dimanche 25 septembre 2022

 

Étape 10 : Santo Domingo de la Cazalda - Belorado, vendredi 9 mai 2 014, ~ 23 km

 

Photo : L'albergue de Belorado .

 


Attention : je reviens ici sur le Camino 2 014, le découpage en étapes étant le même qu’en 2 018, mais où j’ai dû faire l’impasse sur certaines étapes en raison du décès de mon frère à Marseille. Ici mon frère Benjamin, à un centre funéraire marseillais, retrace devant parents et amis venant d’un peu partout de la France Métropolitaine les grands moments de la vie du disparu. Voir Photo.


 


Résumé de l'étape :

Ce fut une étape sans vraie difficulté, accomplie sous un beau soleil après un départ où le froid était pénétrant. Les villes rencontrées : Grañón, après un peu plus de 2 H de marche, un passage inoubliable devant ces grands édifices marqués par le temps et qui font penser à toutes ces générations de pèlerins qui y sont passés ; puis Redecilla del Camino, et j'ai dû mettre encore 1 H pour atteindre Viloria de Rioja, où j'ai pris mon temps pour bien manger sur une petite placette au centre où il y avait des bancs et un point d'eau (voir photo). Il ne me restait plus qu'un bon trois quarts d'heure pour me retrouver dans le centre de Villamayor del Rio, et sensiblement 1H30 pour atteindre l'albergue à l'entrée de Belorado.

 

Le déroulé de l'étape :

Je suis parti de Santo Domingo de la Cazalda à 6h45 après un bon petit-déjeuner dans le bar-restaurant où j'avais pris mon dîner la veille. J'avais à peine commencé quand j’ai vu arriver Suzy, qui était à l'albergue d'à côté ; elle a bu rapidement un café ; je ne suis pas sûr, mais je pense qu'elle avait mangé un petit quelque chose avant qu'elle quittât la table. Vraisemblablement, elle devait partir dans un groupe qui s'attaquait alors à une longue étape – elle est très bonne marcheuse.

J'ai pris mon temps, car je savais que mon étape aujourd'hui ne présentait pas de difficultés particulières, et qu'à l'arrivée, j'avais toutes les chances de me caser dans un hébergement.

Il faisait froid au départ, aussi j'avais enfilé par-dessus la polaire un coupe-vent, d'autant que ma petite toux sèche que j'ai découverte hier était bien installée et que j'avais le nez qui commençait à s'activer. Mais j'étais toujours dans les mêmes dispositions : attendre le soir à l'arrivée pour voir si je devrais mettre en route un petit traitement. D'ailleurs, il n'y avait pas que de ce côté-là qu'il fallait apporter quelques petits soins : comme je n'aime toujours pas mettre de gants lorsqu'il fait très froid, je commençais à ressentir une petite fissure à mon pouce droit et une autre à mon index, la conséquence du froid et du vent mais aussi des pressions pour tenir les bâtons et surtout monter et descendre le sac toute la journée. Mais je savais que je devais passer par là comme pendant les années précédentes sur le chemin – sans doute que c'était aussi une carence d'une « vitamine Z », que je n'ai toujours pas identifiée ; comme je n'aime pas mettre du gel sur mes mains, je sais comment traiter ces fissures : bétadine et petit pansement de protection, jusqu'à ce que la fissure soit comblée.

Après le passage devant la cathédrale de Santo Domingo, j'ai continué la calle Mayor  que j'ai trouvée intéressante par les devantures des maisons, et j'ai retrouvé plus loin la N-120. Sur une bonne partie de l'étape, la piste est parallèle à cette grande route. Elle s'en écarte un peu dans une portion ; elle est parfois gravillonnée et même caillouteuse. Et dans la première partie de cette étape, les marcheurs empruntent de longues lignes droites dans les champs de blé.

Après un peu moins de 2H de marche, ce fut le passage à Grañón. Il a fallu ensuite passer par quelques points un peu hauts dont Redecilla del Camino et surtout Viloria de Rioja, où j'ai mangé le sandwich que j'avais pris soin de prendre le matin au bar-restaurant de Santo Domingo. J'ai pu alors écouter à plaisir une tourterelle qui n'arrêtait pas de chanter dans son nid sous le toit d'une grande maison. Ce fut ensuite, après avoir passé quelques petites bosses, et le plus souvent sur une piste aménagée qui accompagne la N-120, ce qui assure une bonne sécurité pour les marcheurs, que j'ai dû traverser cette nationale pour emprunter une petite rue qui devient même une ruelle cimentée pour accéder à l'albergue.

 

Un bon gîte :


Pour une fois, je n'ai pas eu à patienter pour me se faire enregistrer à l'accueil ; et j'ai remarqué des aménagements sans doute récents par rapport à 2 011, dont un espace piscine, mais c'était peut-être pour ceux qui prennent des chambres d'hôtel ; cependant, je n'ai vu aucune pancarte interdisant l'accès à quelque structure que ce soit dans ce complexe. J'ai donc retrouvé l'albergue (voir photo), avec des petits dortoirs de 8 à 10 lits dans un bâtiment tout au fond du terrain.

