’y aura pas un 4e passage ici… Et aujourd’hui, il m’arrive de penser qu’en ce qui concerne mes pèlerinages tout reste ouvert… bien que je ne cesse de me répéter que s’il y en a un prochain, un nouveau, ce sera le Del Norte.

Il y a de belles visites à faire – voir photo :



Un regret, et de taille encore ! Cette fois-ci, mon passage au restaurant a été d’un calme absolu : pas le moindre bruit – il est vrai que j’y suis allé de bonne heure, et j’étais bien loin de l’ambiance de 2 011, où le restaurant était plein à craquer, et que dans le groupe où j’étais il y avait de bons animateurs.

Temps et espace : après la lente progression au départ d’Itero, ce fut un passage à un sommet et petite descente pour arriver en plaine – curieux, j’avais en mémoire une descente plus nette et plus longue – comme quoi la mémoire ne cesse de bouger ! -  … en revanche, la plaine, je l’ai ressentie cette fois bien plus longue que celle que j’avais dans mes souvenirs. Interminable ! Un petit coup de cogne au pouce gauche à un dallage… un thé au bar de la dernière fois (2 014 et 2 018), ce fut ensuite  le chemin le long du canal de Castille – et à partir de Frómista, même topo jusqu’à l’arrivée – mais j’ai vraiment trouvé que dans la dernière partie le balisage restait un peu trop collé à la grande route, et ce jusqu’à l’entrée de Villalcázar.

Photo : sur la place de l’église



Le lendemain matin, au départ de ce gîte, les deux hospitaliers avec qui j’avais discuté la veille ont tout fait pour que mon petit-déjeuner soit complet ; ils ont en effet apprécié hier que je n’ai pas repris 1 euro parce que leur système de mise en route de l’eau chaude ne marchait pas – j’étais le premier à y aller – et j’ai remis la pièce dans la boite de donativo ; et ils ont aussi vu que pour le gite j’avais donné un billet de 10 €. Alors je leur ai dit que j’en étais à mon 3e passage dans ce gite (2 011, 2 014 et 2 018), le plus jeune m’a assuré que c’était en aucune façon « l’ultimat », selon sa propre expression. Je leur ai dit en effet que personne ne peut vraiment l’affirmer bien qu’au fond de moi-même, dans mon esprit, cette forme de pèlerinage à pied c’était vraiment la toute dernière sur ce type de chemin. Mais aujourd’hui, le temps ayant fait son oeuvre, je me reverrais bien passer sur ces terres, dans ces mêmes paysages. Mais Dieu seul le sait vraiment…

 

mardi 18 octobre 2022

 

Étape 14 : Hornillos del Camino – Itero de la Vega, mardi 13 mai 2 014, ~ 30 km

Photo : l'albergue d'Itero de la Vega.

Résumé de l'étape :Si tant est qu'il soit possible de définir une belle étape par la variété des paysages, des profils géographiques avec montées, descentes et lignes droites, toutes bien franches, par un type de temps qui allie un assez bon ensoleillement, des températures propices à la marche et de bonnes rencontres au cours de la journée qui aident à supporter les distances, et par une réactivité plus personnelle cette étape en est une

Au sortir d’Hornillos, c'est le passage par des plis de terrain avant de retrouver la Meseta et ses champs de blé tout verts à cette époque et la plongée dans le vallon où s'abrite le village d'Hontanas (voir photo), dans un vrai décor de western – il ne manquait plus que les cavaliers sur les crête

Puis, c'est un cheminement par des petits vallons qui conduisent aux ruines de San Anton (voir photo) toujours pimpantes grâce au chemin de Compostelle avant d'arriver au village de Castrojeriz accroché au flanc d'une colline aux courbes bien nettes au sommet de laquelle les ruines d'un château continuent de défier le temps. Et enfin, la célèbre montée de l'Alto de Mostelares, un véritable mur à franchir, un test de fraîcheur par excellence pour le pèlerin compte tenu du toujours lourd du sac-à-dos avant de descendre dans la plaine pour trouver un peu plus loin les bois de hêtres qui annoncent l’arrivée à Itero de la Véga.




Revoir Hontanas :


Comme tous les matins sur le haut plateau, il faisait froid en remontant la rue principale d'Hornillos, mais chacun pouvait lire dans le ciel que la journée s'annonçait belle. Quand je suis arrivé à la sortie du village, presque en face de la bascule de pesage qui est sur la droite, j'ai pensé aux bons moments passés à la caravane des Martin (Françoise et Olga en 2 011 ; Henri faisait toutes les étapes à vélo et Jojo conduisait le fourgon qui tractait la caravane) où, en 2 011, avec Jean-Paul, Babou et Christian où nous avons pris l'apéritif avant d'aller dîner ensemble au centre du village.

En montant dans un petit bois, je m'attendais à retrouver au plus vite la Meseta - ce plateau d'une grande austérité, torride en été et glacial en hiver, 800/900 m d'altitude. Et ces champs de blé à l'infini, et les éoliennes. Ce que j'attendais le plus en ce début de matinée, c'était le basculement dans la cuvette d'Hontanas. J'ai dû patienter pendant assez longtemps et « apprécier » le poids de mon sac, et me faire dépasser par des pèlerins. Mais j'ai dû, moi aussi, doubler d'autres dont certains en plein effort me souriaient quand je passais à leur hauteur – telle cette Allemande de forte corpulence que j'avais déjà rencontrée, qui souffrait véritablement mais qui ne renonçait pas.

Enfin ce fut le point le plus haut, et il a fallu encore un moment avant que je ne redécouvrisse le clocher de l'église du village émergeant de la crevasse, pour entamer ensuite la descente vers Hontanas – l'approche du village a été bien aménagée.

J'attendais surtout de revoir une petite boulangerie-pâtisserie à ma gauche, mais je ne l'ai point trouvée. Existe-t-elle encore ? C'est un café sur la droite qui attira mon attention. Il fallait patienter, car il y avait autant de pèlerins à l'extérieur qu'à l'intérieur. Mais le service était ultra rapide, efficace – pour une fois ils étaient deux à la tâche. J'ai fini par trouver une petite place à une table, et j'ai pris tout mon temps pour apprécier un bon petit déjeuner.

