samedi 16 mai 2020



Étape 37 : d'Ostabat à Saint-Jean-Pied-de-Port : 22 km : lundi 22 juin 2 015.

Photo :  Je suis à nouveau à la porte Saint-Jacques, à Saint-Jean-Pied-de-Port.

Un contexte particulier pour cette dernière étape :

Ce qui caractérise cette dernière étape, et qui marque la différence par rapport à toutes les autres depuis le départ à Vézelay, c'est une présence importante de pèlerins sur le chemin. Il y en avait de partout, parce qu'ils arrivaient des 3 voies, et particulièrement de celle du Puy.

Il y a toujours des petits coins à visiter à Saint-Jean-Pied-de-Port, mais surtout, bien que la capacité d'accueil de cette ville soit importante, vu la fréquentation, il faut toujours garantir sa place, son lit. Je ne sais pas pourquoi mais nous n'avons pas discuté de gîte dans le groupe ; comme nos routes divergeaient à partir de ce point, chacun reprenait naturellement sa liberté de gérer le passage en cette ville. Alain reste un jour sur place avant de poursuivre son long périple par les Pyrénées pour rejoindre le Camino del Norte, faire le nord de l'Espagne par le Camino Francés, dans l'autre sens en quelque sorte, et terminer par la remontée jusqu'à sa maison dans la Sarthe ; Cor continue par le col de Roncevaux jusqu'à Santiago, par le Camino Francés ; et moi, je rentre à Paris. Pour chacun, quel que soit son but, le chemin continue, d'une manière ou d'une autre.

Le déroulement de l'étape :

Après la D 933, ce fut une petite route empierrée, puis j'ai retrouvé sans tarder la route goudronnée.

Un peu plus loin, nous sommes passés par un petit hameau, le balisage étant toujours irréprochable.

Le chemin colle bien au terrain du Pays Basque ; il descend, il monte, franchit des ruisseaux quand il ne les longe pas, mais toujours sans qu'il y ait de vraies difficultés.

Un peu plus loin, il continue pendant un bon moment sur les collines surplombant la route départementale, ce qui fait que le marcheur a un bon coup d'œil sur les paysages.

Nous sommes passés ensuite sur la D 522 pour reprendre la 933, à suivre jusqu'au carrefour de la D 120. C'est dans cette partie, alors que Cor et Alain restaient accrochés à leurs téléphones, que je me suis retrouvé devant ; et c'est ainsi que je suis arrivé le premier à Saint-Jean-le-Vieux.

Nous avons mangé sur la place en face de la chapelle, il y a des bancs à l'ombre. Beaucoup de pèlerins à vélo ou à pied y faisaient un arrêt assez prolongé avant de terminer la dernière petite partie de cette étape.



Une pèlerine à vélo :

J'avais fini de manger, Alain et Cor étaient au bar d'en face à prendre un café, quand j'ai vu arriver une pèlerine à vélo ; c'était un superbe engin avec deux grosses sacoches à l'arrière au point que cela me paraissait un peu lourd à manœuvrer sur les petites routes ; et qu'il fallait des muscles pour faire avancer une machine si chargée – je n'ai pas voulu être indélicat en cherchant à vérifier s'il y avait un dispositif électrique pour soulager la cycliste dans les montées. Elle n'était pas très à l'aise à la descente de son vélo, et ce n'est qu'après que j'ai compris qu'elle avait un léger handicap. Et elle me le confirma dans la discussion générale que nous avons eue : elle a un handicap à une jambe, et elle utilise presque uniquement la jambe valide pour entraîner les pédales. C'est une Hollandaise, et Cor a ensuite longuement discuté avec elle ; elle parle bien le français, qu'elle a appris à l'école. Je lui ai dit qu'elle était très courageuse d'entreprendre une telle expédition, mais elle avait un moral terrible. Je l'ai revue en fin d'après-midi à Saint-Jean-Pied-de-Port, à pied, toute souriante, à l'aise. À voir les autres heureux, cela m'apaise toujours.

Le gîte, et mes billets de train à la gare :

Pour la suite du chemin, je suis parti devant, car contrairement aux deux autres, j'avais une priorité à assurer : certes, une place dans un gîte, mais, surtout, j'avais à retirer mes billets de train pour partir dans le bus SNCF de Saint-Jean-Pied-de-Port à Bayonne, départ à 5 h 45 le lendemain matin. Et il ne devait pas y avoir de couac si je ne voulais pas prendre le risque de rater mon avion le jour suivant pour rentrer à la Réunion. 

Sélim, le jeune musulman :

Le gîte municipal « Association de la vieille Navarre » est juste derrière la porte Saint-Jacques, dans la rue de la Citadelle. Mais j'ai dû attendre un peu avant son ouverture. Trois autres pèlerins m'avaient précédé : deux Coréens, figés comme des statues, et un Français, Sélim, qui parlait beaucoup, et ne tenait pas en place. Il est venu spontanément vers moi, ravi de trouver un autre Français. Ce jeune, même pas trentenaire à mon avis, qui vient de la région parisienne, est vraisemblablement un musulman ; il se disait ouvertement en butte avec son environnement habituel et totalement incompris – il a vendu des affaires, et il s'est lancé sur le chemin de Compostelle, afin de faire le point sur sa vie, sur lui-même. Je n'ai pas cherché à en savoir davantage, je lui ai tout simplement dit que c'était une bonne décision, et qu'il lui revenait maintenant de bien vivre son chemin.