J'étais dans le même dortoir qu'en 2 011, le N°6, et j'ai eu un lit en bas, le N°8 (voir photo). Une jeune pèlerine s'est installée au numéro 7 beaucoup plus tard ; je l'ai vue arriver assez fatiguée, et elle dormait encore quand je suis parti le lendemain matin. J'étais le premier à m'installer dans la chambrée, ce n'est qu'en fin de journée que notre dortoir s'est complètement rempli.


J'étais toujours parmi des Italiens, des Espagnols, et aussi quelques Anglais, mais c'étaient tous des nouvelles têtes, les variations peuvent être importantes, compte tenu du découpage des étapes des uns et des autres.

 

Mon dispositif d'installation dans les gîtes :

Il ne varie pas. Il s'agit de prendre des habitudes pour retrouver facilement ses affaires, y compris dans la nuit, et ne pas perdre du temps à les rechercher pour partir le lendemain. Sur mon lit, du côté de ma tête, mon chapeau avec mes objets « précieux » : lampe, GSM (réveil), ceinture (papiers officiels), et, de ce côté, au pied du lit mes bidons d'eau et mes savates ; sur le lit à côté de mon sac de couchage une couverture prête à être dépliée la nuit en cas de besoin ; au pied du lit, sur la barre, ma polaire de gîte pour me couvrir si je dois quitter mon lit, ma serviette de toilette, mon sachet d'effets de toilette et mon poncho ; et au-dessous mes chaussures et mes bâtons. En un mot, occuper son petit espace dans un ordre donné, et toujours le même !



Et une fois l’installation faite, un incontournable moment de plaisir : bien manger et bien boire, question de récupérer au mieux (voir photo de Jean-Paul).

 

La fin de journée :

En fin de journée, j'ai fait aussi la connaissance d'un Français qui venait de s'installer sur un lit en face du mien, le dernier encore libre, et qui me disait, alors que je le voyais très sportif et en excellente forme, qu'il avait tout entrepris y compris la compétition de haut niveau en montagne, et qu'il était aujourd'hui cassé de partout. Et, pourtant, il ne pouvait s'empêcher de continuer à marcher sur les chemins de Compostelle. Et aussi d’admirer le chemin qui m’attendait le lendemain (voir photo). 


vendredi 9 septembre 2022

Étape 9 : Nájera – Santo Domingo de la Calzada, jeudi 08 mai 2 014, ~ 21 km

 Photo : La cathédrale de Santo Domingo de la Cazalda.



 Résumé de l'étape :

Dans cette étape de 21 Km, se présentent toutes les difficultés habituelles du chemin : ces longues lignes droites à travers des champs, dont certaines donnent une idée de la notion de l'infini (voir photo) et un entretien de cette nécessaire patience dans toutes les entreprises de la vie. Je suis le dernier du groupe, avec mon bâton en bois.

Et une montée bien prononcée dans la 2e moitié du parcours, là où il faut savoir modérer l'allure pour ne pas puiser dans les réserves et ménager tendons et articulations ; Et pour finir une belle descente qui fait toujours un peu mal, et qu'il faut donc savoir bien négocier.

 L'étape :

Un petit désordre intestinal dans la nuit, et je reste persuadé que la belle salade au restaurant y était pour quelque chose. Pourtant, au départ le matin, vers 6H, je me sentais bien ; et c'est presque dans le noir que j'ai repris le chemin qui démarre juste derrière l'albergue. Il monte tout de suite après les premières maisons, passe ensuite dans une forêt de conifères, pour redescendre dans les vignes.

J'avais décidé de marcher un peu vite, pour me tester, et surtout pour arriver rapidement à une cafétéria, de façon à prendre quelque chose de chaud, et à ne pas louper comme hier le premier point de restauration possible pour me retrouver dans l'obligation de marcher pendant des heures presque sans ravitaillement. Comme attendu, c'est à Azofra, où après avoir pris la rue principale, que je suis entré dans une cafétéria. Je me suis fait plaisir en buvant un jus d'orange nature et en mangeant une belle part de gâteau maison arrosée de deux tasses de thé.

Il y a une ambiance dans ces lieux où les pèlerins qui sont dans le même flux font une halte, et comme généralement il n'y a qu'un serveur ou une serveuse, l'important en y arrivant est de ne pas se faire « voler » son tour, d'être attentif, prêt à passer commande, et à trouver un coin de table pour manger. En effet, comme en tout temps et en tout lieu, il y a des gens qui ne se gênent pas : arrivés les derniers, surtout s'ils sont de grande taille, en se penchant par-dessus les têtes de ceux qui sont accoudés au bar, ils tentent de se faire servir rapidement, et ce d'autant que la concurrence se fait aussi avec d'autres clients de la région qui passent en ces lieux pour leur petit déjeuner avant de vaquer à leurs occupations. Mais tout finit par bien s'ordonner. La gestion du temps se fait aussi dans les bars et les restaurants.

Puis, après le reste de la traversée de ce village en descente, ce sont de longues lignes droites à travers les champs de blé qui attendent les pèlerins, où le vert à l'infini est toujours reposant, pour peu que le soleil ne cogne pas trop et que le vent ne pousse pas des tourbillons de poussière sur la piste, ce qui est fort désagréable.