 Revoir San Anton et Castrojeriz 

Ensuite, le chemin conduit naturellement à la sortie du village, et file par un petit vallon, pour devenir un sentier à travers des herbes, quelque peu creusé dans le sol par endroits, et à flanc de colline. Il débouche sur une piste un peu plus large qui mène à la route de Castrojeriz. Et en peu de temps, les ruines de San Anton, cet ancien couvent, étaient en vue.

De nombreux visiteurs sur le site, des gens en habits de ville, débarquaient de petits transports de voyageurs ou s'y engouffraient – je ne me suis pas rendu de près pour aller le vérifier, j'avais des photos à faire, mais il m'a semblé que l’équipe des « précieuses » en faisait partie, mais je ne saurai vraiment l'affirmer. J'ai fait un petit tour à l'intérieur où j'ai vu un petit refuge plutôt sommaire, une nuit froide ici doit être une vraie épreuve.

J'ai repris la route de Castrojeriz, et dans cette longue ligne droite qui mène à la colline où trônent les ruines d'un château, et à ses pieds l'église Notre-Dame-du-Pommier. Des marcheurs défilaient devant moi. Mais cela ne m'a mis aucune pression, beaucoup s'arrêtent ici pour mieux répartir les difficultés du terrain. Il faut dire aussi que le village d'Itero la Vega n'est pas d'un grand attrait pour les pèlerins.

Mieux découvrir le village de Castrojeriz :

Ce village est accroché au bas du flanc de la colline. Après un passage à l'église que j'ai perçue une fois de plus comme un musée – il est vrai qu'une chorale y donne de belles prestations, mais, en deux fois, je n'ai eu ni le temps ni l'occasion d'assister à une telle démonstration –, le chemin emmène le marcheur au centre du village ; puis, dans la remontée par une petite rue au cours de laquelle le fait d'être carrément sous le sommet de la colline impressionne, je suis tombé sur un bar-restaurant, qui m'a paru bien fonctionnel. J'étais le seul client, et j'ai pris un 2e petit-déjeuner, car je savais qu'une difficulté majeure m'attendait un peu plus loin. C'était aussi l'occasion de me faire préparer un sandwich à mon goût pour midi. Mais la priorité des priorités était de trouver une pharmacie. Pour le serveur, c'était simple : faire un petit retour sur ses pas, prendre la route qui descend à gauche, et c'est en bas ! Mais la réalité n'est pas si évidente : dans cette descente, il y a toutes sortes de petits embranchements, et en bas je n'ai rien trouvé. Il a fallu que je demande à une dame qui m'a donné des indications un peu plus précises. J'ai fini par atteindre mon but : cette pharmacie était presque sur la grande route qui passe tout en bas du village. J'ai pu me procurer mon arnica, ce n'était pas le gel habituel que j'utilise, mais le pharmacien qui parle un peu le français m'a proposé une formule qui s'est révélée par la suite pas mal non plus : il y avait d'autres composants pour l'entretien de mes pieds. J'ai pu aussi me procurer une formule autour du paracétamol, car ma petite gêne à la gorge était toujours présente. Mais, pendant cette recherche, j'ai pu résoudre un autre problème en attente depuis Burgos. Dans cette dernière grande ville, j'avais essayé de me procurer un peu de liquide à un gabier non loin de la place de la cathédrale, mais l'appareil refusait ma carte bancaire à chaque tentative – j'avoue que j'ai même pensé à une arnaque. Je suis tombé par hasard sur une banque qui était fermée, mais l'accès à un distributeur extérieur était possible. J'ai pu ainsi refaire ma petite réserve d'argent liquide, indispensable pour régler les dépenses courantes sur le chemin.

Et le passage de l'Alto  de Mostelares :

Photo: au loin, en arrière-plan, le tracé de cette montée de l'Alto de Mostelarès.

Pour retrouver le chemin que je venais de quitter en haut du village, j'ai décidé simplement de suivre la grande route qui devait me conduire aussi à la sortie de cette agglomération. Je ne m'étais pas trompé, je suis tombé sur un grand rond-point avec plein d'embranchements, mais je m'étais bien orienté dans le paysage (par la boussole solaire aussi !) puisque d'un coup d'œil, j'avais repéré au loin la fameuse montée de Mostelares. C'est en fait un véritable mur de plus de 130 m de haut à gravir ! Et la piste pour y aller part en face de mon point d'arrivée dans ce rond-point. Pour se rapprocher de ce mur, je suis passé sur un ancien pont romain à arches et j'ai franchi le rio Odrilla sur une passerelle en bois. J'étais au pied de cette montée. Le soleil, bien présent, n'était pas cuisant comme en 2 011. Deux pèlerins se reposaient à l'ombre et ne semblaient pas pressés de partir. J'ai déposé mon sac pour refaire quelques petits réglages et boire calmement une bonne rasade d'eau. J'ai attaqué ensuite la montée, mais vraiment « petit braquet ». Dans le premier tiers la pente est rude, mais j'étais à l'aise parce que très motivé, et surtout heureux de me sentir mieux qu'en 2 011, à cet endroit, pour autant que je m'en souvienne ; dans le deuxième tiers, la pente s'assouplit légèrement, mais la fatigue commençait à se faire sentir, et la tendance était plutôt à bien lever la tête pour entrevoir le sommet ou encore à se retourner pour tenter de se faire une idée de l'ascension déjà faite en appréciant la différence d'altitude entre le point où je me trouvais et le village en bas dans la plaine ; dans le dernier tiers, la pente se redresse à nouveau, et c'est comme toujours dans les ascensions en montagne : après le dernier virage attendu, il y a encore un autre, et encore un autre, ainsi de suite. L'arrivée sur le plateau au sommet est une délivrance, un bonheur ! Cette fois-ci, il n'y avait pas ce vent froid de 2 011 qui avait entraîné un refus de m'arrêter alors que les autres du groupe voulaient faire une pause, car tout en sueur je craignais de prendre froid.

