mercredi 15 février 2023

 

Étape 25 : Vendredi 1e juin 18 :  O Pedrouzo, 19 km

Il y avait une belle ambiance sur le chemin, disons une excitation bien perceptible chez les pèlerins, quelles que soient les variations dans les formes de ce pèlerinage : les petites bandes de jeunes Espagnol(e)s et aussi de bien d’autres nationalités qui dévalent les pentes gaiement ; les pèlerins d’un certain âge et certainement d’un bon niveau social, bien propres sur leurs personnes comme si c’était le premier jour de leur marche qui affichent leur bonheur de terminer cet engagement ; les vieux briscards qui se mettent aussi dans l’ambiance pour être dans les premiers aux gîtes basiques de façon à choisir un un bon lit dans les dortoirs. Et participent aussi à cette ambiance celles et ceux qui ont fait des réservations, qui se font transporter leurs sacs et qui n’emportent en chemin qu’un minimum. Toutes les formes de pèlerinage sont respectables. Et ceux que l’on rencontre sont tous des pèlerins ! Il est vrai aussi que le final tant attendu est pour le lendemain, sur la place de la cathédrale, à Santiago de Compostelle.

Le gîte municipal : Je suis sans le dortoir A, au rez-de-chaussée où il y a des groupes de lits (6) autour de petits couloirs. Il faut donc préparer et étaler ses affaires, les ranger pour être pratique, et bien organiser l’espace lit pour la nuit : la serviette de toilette et un minimum pour un passage rapide aux lavabos au bout du lit ; un petit paletot pour se couvrir si un déplacement dans la nuit est inévitable. Le sac-à-viande est toujours apprécié. Pour moi, mes papiers et divers outils sont dans mon chapeau placé près de ma tête (lampe, GSM, lunettes, etc.) pour le cas où j’aurais à partir subitement et à emporter l’essentiel. Et le plus important, pour tous les occupants : un bon sommeil ! Et c’est ce que l’on remarque en se déplaçant la nuit pour un petit besoin naturel.


J’ai eu à gérer un ronfleur d’à-côté qui finalement l’a fait lui-même en se retournant naturellement. Et se réveiller parmi les premiers pour entre autres ne pas avoir à faire la queue aux toilettes. Partir au petit matin après avoir mangé un bout de pain sec et bu de grandes gorgées d’eau. Et continuer à entretenir « le regard de l’Indien » pour vérifier que l’on n’a rien oublié sur place.

 

samedi 4 février 2023

 

Étape 24 : jeudi 31 mai 18 : Arzua ~ 30 km

J’ai particulièrement souffert dans cette longue étape : des petits ennuis intestinaux au cours de la nuit, mais qui ne m’ont pas empêché de bien dormir, et musculaires au niveau du bas du dos pendant la marche ensuite. Et d’une petite pluie qui ne savait pas elle-même si elle devait bien tomber ou s’arrêter. Sans compter des nouveautés de terrain dans une nouvelle arrivée d’étape par rapport à ce que j’ai retenu de 2 014 et de 2 018.

      De bon matin, après avoir passé une assez bonne nuit quand même – j’ai pris dans un bar proche de l’albergue un bon petit déjeuner. Dès la sortie de cette ville, j’ai commencé à ressentir une gêne au bas du dos, et à droite – sur le chemin de Compostelle, des petites douleurs ou simplement des gênes musculaires apparaissent ici ou là et disparaissent quand le corps est bien échauffé. Mais, cette fois-ci, bien plus loin, à l’approche de Melide, cette douleur est devenue bien présente et bouleversante, si bien que je me suis posé la question si je ne devais pas m’arrêter pour cette journée. Cela me torturait même : ah ! si je pouvais tomber tout de suite sur une albergue ! – cette réflexion me tenait dans la petite route qui va jusqu’à l’église, et le balisage indique bien que je devais tourner à gauche un peu avant cette place pour continuer normalement l’étape. Et je savais que très bientôt je devais plonger dans une vaste et belle vallée où vraisemblablement il n’y a pas de logement pour se reposer sérieusement en cas d’aggravation de cette douleur qui était de plus en plus présente. Mais je me suis dit : un pèlerin ne renonce pas comme ça !


     Et dans cette belle vallée, sous un beau soleil, j’ai souffert, mais pour moi, il importait d’en sortir et de retrouver la route à grande circulation après une belle pente dans le terminus, un véritable test de forme. L’objectif était donc de quitter ce paysage, encore fallait-il pouvoir monter cette terrible côte qui permet de retrouver le petit village en haut, et ainsi de pouvoir contacter un médecin – il y a un petit bar juste en haut où il y a la possibilité de prendre quelque chose et d’essayer de se reconstituer, douleurs pas ! J’ai commandé un grand thé et une grosse part de gâteau.

Le pèlerin ne se résigne pas, j’ai remis mon sac mais avec quelques difficultés tout en me disant qu’un peu plus bas il y a des maisons où s’il le faut je pourrai demander de l’aide… et appeler peut-être une ambulance selon l’évolution de cette douleur.

Et difficile à le faire croire : en à peine 100 m sur un trottoir bien fait, tout d’un coup je me suis dit : mais tu ne souffres plus ! Il ne fallait surtout pas déposer le sac mais continuer très lentement, et rester encore plus à l’écoute de mon corps. Un nouveau constat s’imposait après une bonne centaine de mètres : je n’avais plus aucune douleur. Je n’ai jamais autant écouté mon corps, attendant à chaque seconde une réapparition de cette douleur. J’ai réussi à atteindre Arzoua… et je suis entré dans la première albergue que j’ai trouvée. En restant concentré, à l’écoute de mon physique, et ce jusque pendant le temps de la douche. Quel bonheur ! je ne ressentais plus rien… Si bien que je me suis dit : tu continues à faire comme d’habitude… et je suis passé au premier bar rencontré pour prendre une grande bière et un bon sandwich.

 

Arzua, qui me semblait être une petite bourgade il y a quelques années est aujourd’hui une assez grande ville avec des constructions nouvelles et une belle route pour y entrer – ce n’est plus l’arrivée de 2 014 et 2 018. Et un peu plus tard, je n’ai fait que regretter le grand restaurant où j’ai mangé en 2 014 et en 2 018. Il pleuvait légèrement sous un petit vent constant et froid ; je suis entré dans la première albergue sur le côté de la route où je marchais, juste à côté du bar-restaurant – au moins je n’aurai pas à me déplacer pour me ravitailler, étant donné le temps. Il me restait plus que deux étapes pour finir mon 3e Camino Francés. Mais, pendant la nuit, je m’appliquais à bien écouter mon corps, pour détecter la moindre douleur. La suite a été d’un bon naturel…, à deux jours de Santiago !