Dans la 2e moitié du parcours, une longue et dure montée attend le pèlerin, et je n'ai pas hésité à m'arrêter dans une autre cafétéria, d'autant qu'il a fallu que je subisse toute une séquence de montagnes russes avant d'arriver au point le plus haut pour finalement d'entamer une longue descente pratiquement rectiligne vers Santo Domingo de la Calzada.

Ce qui retient l'attention à ce point le plus haut, après le passage près d'un super golf, c'est cette étrange ville de Cirueña où ses maisons, ses aires de jeu, ses routes sont étrangement désertes, un peu comme si l'anticipation de vouloir construire une ville à la campagne fût un peu trop brutale.

Et après avoir traversé une zone industrielle, ce fut l'arrivée par la c/Mayor de la vieille ville, et la redécouverte d'un refuge que j’ai déjà pratiqué.

Les vieux quartiers de Santo Domingo de la Calzada :

Je n'ai pas reconnu cette arrivée dans la Call Mayor, et j'ai même été surpris de voir qu'une file de sacs-à-dos commençait à se mettre en place devant les vieux murs de l'abbaye Cistercienne (voir photo).


L'explication est pourtant simple : en 2 011, pour la fête du Saint, tous ces quartiers étaient décorés, animés, et débordaient de familles endimanchées, qui s'amusaient sur les places et se promenaient dans les rues, alors qu'en ce jour tout était si calme et les rues pratiquement désertes (voir photo). J'ai un moment hésité sur le choix du gîte – c'est l'ancienne maison du Chapelain qui a été transformée en albergue –, car j'avais prévu d'aller dans celui qui est près de la cathédrale et du café-restaurant. Mais quand j'ai vu que la file de sacs ne faisait que s'allonger (voir photo et photo), que les arrivées se faisaient encore plus nombreuses et que ce gîte ne s'ouvrait qu'à midi alors qu'il n’était qu’un peu plus de 11 H, je m'étais dit, qu’étant en 4e position dans cette file le mieux était de rester sur place, au cas où là-bas tout serait déjà pris. Et même si je savais, quoique l'affluence des pèlerins en ce mois de mai soit importante, que la capacité d'accueil de Santo Domingo est en principe à la hauteur, dans tous les cas il y aura toujours une place pour caser un pèlerin hésitant. Mais je tenais aussi à revoir cet hébergement une 2e fois. Et je ne l'ai pas regretté ! Une petite préoccupation durant cette attente de l'ouverture : sans doute, à rester à pic devant les murs de ce refuge, et comme je ne m'étais pas suffisamment couvert, j'ai attrapé un léger froid. J'avais une petite toux sèche, et je me demandais si je devais l'attaquer tout de suite à l'aspirine. De ce côté-là aussi, il s'agit de bien gérer les inconvénients dans la durée, en misant principalement sur la récupération et la défense naturelle de l'organisme – j'étais à ma 9ème étape, il m'en restait 22, mais il ne fallait pas trop y penser, et je devais les prendre l'une après l'autre. « À chaque jour suffit sa peine ».

 Un bon vieux gîte :

Je me suis retrouvé à l'étage dans une chambre de 3X2 lits, mais celui qui est au-dessus du mien n'étant pas occupé, je l'ai utilisé, comme d'habitude, pour étendre et faire « respirer » mes affaires. À cet étage, il y a une salle de toilette avec une douche et un WC, mais c'est au rez-de-chaussée que se trouvent des équipements plus modernes et surtout une belle et spacieuse salle où il est possible de prendre un petit-déjeuner, de réchauffer un plat, de lire et d’écrire, et de recharger téléphone et autres appareils électriques – et elle donne sur une grande cour, où les dispositifs de séchage du linge sont suffisants. Donc, une vieille albergue qui fonctionne bien, et qui a un avantage : vu la disposition des différentes salles, l'impression du plein n'est pas perceptible.

Mes compagnons de la chambrée, Brésiliens, Italiens, Espagnols ont été la nuit d'une grande discrétion, et il en a été de même dans la chambrée d'à côté – le gros bataillon de Néerlandais était ailleurs. 

 Une petite visite de la ville : Après l'installation, je me devais de reprendre les bonnes habitudes : une petite visite de la ville et une reconnaissance pour partir demain s'imposaient. Et, bien entendu, il y eut un passage dans un restaurant-bar où j'ai pris un sandwich et une grande bière ; et pendant que je mangeais, j'ai vu un couple de Français arriver dans la rue, s'installer sur un banc à l'extérieur de l'établissement et commander une boisson – et je les entendais discuter sur les hébergements dans la ville en compulsant leur guide ; les deux n'avaient pas l'air pressé, puis ils ont disparu rapidement. Et je ne les ai jamais plus revus sur le chemin. Chacun son rythme, et le choix de ses étapes. C'est dans ce même restaurant que j'ai pris un bon dîner pèlerin.