J'ai traversé un plateau aride sur près d'un km avant d'entamer une descente raide sur une piste plus ou moins bétonnée et je me suis retrouvé dans une belle plaine avec des champs – j'ai constaté aussi que le chemin qui se glisse dans cette plaine est bien plus large aujourd'hui et que le balisage est aussi bien meilleur. J'ai retrouvé une légère remontée pour arriver à une aire de repos où j'ai descendu mon sac sur un banc pour souffler un peu et manger mon sandwich. Petite déception : je n'ai pas revu le vendeur de fruits qui juste à côté proposait aussi un très bon jus d'orange nature. Je savais que dans cette étape difficile l'essentiel était fait et qu'il ne me restait plus qu'à rallier Itero de la Vega ; mais, pour une fois, je n'avais plus de souvenir de ce village étape.

Retrouver Itero de la Vega :

Après que j'ai quitté cette aire de repos, et à un peu plus d'un km, j’ai revu sur la gauche de la piste le refuge construit à partir des bâtiments d'un ancien hôpital. Il m'a semblé un peu plus attractif que la dernière fois. Et aussi cette rivière que j'ai franchie sur un grand pont, et, bien entendu, le panneau annonçant l'entrée dans la région de Palencia. Puis, j'ai pris un chemin gravillonné qui serpente sous les arbres tout en restant proche de la rivière – cette approche de l’arrivée a été modifiée en 2 018. Ce fut le déclic, bien avant que je ne découvrisse la plaque annonçant Itero de la Vega (voir photo). Instantanément, j'avais retrouvé l'image du gîte qui est un peu caché par un bois de hêtres. Je me suis surtout souvenu du pollen de ces arbres, qui fait penser à de la neige dans le décor, et qui envahissait toute la cour et se déposait un peu partout, y compris sur les vêtements lavés étendus sur les cordes à linge. C'est ce qui a en quelque sorte réinitialisé ma mémoire. Mais cette fois-ci, il n'y avait pas encore le moindre « flocon. J'allais retrouver les équipements de cette albergue que j'avais déjà eu l'occasion d'apprécier. Et surtout le bar et le restaurant ! Et ce d’autant qu’il n’y a rien à visiter dans le coin…

Un bon gîte (voir photo) :


De bons petits dortoirs, un bar-restaurant où il est possible de se faire servir un peu de tout et à n'importe quel moment de la journée, une boutique d'alimentation et une grande cour. Et surtout du wi-fi ! En cette année 2 014, j'ai vu arriver une Française en fin de journée, pas très causante, de la catégorie de pèlerins qui n'arrivent pas à se détacher du chemin et qui ont l'air d'être un peu perdus – si tant est que l'on puisse dire qu'une telle catégorie existe, et qu'il soit possible de cerner la personnalité des gens rencontrés en si peu de temps. Très difficile de s'en faire une idée objective. Je ne l'ai pas revue au restaurant, et nous sommes partis à peu près en même temps le lendemain.


Le soir, j'ai dîné avec Ulrich, un Néerlandais sympathique, sans doute parce qu'il parlait passablement le français : un grand gabarit, qui ne laissait pas perdre la moindre miette des aliments. Il avait un appétit qui faisait plaisir à voir, à un moment j'ai même craint qu'il ne mangeât son assiette. Et pourtant, nous avons été très bien servis, pour 10 € seulement, et j'ai même laissé des frites qui accompagnaient une belle viande, après une conséquente assiette de charcuterie et de la salade, et le tout bien arrosé de vin. Je me suis même permis un dernier verre de rouge au bar avant de regagner le dortoir. Nous étions onze au restaurant, alors que les jours précédents, il fallait ruser pour passer à table. Ne pas retenir comme point d'arrivée des agglomérations plus grandes, fussent-elles d'un haut niveau dans le symbolique et le religieux, cela me convenait bien. C'est une façon de sortir des gros flux de pèlerins sur ce Camino Francés. J'ai relancé une disposition pour m'adapter à ces étapes longues, et à mieux gérer cette impatience de voir la fin de certaines portions : je me fonde plus sur ma montre, en considérant le temps pour faire x kilomètres compte tenu que je marche à 5 km/h sur le plat et à un peu moins de 4 en montée. Et il arrivait que mes prévisions soient un peu larges, j'en riais !

En 2 018, le même dispositif était en place ; à ceci près que, cette fois-ci je fus placé dans une grande chambre avec tous les équipements tout près du dortoir de 2 014. Une jeune femme y était déjà ; et des lits à l’approche de la nuit furent encore disponibles. Et c’est avec cette dernière que je suis allé au restaurant… pour découvrir une pèlerine un peu particulière : tout à fait prête à discuter d’un peu de tout, sauf de sa situation personnelle. Mais c’était sa liberté ! Qui devait être respectée ! Pour découvrir le lendemain de bon matin qu’elle ne portait pas son sac sur le dos mais sur une espèce de petit chariot qu’elle trainait derrière elle. Elle a filé comme le vent, et je ne l’ai jamais plus revue sur la suite du Chemin !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

jeudi 13 octobre 2022

Étape 13 : Hornillos del Camino :


Dans le Camino Francés, Hornillos del Camino est un point d'étape classique après Burgos. Cependant, les grands marcheurs, quoique la programmation des étapes obéisse à plusieurs facteurs, se payent 10 km de plus pour aller jusqu'à Hontanas, question pour eux d'attaquer franchement cette Meseta où il est difficile de faire de petites étapes jusqu'à León, compte tenu des variantes possibles et des gîtes. Le village est dans la vallée de la rivière Hormazuelas.  L'albergue tout près de l'église San Román (voir photo) et le bar-restaurant La « Casa Manolo » (voir photo) sont deux points d'appui importants pour les pèlerins qui s'y arrêtent.

 La succession de petites montées et de plats avant de descendre sur Hornillos n’est pas une difficulté, mais sur ces hauts plateaux la première partie de la journée, bien souvent sous le vent et le froid, est quand même une difficulté. Dans cette vraie montée, une belle rangée de pierres et de gros rochers permet à ceux qui ont quelques petits problèmes intestinaux de se soulager à l’abri des regards. La nature est à la disposition des marcheurs.


Je voulais à mon 3e passage dans Hornillos changer de gîte, mais dans la ligne droite droite légèrement montante à partir de l’entrée du village, c’était partout complet, en réservations. J’ai dû rejoindre comme lors de mes deux précédents passages le gîte municipal, et je ne l’ai pas regretté : il a été légèrement réaménagé, et il y a toujours un bon espace pratique pour laver des vêtements, où le soleil pénètre bien. Il y a surtout une possibilité de petits déjeuners à partir de 6H – j’ai bien fait de partir tôt le matin.


Dans ce gîte, j’étais cette fois-ci dans la partie à droite en entrant, petite salle et non pas la grande, et qui se remplit assez vite… avec cette fois-ci une forte présence de pèlerines et de pèlerins d’origine asiatique. Et le plus important, je n’ai pas entendu un seul ronflement pendant toute la nuit.

En fin de journée, avant d’aller manger, j’ai fait l’effort de visiter l’église du coin, ce que je n’avais pas fait auparavant.

Je suis parti très tôt au bar-restaurant habituel, à deux pas de l’albergue pour éviter l’affluence du soir. La tactique habituelle consiste toujours à se caser au premier service, pour bénéficier pleinement de toute la nuit. Cette fois-ci, j’ai été servi rapidement. Mais j’ai trouvé que c’était moins bon que la dernière fois… un reste du service de midi ? Les restaurateurs doivent aussi faire face à la forte affluence à certains points du Chemin.

J’ai passé une excellente nuit – il le fallait bien puisqu’une longue et belle étape m’attendait le lendemain : Hornillos – Itero de la Vega, un peu plus de 30 km.

 

 

samedi 8 octobre 2022

 

Étape 12 : San Juan de Ortega – Burgos, dimanche 11 mai 2 014, ~ 28 km – et quelques éléments du même Camino en 2 011 et en 2 014/

  1. Photo : à l’entrée de la cathédrale de Burgos. Un résumé de l'étape : Burgos est un des trois objectifs phares du Camino Francés, avec León et Santiago ; pour des pèlerins qui n'ont pas beaucoup de disponibilité ou qui rencontrent quelques difficultés à supporter toute l'épreuve, c'est déjà un but à atteindre et qui laisse espérer que la suite viendra dans un proche avenir. J'ai retenu pour cette étape trois points intermédiaires : Agés, après un peu moins de 4 km de San Juan, où j'ai pris un excellent petit-déjeuner ;  Atapuerca – on ne finit jamais d’essayer de penser ce qu'a pu être ce lieu dans la préhistoire, compte tenu des découvertes archéologiques sur ce site, et c'est  aussi le lieu où, dimanche 15 mai 2 011, deux pèlerins, « Sapiens Reunionnicus », se sont croisés et ne se sont pas reconnus (voir plus loin le récit que j'en ai rapporté et que je republie tel quel aujourd'hui) ; le passage sur le dôme de Matagrande qui domine la plaine de Burgos et qui annonce la place de la cathédrale de ce grand point de rencontre en Espagne où la découverte est permanente, passionnante.L'étape : Un départ rapide : Je suis parti du gîte de San Juan de bon matin pour retrouver un peu de calme après le concert de ronflements qu'un jeune nous a servi dans le dortoir, qui nous a tenus éveillés jusqu’en fin de nuit et qui nous a obligés de nous réveiller plus tôt que prévu. J'avais hâte de me retrouver dans le silence de la nature même si je n'avais pas grand-chose sur l'estomac. Dans la première partie qui se résume plus ou moins à du plat, le marcheur s'enfonce dans une forêt de chênes pour atteindre ensuite une clairière.  Je me suis même permis de prendre le pas d'un sportif pendant un bon moment, rien que pour me réchauffer, car il faisait froid ; le chemin continue avec des chênes d'un côté et des conifères de l'autre. J'ai pris plus loin dans une petite descente une piste qui m'a mené au petit village d'Agés après un peu moins de 4 km où j'ai pu prendre un petit-déjeuner.Un bon passage à Agés : Je suis entré dans ce village par une rue qui monte entre de vieilles bâtisses, et un bar-restaurant sur la gauche est tout de suite visible. C'est un vieux bâtiment qui a été requinqué, relooké ; à l'intérieur de petits espaces sur plusieurs niveaux où les clients peuvent s'attabler ont été emménagés. J'ai été bien accueilli et vite servi. Très cool : Jus d'orange, pains grillés, confitures, beurre et double thé. J'ai aussi demandé à la serveuse de me préparer un sandwich pour mon déjeuner sur la route. Je suis ressorti de là bien retapé. Mon départ de San Juan ayant été un peu précipité ; sur le banc à l'extérieur j'ai pris mon temps pour refaire les réglages de mon sac.Atapuerca : retour sur un site où dimanche 15 mai 2 011, deux hommes de la catégorie Sapiens « Reunionnicus » se sont croisés sans se reconnaître : J'ai passé Agés sur sa petite colline, je suis descendu dans la plaine et j'ai vite compris que de longues portions toutes droites de routes asphaltées m'attendaient. Il n'y avait pas de vent, mais il faisait froid et une petite brume continuait à s'évacuer, et je sentais bien que le soleil n'allait pas tarder à tout réchauffer avant Atapuerca. Dans ces lignes droites, mais avec quand même deux larges virages, j'ai eu une petite hésitation : ne voyant plus les balises, je décidais de repartir à une intersection plus près d'Agés, mais comme j'ai vu qu'une pèlerine prenait la même route, j'ai repris mon chemin...pour arriver bientôt à la grande pancarte annonçant Atapuerca. J'étais bien dans l'un des principaux sites archéologiques mondiaux où le dimanche 15 mai 2 011 j'avais croisé Daniel Dumont sans le reconnaître. Je me permets ici de citer exactement ce que j'ai écrit, en 2 011, lorsque j'ai relaté cette rencontre ratée :