Il y eut, naturellement, la petite balade sur la place de la cathédrale (voir photo, photo), célèbre pour s'attacher à un événement symbolique, marqué par une cage abritant un coq et une poule, en référence à la légende du pendu, dépendu. Voir la photo de Jean-Paul, un compagnon de route expérimenté.

 Un retour sur cette légende du pendu, dépendu vivant :

La cathédrale de Santo Domingo de la Calzada est un des passages incontournables sur le chemin de Compostelle, en raison, entre autres, du témoignage vivant de l'aide que le Saint apporte aux pèlerins. Mais aussi, et c'est ce qui sort de l'ordinaire dans cette église, de la présence de gallinacés blancs, gérée par des bénévoles de la Confrérie de Santo Domingo.

En effet, c'est un miracle qui a propagé le nom du Saint : un coq et une poule après avoir été cuisinés ont chanté. Un document daté de 1 350 dans les archives de la cathédrale le confirme, si tant est que l'on puisse être de plain-pied dans le champ de la vérité historique. Croire vient avant vérifier, et peut parfois suffire, et même s'imposer. Voir photo: D’où le déguisement proposé aux visiteurs – ici un compagnon du groupe, Jean-Paul, un excellent marcheur. 

Les faits rapportés : un couple d'Allemands et leur fils en route pour Santiago de Compostelle firent une halte dans cette ville. La fille de l'Auberge où ils ont passé la nuit tomba amoureuse du jeune homme qui resta indifférent à ses avances ; cette dernière pour venger l'affront plaça dans les affaires du jeune homme une coupe en argent. Accusé d'être un voleur, il fut jugé, condamné et pendu. Au retour du pèlerinage, les parents découvrirent que leur fils en suspend était toujours vivant ; et le pendu leur déclara même qu'il était sous la protection du Saint. Ils en informèrent le juge de la situation, qui exprima son incrédulité en s’écriant : "Il doit être aussi vivant que le coq et la poule qui rôtissent à la cuisine". Et ils assistèrent alors au miracle : instantanément, les deux volailles se redressèrent, se couvrirent de plumes et se mirent à chanter. C'est ainsi, pour rappeler ces événements, qu'un coq et une poule sont présents dans cette cathédrale consacrée au Saint, un moine bénédictin, Saint-Dominique de la Chaussée, qui au Xe siècle fut connu pour ses constructions, ponts, églises, et hôtelleries destinées aux pèlerins. 

dimanche 4 septembre 2022

 

Étape 8 : Logroño – Nájera, mercredi 07 mai 2 014, ~ 29,5 km

Photo : La rivière Najerilla à Nájera ; près de la falaise, en arrière-plan, se trouve l'albergue municipale de la ville.



Résumé de l'étape :

Sur une telle distance, j'ai le sentiment d'avoir énormément de temps à ma disposition pour tout revoir tellement les efforts sont prolongés : réglages des bretelles du sac, déplacement sur le corps du poids de la réserve d'eau au fur et à mesure que j'avance, vigilance quant aux points possibles pour se restaurer, la prise des photos, la disponibilité des gîtes à l'arrivée, sans compter l'anticipation quant aux prochaines étapes quitte à modifier le découpage déjà mis en place.

Plus j'avançais, plus je voyais de nouveaux pèlerins sur le chemin, et de plus en plus nombreux ; ils débarquaient d'un peu partout. C'est que les points de départ des uns et des autres sont différents.

Les lieux importants de cette étape : La lente montée jusqu'à l'Alto de San Anton, en passant par le lac peu de temps après avoir quitté Logroño, puis le passage à Navarrete, une petite ville sur une colline comme c'est souvent le cas dans cette partie de l'Espagne, ensuite un arrêt restauration à Ventosa, et enfin une très longue descente vers Nájera pour terminer par le cheminement dans cette ville avant d'arriver au gîte.

Dans cette étape, le chemin n'est jamais bien loin de la N-120.

 Le parcours :

J'ai mis un certain temps à sortir de Logroño, cette grande ville dont le patrimoine, depuis le Moyen Âge, est associé au pèlerinage de Compostelle. Après une marche sur le plat, la tendance est ensuite à la montée, mais par de petites bosses, sans plus. La pente devient un peu plus forte à l'approche du lac de la Grajera, une belle retenue d'eau et une zone de loisirs et de détente. J'ai été surpris par les dimensions de ce lac, ma mémoire pour ce qui est de ce site est revenue quand j'ai parcouru les bois environnements où en 2 011 j'avais observé des écureuils. Cette fois-ci, je les ai à peine entrevus, ils se cachaient vite à l'approche des marcheurs.

Le chemin passe d'une zone boisée à l'autre, et devant la petite baraque de Marcelino, un ermite sur le chemin. Je ne lui ai pas parlé, occupé qu'il était avec d'autres personnes, mais je pense que c'était bien lui, par sa tignasse et sa barbe blanche et bien fournie qui avaient attiré mon attention dans des publications concernant cette étape.

Ce fut ensuite le passage par un point en hauteur, pour descendre et longer en surplomb pendant un bon moment la N-120. Le regard est alors attiré par les croix faites de bois morts que des pèlerins glissent dans les mailles du grillage qui protège le chemin du fossé bordant la grande route. Dans cette partie, le marcheur ne peut pas rater cette grande sculpture d'un taureau noir, toute une symbolique pour la région. Au loin la vue porte déjà sur une partie de Navarrete, sur une colline ; et après une légère descente, c'est le passage devant les ruines de l'hôpital de Saint-Jean d'Acre du XIIe siècle pratiquement au pied de Navarrete.

Il m'a suffi de monter sur la colline pour me retrouver dans cette ville – j'étais à la recherche d'un bar après la belle Iglesias d'Asuncion (XVIe siècle) – Quelle fraîcheur dans cette église ! Mais je ne l'ai pas trouvé. Je suis sorti assez rapidement de cette agglomération.

Je me suis retrouvé plus loin sur de longues lignes droites à utiliser mes raisins secs en attendant Ventosa non loin de l'Alto San Anton où j'ai pris un vrai petit-déjeuner vers les 11h. La piste débouchait alors sur une route asphaltée, et à l'entrée de cette agglomération se trouve un bar moderne, bien équipé, où je me suis fait plaisir : je me suis installé à une table et j'ai pris mon temps pour manger un croissant et boire un thé, tout en utilisant la Wi-Fi de l'établissement pour envoyer photos et messages – j'ai même pris la précaution d'acheter un bocadillo jambon, de quoi tenir jusqu'à Nájera. Il y avait plein de pèlerins, aussi bien en terrasse qu'à l'intérieur de cet établissement.

Puis, je me suis engagé dans la longue descente qui mène à Nájera. C'est dans un petit bois non loin de l'arrivée que j'ai apprécié mon sandwich au jambon.

Cette longue descente en pente douce sur un peu plus de 8 kilomètres à travers toutes sortes de paysages est usante. J'ai traversé une zone industrielle, un bois bien vert et bien fourni avec un pont sur un petit cours d'eau qui m'a quelque peu rafraîchi vu que le soleil avait tapé toute la journée, une zone de dépôt de décombres de toutes sortes ; j'ai aussi admiré avant d'entrer vraiment dans la ville des petites constructions en forme d'igloo, mais en pierres de tailles parfaitement bien assemblées et cimentées – je n'ai pas réussi à deviner l'usage que les promoteurs en attendent – et, pour finir, il m'a fallu tirer sur deux bons kilomètres dans la ville avant de me retrouver sur le grand pont franchissant  la rivière Najerilla.

Pendant toute cette descente, j'ai un peu calqué mon pas sur un pèlerin qui était devant moi, et qui avançait dans une parfaite décontraction, bien qu'au début j'aie cru qu'il était très fatigué – en fait, je suis même sûr qu'il ralentissait pour se faire dépasser. C'est dans les étapes suivantes que j'ai fait sa connaissance ; quand je l'ai revu dans un groupe, j'ai même cru qu'il était muet, mais il était la discrétion même : un Canadien anglophone, très cool et marcheur solitaire.

Arrivé au bout du pont sur la rivière en pleine ville, un jeune, voyant sans doute que j'hésitais sur la direction à prendre, m'a donné des renseignements : vous avez à côté des chambres à 30 €, et là-bas, au fond, le donativo municipal, m'a-t-il dit. J'ai choisi la solution la plus simple, une albergue que je connaissais d'ailleurs pour m'y être arrêté en 2 011. Je n'ai pas traîné, car je savais qu'il y avait bien des pèlerins devant moi, et autant sur mes talons.

 

L'albergue municipale de Nájera :


La file d'attente n'était pas grande à mon entrée dans ce gîte. Rien n'avait changé, que ce soit à l'extérieur ou à l'intérieur, quoique l'environnement immédiat ait enregistré des améliorations sûres, près de l'école notamment, et par de nouvelles constructions contre la falaise. En regardant cette petite baraque allongée, il est difficile de s'imaginer que 90 pèlerins puissent y passer la nuit. Cette fois-ci, j'étais placé pratiquement près de l'entrée du dortoir. C'est que je me suis contenté d'aller au numéro que l'hospitalier m'avait attribué, avec l'avantage qu'en partant de mon lit – j'ai eu la chance d'en avoir un en bas –, je pouvais accéder rapidement aux toilettes, non loin de l'accueil. Une vraie chance, car, dans la nuit, je me suis retrouvé dans l'obligation d'y aller illico, et par deux fois. Bien sûr, je craignais d'avoir attrapé une tourista classique, d'autant que cette fois-ci je n'avais pas emmené un médicament pour stopper un tel inconvénient puisque les autres années je ne m'étais jamais retrouvé dans une telle situation.

Je n'ai pas perdu de temps à mon arrivée, je suis allé à la douche aussi vite que j'ai pu, et j'ai bien fait : il n'y en avait que deux, comme pour les lavabos, les Wc, et même les bacs de lavage dans une autre pièce un peu plus loin, ce qui promettait un peu d'attente au réveil de bon matin.