  2. « ...j'ai vu dans une ligne droite, le GR longeait alors une grande route asphaltée, un pèlerin qui revenait de Santiago, le regard le plus souvent rivé au chemin comme pour mieux le faire défiler sous ses pieds, l'air concentré, plongé dans ses pensées, le capuchon de son coupe-vent bien enfoncé sur la tête. J'en avais déjà croisé deux ou trois, avec à peu près la même posture, à croire que tous ceux qui sont à ce niveau dans la pratique du pèlerinage arrivent à se détacher de leur environnement de façon à rassembler suffisamment de ressources pour réussir pleinement leur expérience. À 30 m, la perception d'ensemble m'a fait penser un court instant à Daniel Dumont, sans doute parce que Marie-Thérèse, une amie de mon village qui anime un petit groupe de marche, qui a déjà fait la voie du Puy-en-Velay, m'avait laissé entendre avant mon départ de la Réunion que Daniel devait se retrouver aussi quelque part sur le chemin, sans que j'aie jugé utile de lui demander des précisions. Au moment où il arrivait pratiquement à ma hauteur, j'ai chassé cette idée de mon esprit, car l'homme ne correspondait plus du tout au Dumont que j'ai toujours connu - il est vrai que je ne l'avais pas revu depuis quelque temps : il était amaigri, et surtout barbu, et je n'ai jamais connu l'homme avec seulement un soupçon de barbe. Je ne me suis même pas retourné après l'avoir croisé, tellement que j'étais sûr que le profil ne collait pas du tout à une connaissance, préoccupé aussi que j'étais à lutter contre le vent et le froid ».
  3. Mais tout s'était éclairci le lendemain, à Hornillos del Camino, quand des amis qui marchaient derrière moi, m'ont confirmé que c'était bien Daniel Dumont (ici avec sa petite-fille) – Françoise qui avait discuté avec lui m’a donné le numéro de son GSM, et nous avons pu ainsi échanger quelques SMS.
  4. Le passage du dôme de Matagrande :
  5. En peu de temps, j'ai quitté la route asphaltée et je suis monté dans un chemin de terre plus ou moins tortueux, défoncé, dans une partie de prairies bien déboisées où une pèlerine à vélo s'échignait à faire avancer sa machine bien chargée ; puis, au milieu de la pente, j'ai abordé une partie boisée de petits de chênes, avec des barbelés du terrain militaire à gauche et c'est là que j'ai vu cette jeune dame souffrir à pousser son lourd vélo. Même avec mon sac sur le dos, j'ai failli l'aider à un petit passage délicat quand je me suis retrouvé à sa hauteur. Elle n'en pouvait plus la pauvre, mais elle ne renonçait pas. Je l'ai doublée, et je ne l'ai plus revue – il n'est pas impossible qu'elle ait emprunté avant le sommet un itinéraire différent, plus adapté, les voies pour les marcheurs et celles pour les cyclistes divergent par endroits. Un peu plus haut, dans une partie de forêt, la piste redevenait plus fréquentable, mais toujours très pentue.
  6. Sur ce dôme de Matagrande, un peu avant le sommet, ma vue a été attirée par un cairn constitué de plusieurs cercles concentriques faits de petits cailloux et centrés sur une croix. Et de là des pistes partent dans tous les sens. Généralement, ces constructions de pierre marquent un lieu, un passage, où il est possible qu'autrefois des événements étaient commémorés. Rien n'interdit de penser un moment que cela peut être aussi vu comme un dispositif pour ramasser toutes les énergies dépensées en ce lieu ; mais c'était plus par curiosité que j'avais franchi ces cercles pour me mettre au centre du dispositif, quoique inconsciemment il eût pu me booster quelque peu ; mais il n'est pas impossible non plus que dans les temps préhistoriques un rite religieux y fut pratiqué, ce que sans doute certains aujourd'hui tenaient à nous le rappeler de façon symbolique, bien que le sens véritable de ces constructions nous échappe quelque peu.


Et il a fallu marcher et marcher à n'en plus finir pour atteindre le gîte de Burgos : La descente, en longeant les barbelés du terrain militaire, reste caillouteuse au début et devient ensuite plus intéressante. J'ai bien retrouvé plus bas le panneau indiqué par mon guide : suivre la route à droite -  « à  gauche, la piste descend vers Villaval ». Et plus loin le chemin coïncide avec la rue principale du village de Cardeñuela Riopico qui émerveille vraiment le passant : tout est propre, lustré, les devantures des maisons décorées (voir photo), un peu comme si une haute personnalité du pays devait être y accueillie dans la journée. Puis le chemin file vers l'autoroute.

Ce fut ensuite le passage par un pont au-dessus de cette autoroute et quelques mètres plus loin le choix de la voie de gauche pour éviter la zone industrielle de Burgos. C'est là que j'ai eu encore des hésitations. En effet, au moment où je commençais à descendre, j'ai vu un pèlerin qui avait choisi justement cette voie de gauche, comme le recommande mon livre guide, mais, arrivé à l'intersection, je n'ai pas vu de flèche confirmant cette direction. En revanche, j'ai vu un panneau avec balise invitant à prendre l'autre direction. Je me suis arrêté un moment ; une pèlerine est arrivée quelques instants après et s'est retrouvée dans la même incertitude. Je ne sais pas ce qu'elle a fait, mais moi j'ai choisi de suivre la recommandation de mon livre et qui collait bien à la réalité du coin : « descendre à gauche une piste qui passe en contrebas de logements fraîchement construits ». Et ce n'est que 2 à 300 mètres plus bas que j'ai retrouvé des balises. Il ne me restait plus qu'à y aller, Burgos était à ma portée.

Il m'a fallu encore beaucoup de temps pour continuer la descente, contourner les barbelés délimitant le terrain d'aviation, et arriver à Castañarès où j'ai décidé de suivre la N-120 alors que les balises poussaient à traverser cette route et à passer de l'autre côté – j'ai suivi alors une piste contre la nationale où j'ai retrouvé des bornes en béton avec des coquilles, et j'ai été doublé par deux jeunes Chinoises en pleine forme qui m'ont semblé très pressées, à la limite de la course. Je suis presque certain qu'elles n'étaient pas poursuivies. Après le passage d'un nœud routier, je me suis aperçu que de l'autre côté de cette nationale des pèlerins défilaient, j'ai alors traversé cette grande route pour reprendre cette voie que j'avais écartée, tout en vérifiant au fur et à mesure que j'avançais qu'elle restait bien parallèle à la nationale qui est l'axe de pénétration dans Burgos.