Dans la petite salle des douches qui se remplissait de vapeur d'eau au fur et à mesure des passages, j'ai dû attendre mon tour, pour me rendre compte que le système fonctionnait assez bien, même si l'évacuation des eaux était limite compte tenu d'une utilisation plus que poussée, le plus important pour les marcheurs était d'avoir de l'eau chaude pour bien délasser le corps.


Comme d'habitude, ce fut ensuite le lavage du linge, mais je ne retrouvais plus mon savon, oublié sans doute dans les douches, et après y être allé jeter un œil, je me suis rendu compte qu'il avait vraiment disparu. Rencontrant Suzy la Québécoise, qui était déjà prête à faire un tour en ville, et à qui je racontais l'épisode du savon, elle m'a aussitôt dit : tous les jours, je perds un objet, mais je le retrouve dans la journée quelque part dans mon sac. Et nous avons convenu que l'explication était simple : il faut du temps, et des étapes, pour que l'habitude de ranger chaque chose à une place précise soit établie, stable, même si les départs se font le plus souvent dans une certaine précipitation. Et Suzy m'a passé son savon, promesse étant faite de le lui rendre après un tour dans une boutique de la ville pour m'en acheter un autre. Et nous avons convenu de manger ensemble le soir dans un petit restaurant au bord de la rivière Najerilla. J'ai pu ainsi laver mon linge, pour constater aussi que les bonnes places pour le séchage, c'est-à-dire ensoleillées jusqu'en fin de journée étaient rares sur les cordes à linge ou sur les clôtures à l'extérieur (voir photo).

Puis ce fut la classique tournée en ville pour boire une bière, visiter un peu la ville, et surtout faire des boutiques pour acheter des fruits...et un savon !

 

Un bon dîner le soir :

Au restaurant avec Suzy, nous avons bien mangé, bien bu, pour pas cher, et discuté de tout, du comportement des pèlerins, de l'apprentissage de l'humilité, et de cette recherche générale et personnelle que le chemin impose, et ce quel que soit le contenu religieux que chacun y met. La conclusion est venue toute seule, référence à Jean Gabin qui disait dans une chanson : finalement, « je sais que je ne sais pas ». De la religion, justement, nous étions d'accord sur l'essentiel, et c'est Suzy qui l'a formulé : « mon Dieu est un Dieu ouvert, tolérant, et il ne m'inflige rien ». Nous avons aussi parlé du Québec, de l'importance de l'anglais, sans pour autant renoncer au français, m'a-t-elle précisé.

Finalement, quelle richesse que ce peuple apporte au chemin ! Je l'ai vu rassemblé au gîte – où il n'y a pas eu de bruit la nuit, dans ce petit bâtiment plein à craquer ; mais, sans doute, la fatigue après une étape aussi longue plonge le marcheur dans un profond sommeil. Des gens de toutes conditions, de toutes les langues, je les avais déjà plus ou moins remarqués, et aussi des Brésiliens que je voyais pour la première fois. J'étais au cœur de ce peuple. J'en ai davantage pris conscience.  Et encore plus quand je suis parti le matin très tôt, quand dans le seul espace disponible devant le bureau d'accueil, j'ai dû contourner, enjamber des jeunes filles et des jeunes hommes qui dormaient profondément sur des matelas que les hospitaliers avaient disposés par terre, la tête enfoncée dans leur sac de couchage, alors que le niveau sonore des préparatifs de départ des uns et des autres commençait à monter. J'étais content de partir, je me sentais bien, j'avais récupéré des désagréments de la nuit.

jeudi 1 septembre 2022

 

Étape 7 : Los Arcos - Logroño, Mardi 06 mai 2 014, ~ 29 km

 

Photo : le pont sur le Rio Odrón, à l’arrivée



Résumé de l'étape :

Durant toute cette étape, le marcheur comprend assez vite que le chemin tourne autour de la N-111, et ce quelle que soit la configuration du terrain.

Dans une première partie, une fois hors de l'agglomération de Los Arcos, ce sont de longues lignes droites à travers les champs de blé qui attendent les pèlerins, ce qui est bien supportable de bon matin, le capital en énergie est encore à un bon niveau  ; mais c'est la deuxième partie qui est fatigante, en raison de la succession de descente et montée sur une distance aussi grande que la première ; en revanche, j'ai été à l'aise dans la descente vers Logroño, un esprit de curiosité m'animait alors : j'attendais en effet cette entrée dans la ville de Logroño qui m'avait marqué en 2 011, et j'avais hâte de confronter ma mémoire avec le réel qui allait se retrouver devant mes yeux. 

Un point intermédiaire attendu : Viana, la dernière ville de la Navarre sur le chemin.


Voir photo à l’approche de Viana
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Au gîte de Los Arcos, la nuit a été bonne : pas de ronfleurs, pas de bruit général de réveil dans le dortoir, et pas de file aux sanitaires.

À 6 heures, mon paquetage était prêt et j'avais enfilé mes vêtements de marche. Je me suis rendu dans la partie où le petit déjeuner attendait les marcheurs. Tout était sur une grande table, et il y avait de quoi bien se caler l'estomac. Chacun se servait : thé ou café, pain et divers gâteaux, yaourt, beurre, fromage, confitures, etc. J'ai pris un peu de tout, et je me suis même fait un 2e thé pour bien homogénéiser ce que j'avais pris.

Il faisait déjà clair quand j'ai pris la calle Mayor pour me rendre à la Plaza Santa Maria. Je suis passé ensuite sous le porche et j'ai franchi le pont sur le Rio Odrón. Je n'ai pas tardé à passer devant le gîte municipal qui m'a paru très convenable, vu de l'extérieur en tout cas, et j'ai continué tout naturellement dans les rues montantes. 

Ce fut ensuite la longue traversée des champs de blé, pour arriver à un point en hauteur dans les vignes. Les petits problèmes que j'ai eus à ma cheville droite se sont effacés à l'échauffement, mais dans toute la partie de dénivelés jusqu'à Viana, j'ai souffert d'une épaule et dû revoir les ceintures de mon sac, et particulièrement celle qui barre la poitrine et qui justement soulage les épaules quand le réglage est bien fait.

L'approche de Viana m'a paru longue, et le fait de serpenter autour de la N-111 me gênait. J'avais hâte d'entrer dans cette ville pour faire une petite pose et manger quelque chose après ces dix premiers kilomètres. Ce n'est que plus loin, mais cette fois dans le Rioja, une région connue pour son vin, après avoir franchi des guets dans des vallons, où j'ai entendu mon premier coucou sur le chemin cette année, et sur la fin longée de petits bâtiments en brique que je suis arrivé au pied de Viana, après avoir traversé une nouvelle fois la N-111. Et je suis entré au centre de cette ville après une petite grimpette.

 Dix kilomètres de « montagnes russes » :

Ce fut ensuite une série de dénivelés : montée, plateau, et descente dans des vallons plantés de vignes ou d'oliviers, et cela sur près de 10 km, en suivant la partie de cache-cache que le chemin livre à la route nationale. Épuisant ! J'ai retrouvé un peu de tonus après avoir mangé, debout, à la lisière d'un bois de conifères, une banane et une orange.

C'est à la fin de cette partie bosselée à souhait que j'ai fait une rencontre inattendue. J'ai franchi une passerelle en bois, pris une piste piétonnière et cyclable, et au moment où je finissais une descente pour arriver sur un plat, j'ai vu quelqu'un assis sur un rocher la tête baissée, en short et en savates, avec un tout petit sac sur le dos. Arrivé à sa hauteur, je me suis rendu compte que c'était le sympathique Italien en face duquel j'avais mangé dans le gîte à Puente la Reina. Il m'a tout de suite reconnu, et, sans faire de discours, m'a désigné ses jambes où la région des tibias était d'un rouge écrevisse. Ce n'était plus le même jeune homme ; je voyais qu'il souffrait et je lui ai demandé comment il résistait. Il m'a dit qu'il prenait des médicaments. Je ne pouvais rien faire d'autre. Je suis parti, un peu remué ; et au bout de 50 m, je suis revenu sur mes pas, pour lui dire : Si c'est une périostite, et ça en avait tout l'air, à côté des anti-inflammatoires, il faut aussi faire des applications de glace à l'arrivée. Il m'a répondu : je le fais déjà ! Et je suis reparti, en pensant à ma cheville droite qui tenait le coup, mais qui de temps à autre m'avertissait qu'une faiblesse persistait de ce côté-là.

Même après avoir aperçu des bâtiments d'une zone industrielle, je trouvais que le point haut avant la descente sur Logroño se faisait désirer, aussi j'ai mangé une petite poignée de raisins secs pour me redonner un peu plus de tonus.

 

L'arrivée à Logroño :

Une fois au point haut, j'ai entamé la descente, légère au départ, pour devenir plus pentue à l'approche de la ville. La route est asphaltée, et il me semblait qu'elle ne l'était pas en 2 011. J'avais bien dans ma mémoire quelques points de cette descente, mais dans la dernière partie la réalité ne correspondait pas tout à fait à ce que je m'attendais : je recherchais un bâtiment et une place où j'avais mangé, mais ce n'est que plus tard que je me suis rendu compte que dans ma tête je m'étais trompé de fin d'étape.

Le véritable changement fut de découvrir dans la plaine au bas de cette descente un vaste jardin en autogestion pour les habitants de la ville, alors qu'avant c'était un terrain vague rempli de hautes herbes.

Et ce fut l'arrivée sur la belle route, pour revoir le crématorium devant lequel j'ai failli, en 2 011, me faire renverser par une voiture : c'eût été en effet un comble et en même temps un avantage que de mourir à cet endroit étant donné, les dispositions que j'avais adressées à ma famille, qui stipulaient clairement qu'en cas de décès sur le chemin de Compostelle, il fallait me faire incinérer au plus près du lieu de l'accident – il n'empêche qu'en traversant à nouveau ces voies près de ce crématorium, j'ai pris toutes les précautions possibles (voir photo).

 

Mais, ce qui m'attendait encore cette année, c'était, 20 m plus loin, une cigogne qui était debout sur son fagot (voir photo), sur le même poteau qu'en 2 011), comme pour saluer mon arrivée – je n'irai pas jusqu'à dire que c'était le même oiseau, quoique cela ne soit pas impossible non plus. La nature, c'est aussi un éternel recommencement !