Les faubourgs de cette ville ne semblaient plus avoir de fin. Dans le centre, de place en place, de carrefour en carrefour, j'avançais dans l'attente de voir une petite rue qui montait vers le gîte municipal. Elle n'arrivait pas, mais le balisage était toujours présent, ce qui me rassurait. Mais, plus loin, sur une grande place, où de grands travaux étaient en cours, les flèches avaient disparu et j'ai rencontré des difficultés à coller à la continuité du chemin. J'ai interpellé une dame qui par gestes précis m'a indiqué la bonne direction – les Espagnols sont très sympathiques avec les pèlerins. Je suis finalement arrivé dans un quartier où j'ai commencé à reconnaître des bâtiments... pour finir par arriver sur « ma » petite rue qui mène au gîte municipal.

Un bon gîte, mais pas de Wi-Fi !


Une petite surprise : des pèlerins sur le trottoir étaient déjà nombreux sur place ; mais ce qui m'a gêné, voire agacé un moment, c'est d'avoir devant moi, dans la file, deux jeunes femmes qui poussaient leurs vélos. Je croyais que la règle voulait que la priorité soit accordée aux pèlerins à pied. Et au fil du temps à attendre pour se rapprocher tout doucement de la porte d'entrée, je me suis raisonné : à pied ou à vélo, ce sont des pèlerins qui comme les autres méritent un lit et un toit après avoir enduré sur le chemin – j'ai pensé à nouveau à la dame dans la montée du col de Matagrande. Je ne craignais pas qu'il y eût un manque de place compte tenu de l'affluence, ce gîte est grand ; mais il reste quand même que j'ai vu plus tard une petite dizaine de marcheurs qui se concertaient en sortant de la salle d'accueil (voir photo, et photo) pour aller chercher un autre gîte. Il y a toujours une place quelque part dans une grande ville comme Burgos, mais le temps pour cette recherche se fait au détriment de toutes ces petites choses incontournables à entreprendre avant de se coucher.

Cette fois-ci, j'étais au 3e étage dans un petit box de 8 lits ; quand je m'y suis installé, il n'y avait qu'un lit qui était marqué par un sac-à-dos, mais à mon retour après le dîner, toutes les places étaient occupées, et par des jeunes ! Les nuits se suivent, mais ne se ressemblent pas toujours : j'ai bien dormi, il n'y a eu aucun bruit dans ma partie de dortoir.

Toujours un grand plaisir à se promener sur la place de la cathédrale :  


Ce gîte, même lorsqu'il est plein, le grand nombre ne donne pas l'impression de peser sur l'atmosphère, les box sont en effet répartis sur trois étages et à chaque niveau une grande salle bien équipée est à la disposition de ceux qui veulent manger, discuter, préparer l'étape du lendemain, etc. Et c'est ainsi que j'ai pu entr'apercevoir à une table les « précieuses » de Logroño qui s'apprêtaient à prendre leur repas –  je ne les avais pas revues depuis quatre jours.
Dans l'après-midi, je suis allé bien entendu me promener et revisiter la place de la cathédrale. Cette fois-ci, je me suis particulièrement mêlé à la cohue du dimanche dans la rue qui débouche sur cette place. Je voulais manger quelque chose, mais tous les bars restaurants étaient bondés. Je suis finalement entré dans un de ces établissements en pensant prendre quelque chose au comptoir, mais il n'y avait plus une


seule place de libre même à cet endroit. J'ai eu malgré tout de la chance : une petite table dans un coin s'est libérée tout d'un coup, et j'y suis allé. J'étais un peu gêné quand je regardais tous ces gens : ce n'étaient pas des piliers de bars, facilement reconnaissables en quelque pays que ce soit, mais des familles endimanchées, des jeunes couples bien habillés et qui s'esclaffaient, mais aussi des mémés qui ne buvaient pas que du jus de fruits, et de tout jeunes enfants qui s'amusaient à la table de leurs parents. Une ambiance extraordinaire ! 


Et j'étais le seul « déguisé » en quelque sorte, j'avais ma tenue de gîte qui est le double de ma tenue de marche, avec mes savates, mais sans mon chapeau que j'avais laissé au dortoir. Dès que je me suis assis, un employé est venu prendre ma commande, et j'ai été servi en un temps record. Il n'y a pas eu de la part des autres de regard d'interrogation, de curiosité, à mon endroit ; je me sentais même comme partie intégrante de ce public, et c'est, entre autres, ce qui fait que ce chemin en Espagne est formidable. J'étais heureux ! Avec un regret bien sûr : ne pas pouvoir échanger en raison de la langue.


  1. Une deuxième tournée en fin de journée pour aller dîner : J'ai choisi un petit restaurant tout près de la cathédrale (voir photo), et une table à l'intérieur, car le froid commençait à monter bien que le soleil fût encore présent ; mais les baies vitrées permettaient d'avoir un bon coup d'œil sur la place, qui était toujours animée. Et un menu pèlerin intéressant, pour pas cher ! J'ai reconnu dans la salle des Anglais, que j'avais côtoyée avant, et nous nous sommes salués.

En m'endormant le soir, j'avais déjà la tête dans l'étape du lendemain ; compte tenu de l'affluence – j'avais aussi revu une bonne partie des cohortes de Néerlandais –, il me fallait partir assez tôt et ne pas traîner en chemin, car à Hornillos del Camino, le gîte près de l'église du village n'a qu'une trentaine de places, et la capacité d'hébergement de ce petit village n'est en rien comparable à celle de Burgos.

samedi 1 octobre 2022

 

Étape 11 : Belorado – San Juan d'Ortega, samedi 10 mai 2 014, ~ 25 km

 Photo : Le monastère de San Juan d'Ortega.

 


Un résumé de l'étape : La première partie de cette étape est comparable à celle de la précédente, un chemin plus ou moins vallonné dans des terres à blé, et qui passe par de modestes villages ou des hameaux qui semblent reprendre vie (Tosantos, Espinosa del Camino) ; en arrivant à Villafranca, le terrain change du tout au tout : c'est la Montes de Oca, à la pente sévère, parmi la forêt et la lande, un paysage qui explique un peu des légendes du Moyen Âge : des brigands détroussaient les pèlerins, et il se répétait aussi que ces derniers redoutaient les attaques des loups. Après la lande, c'est la forêt, pour arriver à la ligne de crête parcourue par une large voie forestière, qui après un passage au col de la Pedraja (1 150 m d'altitude), marqué aujourd'hui par une stèle qui rappelle à la mémoire des passants ces républicains exécutés par les troupes du général Franco pendant la guerre civile. C'est dans un paysage de landes et de conifères que le chemin finit par descendre sur San Juan d'Ortega où le monastère (à 1 000 m d'altitude) se repère vite – Juan d'Ortega, un disciple de Santo Domingo de la Cazalda, qui s'est mis au service des pèlerins, est le fondateur du monastère.

L'étape :

Le passage devant l'église de Belorado tout près d'un gîte qui est juste vers 6H30 s'est fait sans que j'aie rencontré un quelconque marcheur ; cette partie de Belorado m'a même semblé bizarre : le silence était total, tout semblait figé, et ce jusqu'au carrefour un peu plus loin.

Point n'était besoin d'avoir bien consulté le plan pour se rendre compte que cette étape allait se faire encore en compagnie de la N-120. Passerelle, piste, sentier, chemin un peu plus large, mais toujours dans les environs de cette route nationale.

À l'approche de Villafranca de Oca, je savais que j'allais quitter la plaine, les terres à blé, pour attaquer un massif forestier et arriver devant la vraie difficulté du jour. Et ce qui me faisait plaisir, c'est que le soleil était toujours bien présent, et que les meilleures conditions étaient réunies pour affronter cette partie que j'avais faite sous l'orage en 2 011 ; un coin qui devait être vraiment à l'écart des territoires fréquentés au Moyen Âge, où la légende dit que des brigands détroussaient les pèlerins, sans compter que les loups y semaient une certaine terreur.

J'ai franchi une rivière pour entrer dans cette ville, et je me suis arrêté cette fois-ci au bar-restaurant qui me tendait les bras, afin d'être en meilleure condition pour attaquer cette montée. J'ai suivi la N-120 dans l'agglomération et un couple qui marchait devant moi est parti tout droit, sans tourner à droite comme l'indique le balisage.

La montée est toujours bien là ; une véritable rampe qui part de la nationale, et qui passe devant l'église ; j'étais alors seul, personne devant et personne derrière, et j'avais les yeux grands ouverts, car je ne voulais rien rater cette fois.

Au départ de cette montée, qui est un véritable test de forme au bout de 10 jours de marche, j'ai refait les réglages de mon sac-à-dos, et j'ai bu de grandes gorgées d'eau pour être dans les meilleures conditions. Un virage à droite, un passage le long d'un mur, puis un chemin plus herbeux. Enfin, un petit plateau pour bien reprendre sa respiration. Mais il faut continuer dans la foulée pour garder son rythme. Un premier bilan de cette ascension peut être fait. Passage ensuite dans une petite forêt et auprès d'un abri où en 2 011 notre groupe avait fait une halte sous une pluie battante qui ne nous lâchait pas.

Puis, c'est un plateau avec la possibilité d'avoir un point de vue, et l'occasion de tomber le sac pour faire reposer un court moment les épaules.

J'arrivais alors vraiment dans la grande forêt ; j'entrais dans un monde de fraîcheur, de tranquillité ; et cette forêt, je l'ai trouvée quand même pentue, le chemin étant très humide parfois et même glissant. J'ai été doublé par deux jeunes qui étaient en quelque sorte en compétition, mais avec de petits sacs, et il ne m'est pas venu un seul instant de sauter dans leur pas. À vrai dire, il me tardait d'arriver au sommet et de retrouver cette longue ligne droite sur la crête.

Le temps était toujours magnifique, et il ne faisait pas vraiment froid. Je me suis rendu compte que ma mémoire n'était pas très fidèle dans cette partie : la piste forestière n'est pas aussi large que dans l'image que j'avais gardée dans des conditions atmosphériques difficiles ; les fossés de chaque côté de la piste ne sont pas aussi nets et profonds, les arbres bordant ce chemin n'étaient pas aussi imposants – y a-t-il eu abattage des belles pièces depuis 2 011 et replantation voire repousses ? La forêt dans son ensemble m'a paru beaucoup moins imposante que la dernière fois ; de même, je n'avais pas retenu des petits dénivelés, Et encore moins la passerelle sur le ravin de la Cerrada et la remontée assez raide sur l'autre rive.

Cette fois-ci, j'ai mieux ressenti le passage à l'alto de la Pedraja, repérable par la stèle à la mémoire des républicains fusillés pendant la guerre civile. Ce qui me préoccupait, c'était que je ne voyais pas arriver le sentier de descente sur la gauche qui mène à San Juan, et j'avais un peu peur de le rater. Et, finalement, après avoir pris tout mon temps pour manger à l'ombre des arbres – cela ne servait à rien d'arriver plus tôt et attendre l'ouverture du gîte, même lorsqu'il fait beau, et ensuite marché dans une partie où la lande prend le pas sur la forêt, je me suis retrouvé dans la descente. C'est en réalité une large piste dans une forêt de conifères qui m'emmena en bas dans une partie de prairies qui annonçait l'arrivée à San Juan. Je me suis senti bien mieux à la vue du monastère.

 


Une première leçon de patience, d’humilité, de respect de l'autre :