Tout juste à côté, j'ai traversé le grand pont, et tourné à droite pour reprendre le chemin du gîte communal, que j'ai retrouvé assez facilement.

Je m'étais dit depuis le départ que je n'avais pas à faire de réservations pour les gîtes, et ce d'autant que mon découpage correspondait à peu de chose près à celui de 2 011, et, que je voulais surtout revoir fonctionner ce chemin que j'ai connu – si tant est que l'on puisse le connaître vraiment ! - et essayer de me retrouver en meilleure position pour observer les marcheurs dans ce système.   

 

En terrain connu dans ce gîte :

Au bureau d'accueil, il y avait deux pèlerins devant moi, et, comme l'hospitalier de service attribuait d'autorité un dortoir et un lit numéroté à chaque pèlerin qui se présentait, je lui ai demandé autant que possible un lit en bas ; et il a dû rectifier ce qu'il avait déjà écrit pour me donner satisfaction. J'ai apprécié !

J'ai retrouvé dans ce gîte certaines têtes du flux dans lequel je me trouvais jusqu'ici, mais il y en avait aussi des nouvelles, espagnoles entre autres. Le gros paquet de Néerlandais avait disparu ; ces derniers avaient sans doute choisi une autre albergue.

Dans ce dortoir, j'étais le 3e à s'installer à cette heure, mais à mon retour du restaurant le soir, j'ai eu la surprise de constater qu'il n'y avait plus de place libre, les Espagnols avaient débarqué en force ; et il y en avait même des familles entières, à entendre les incessantes interpellations entre eux.

Après mon installation, je suis allé à la redécouverte de la ville, dans les environs de l'albergue, mais j'ai aussi poussé une pointe plus loin – je n'ai pas réussi à retrouver le petit restaurant sympathique dans lequel j'avais mangé en 2 011, aussi j'ai exploré d'autres quartiers de la ville tout en plaçant des repères de façon à ne pas perdre du temps pour aller dîner vers 19 heures.

À mon retour au gîte, j'ai fait comme d'habitude une reconnaissance bien marquée, pour reprendre facilement le chemin le lendemain.

 

J'ai repéré des « précieuses » :

L'idée m'est venue vers 18H30 de demander à l'hospitalier l'adresse d'un petit restaurant. Sans me dire un seul mot, il m'a tendu un petit carton sur lequel un restaurant pour pèlerins est pointé dans une ébauche de plan – j'avais déjà constaté que plusieurs responsables de gîte en Espagne orientaient facilement les pèlerins vers telle ou telle gargote généralement non loin de leur logement.

Je m'y suis retrouvé sur place en peu de temps, et, entrant dans l'établissement, qui est au rez-de-chaussée d'un immeuble, par un couloir qui longe la salle principale, j'ai remarqué tout de suite que trois femmes et un homme qui discutaient à haute voix en français y étaient attablés. Tout ce petit monde était bien habillé, aussi, moi qui me présentais en pantacourt et en savates-deux-doigts, je me suis installé à une petite table dans un coin de la partie attenante où se trouve le bar. Sur le moment, je les ai pris pour des touristes, mais écoutant leurs conversations, j'ai vite compris qu'ils étaient sur le chemin, et peut-être même que Logroño était leur point de départ – à ceci près, si j'avais bien compris, que l'homme ne faisait qu'accompagner les femmes, qu'il ne marchait pas, et pensait sans doute les reprendre un peu plus loin. Me penchant pour les regarder un peu mieux à travers des plantes vertes, il m'a semblé même après avoir entendu prononcer le mot Réunion, reconnaître un visage. Mais j'ai vite mis tout cela sur le compte de mon imagination. La parole était tenue particulièrement par les femmes, et la forme et le fond de leurs propos m'ont tout de suite fait penser à des « précieuses ».

Ces trois personnes ne pouvaient pas savoir que j'étais un Français, car je n'ai pas prononcé en seul mot pendant tout le repas, me contentant de désigner du doigt les plats que je commandais sur la carte que me présentait le serveur. Quand je suis parti, un autre groupe est entré dans le restaurant.

Ces précieuses, du moins deux d'entre elles, je les ai revues dans plusieurs étapes ; et ce n'est que bien plus loin sur le chemin, à Bercianos del Real Camino, dans des circonstances exceptionnelles que j'ai pu parler à l’une d’entre elles, parce qu'elle avait perdu ses papiers et son argent au départ le matin, et que j'ai participé, avec beaucoup d'autres, à la recherche d'un petit sac qui contenait ces précieux documents.

Une conclusion : je dois mieux tronçonner chaque étape, de façon à faire des pauses un peu plus grandes. Je me suis dit en prenant mon lit le soir : demain, ce sera encore dur pour aller à Nájera, une trentaine de bornes m'attendent. Je m'en inquiétais un peu, et je me raisonnais aussi : après une semaine de marche, si j'arrivais à enchaîner cette nouvelle grande étape sans problème, ce serait gagné pour la suite !