Arrivé sur la place, j'ai constaté que l'albergue était déjà ouverte ; en y entrant dans la petite salle qui sert de bureau d'accueil, j'ai constaté que 6 personnes attendaient, et découvert au premier coup d'œil le fonctionnement d'un petit système : devant un bureau, où deux hospitaliers enregistraient les entrées (inscription, tamponnage de la créanciale et encaissement pour une nuit), était placée une chaise sur laquelle le pèlerin prenait place quand arrivait son tour ; à côté de ce bureau, le long du mur, un banc servait en quelque sorte de guide pour la file après que les entrants eurent déposé leurs sacs à dos dans un coin de la salle, et sur lequel les suivants attendaient leur tour en soufflant un peu. À mon entrée le banc était totalement occupé, et j'ai dû patienter un petit moment avant que ne se libérât une place. Et assez rapidement j'ai progressé sur ce banc pour me rapprocher de la chaise. Et tout d'un coup entre un pèlerin qui n'avait pas compris le système ou qui avait l'habitude de court-circuiter les files d'attente : d'autorité, et sans avoir jeté le moindre regard aux autres, il s'est installé sur la chaise. Personne n'a bronché, y compris les hospitaliers, et il s'est même permis d'entrer dans des détails concernant les conditions d'enregistrement. C'est dans ces échanges qui touchaient à son passeport que j'ai compris que c'était un Polonais. Ce que j'ai trouvé formidable, c'est qu'il n'y a pas eu la moindre réaction des autres, pas le moindre échange de regards, le moindre soupir chez ceux qui ont été ainsi lésés. Il n'empêche que si c'était un pèlerin que je connaissais bien, je lui aurais dit calmement mais nettement : ici, nous sommes tous fatigués et pressés, alors tu respectes les autres, tu attends ton tour. Il n'est pas impossible non plus, que voyant les autres assis et presque figés, qu'il ait cru que l'inscription était déjà réglée pour eux. Mais, même dans ce cas, il devrait y avoir par précaution un rapide regard interrogateur en direction des présents, car eux aussi étaient quelque peu pressés de choisir leurs lits et surtout de prendre une douche. Mais je me suis dit aussi qu'avant Santiago, le Chemin se chargera de lui donner quelques petites leçons à ce sujet. Je ne l'ai plus revu, le Polonais ; j'en ai rencontré d'autres, qui d'ailleurs parlaient assez bien le français, et, bien entendu, je ne leur ai pas soufflé un mot de ce petit incident à San Juan.


Un gîte qui n'a pas changé :

Sitôt ces formalités accomplies, je me suis précipité à l'étage pour constater que le premier dortoir où j'avais dormi, en 2 011 était pratiquement plein, que beaucoup de jeunes s'affairaient à préparer leurs lits et à ranger leurs affaires, et qu'il ne restait plus que quelques places disponibles, mais des lits en haut ! Sans m'arrêter, je me suis dirigé vers la 2e salle, et là j'ai eu quand même le choix pour me poser : pas trop près de la porte d'entrée, ni de celle qui débouche sur les toilettes, ni trop près d'une fenêtre pour éviter de prendre froid si quelqu'un devrait l'ouvrir toute grande la nuit, ni trop loin non plus pour bénéficier d'une entrée d'air et mieux respirer. Et surtout un lit en bas ! Ensuite, comme d'habitude, faire vite pour sauter sur une douche de libre, et enfin laver et étendre le linge. La suite était d'un classique des plus ordinaires – à noter que même si ce sont les mêmes gestes et les mêmes actions, les lieux et les circonstances étant différents les ressentis ne sont jamais les mêmes, que ce soit pour boire et manger ou visiter un lieu prétendument connu. Je veux parler, d'aller prendre un sandwich et une bière au bar-restaurant du coin, prendre des photos pendant les visites, y compris de l’église, et revenir pour une petite sieste de façon à évacuer un peu la fatigue avant la nuit, tout en pensant à l'étape du lendemain. À ce propos, c'est l’étape de Burgos qui m'attendait avec ses 27 – 28 km ...Encore un passage mythique, du moins par la part que chacun y met. Et toujours la même interrogation : sous quel temps ? 

Une fin d'après-midi, pour les visites :

Cette albergue n'a pas changé, mais j'ai trouvé même qu'elle tenait bien le coup. J'ai revu le patio et les vieilles pierres apparentes, et les tuiles romaines du toit ; le tour de ronde à l'étage est toujours décoré par les vêtements des pèlerins à sécher – c'est en effet le seul endroit par où le soleil entre jusqu'à tard dans la journée (voir photo), où, sous les bords du toit, des nids d'hirondelle attestent que le lieu est convenable et sécurisant.



Le flux des pèlerins est bien présent, les dortoirs sont pleins. J'ai commencé à essayer de m'expliquer pourquoi ils sont pleins alors que j'ai marché le plus souvent seul, que j'ai doublé à peine 4 personnes, que j'ai moi-même été doublé par encore moins, et que j'en ai vu d'autres qui ne s'arrêtaient même pas à San Juan, sans doute pour se rapprocher de Burgos, l'étape suivante, une des grandes villes de ce Camino Francés qui demande un peu plus de temps à l'arrivée. C'est qu'ils sont sûrement partis d'un point après Belorado, peut-être même de Villafranca, au pied de cette montée. J'ai trouvé que dans l'albergue il y avait un bon équilibre jeune et vieux, de toutes les nationalités. Une preuve s'il en fallait, de la vitalité de ce pèlerinage !

Je n'ai toujours pas revu les gros bataillons de Nordiques ; dans mon flux, ce sont les Anglaises et les Anglais qui « dominaient », j'ai d'ailleurs mangé au restaurant le soir avec un couple d'Anglais. L'homme parlait assez bien le français, et nous nous sommes présentés assez complètement – quand je lui ai parlé de la Réunion, il s'est vite repéré - j'ai toujours sur moi un stylo et du papier pour préciser des repérages sur le globe ; il a été surtout été intéressé par la place de la Réunion dans la République française – un discours que j'ai eu souvent à tenir sur les chemins et qui commence à être bien rodé. Sa femme, qui ne parlait pas du tout la langue de Molière, se contentait de sourire... et d'apprécier le vin. Vu l'affluence dans ce restaurant, nous avons dû attendre le 2e service. Ce fut encore un moment de réapprentissage de la patience ; mais je dois reconnaître que l'établissement fonctionne bien, que les personnels sont très efficaces dans le service et que ma foi le repas n'est pas mal non plus !



Tout s'est donc bien déroulé, à ceci près : dans la 2e partie de la nuit, j'ai été – pardon ! nous avons été réveillés par un « pro » du ronflement, un jeune, qui sous la couverture et la tête couverte d'une capuche a tenu tout le monde éveillé jusqu'au moment où il a fallu se lever pour se préparer. Il était sur un lit en haut, presque à la porte qui donne sur un petit couloir menant aux toilettes. Et pendant que tout le monde passait et repassait auprès de son lit pour aller dans la salle d'eau, et aussi pour refaire le sac-à-dos dans l'espace couloir de façon à ne pas gêner ceux qui restaient malgré tout au lit, lui, il ronflait toujours, et de plus belle ! Là encore, il n'y a eu aucune remarque, aucun mauvais geste.