Il n'y avait pas de queue à l'ouverture du gîte ; et c'est une dame, qui parle un peu le français, qui enregistrait les arrivées. Quand est arrivé le tour de Sélim, juste devant moi, il a commencé par dire à la dame qu'il n'avait que 8 € et qu'il ne donnera les 2 € manquants qu'après avoir fait un tour en ville, sans doute pour chercher un gabier. La dame est restée impassible, inflexible, malgré les supplications de Sélim : sans s'expliquer, c'était non, de la tête ! Quand elle avait le regard sur moi, j'ai essayé par des signes de la main de lui faire comprendre que je prendrai à ma charge les 2 € en réglant ma propre place, mais elle n'a pas moindrement cillé. Et il y a eu un moment d'attente... Plongeant la main par hasard dans ma poche, j'ai trouvé une pièce de 2 €, que j'ai passée à Sélim sans rien lui dire. Il a payé sa place, et, en partant, il m'a gratifié d'un sonore : « Que Dieu te protège ! ». Le soir, j'étais déjà au lit quand il est venu me rendre les 2 €.

Le lendemain matin, j'étais le premier à me réveiller, puisqu'il fallait être très tôt à la gare SNCF. Je finissais de boucler mon sac dans l'espace cuisine, dans le dortoir les ronflements se faisaient encore entendre, quand Sélim débarqua. Je ne savais pas où ranger les deux tablettes de chocolat qui m'ont été offertes par Cor, quand l'idée me vint d’en donner une tout de suite à Sélim – rien qu'à regarder ses yeux, je crois que cette tablette allait être dégustée avec plaisir. Je lui ai dit dans quelles circonstances je l'avais obtenue, et au moment où je quittais le gîte, aux environs de 5 h 15, il m'a accompagné jusqu'à la porte en me gratifiant à nouveau d’un « Que Dieu te protège ! ». J'aurais bien aimé savoir la suite du chemin de Sélim...

Ma carte bancaire ?

S'il est un objet qui réclame beaucoup de précaution, c'est la carte bancaire. Quand les billets de train sont réservés avant la marche, pour les retirer dans n'importe quelle gare de France, et valider l'opération, il faut présenter la même carte bancaire dont les références ont été transmises par téléphone ou par Internet.

Le jour de mon arrivée à Saint-Jean-Pied-de-Port, une fois bien installé au gîte, je suis descendu à la gare SNCF qui est en dessous de la ville historique. À mon arrivée, il y avait une petite affluence à l'unique guichet, et l'employé de service semblait prendre du plaisir à faire durer les choses, il est vrai que la plupart des partants n’avaient pas fait leurs choix à partir de Bordeaux, en ce qui concerne les horaires des trains. Ce fut bien plus rapide pour moi : j'ai donné mon numéro de réservation et ma carte bancaire, et j'ai reçu mes billets. Et j'ai aussitôt entamé la remontée vers la ville, il y a toujours des choses à voir ou à revoir à Saint-Jean-Pied-de-Port. J'avais fait un peu plus de la moitié du chemin de retour quand il me vint l'idée de vérifier si j'avais bien ma carte bancaire. Et j'ai eu beau fouiller dans toutes mes poches, je ne l'avais plus ! J'ai été obligé de faire arrière illico presto, en priant pour que je puisse la récupérer au plus vite. Et c'est le cœur battant que je me suis précipité au guichet où des voyageurs n'étaient pas encore servis. Et à une certaine distance, j'ai vu que la pochette bleue de ma carte était toujours près du guichet. Je l'ai reprise sans que personne ne s'intéressât en quoi que ce soit à mon geste. Je n'ai pas eu la moindre remarque ni le moindre regard, chacun était au fond de ses préoccupations du moment. Avant de remonter, j'ai vérifié à nouveau que j'avais bien mes billets dans ma poche. Je me suis dit avec tout le sérieux dont je suis capable : Merci Mon Dieu de m’avoir protégé !

La visite de Saint-Jean-Pied-de-Port :

Il y avait foule dans la vieille ville, surtout en fin d'après-midi, et c'est la 3e fois que j'arpente les rues pavées. Un passage à l'église, et aussi dans des petites boutiques que je ne connaissais pas. Mais j'avais surtout une réservation à faire pour notre groupe le soir : en effet, depuis quelques jours, j'avais décidé d'inviter au restaurant Alain et Cor, et je le leur avais dit, car cette ville était le terminus pour moi, alors que les deux autres étaient encore loin du bout de leur peine, et ce d'autant que leurs propres chemins justement divergeaient à partir de ce lieu. Sur le chemin, des groupes de pèlerins se forment…jusqu’à ce que les priorités des uns des autres divergent… C’est aussi la loi du Chemin !

Un bon dîner, chez Dédé :

À mon retour de la visite de la ville, j'ai retrouvé Alain et Cor au gîte municipal, mais ils étaient dans un autre dortoir. Je leur ai dit de se tenir prêt à 19 H, une table est réservée « Chez Dédé » ; à l'heure dite, nous avons descendu la rue de la Citadelle, et tourné à droite à la première intersection, le restaurant se trouve près de la porte dans les murs de la vieille ville. Je leur ai quand même expliqué que je voulais manger le plus tôt possible parce que le lendemain matin, je devais me réveiller de très bonne heure de façon à prendre le bus, à la gare, à 5 h 45. J'escomptais du temps pour dormir, un long voyage m'attendait : un bus de Saint-Jean-Pied-de-Port à Bayonne, et un TGV de Bayonne à Paris en passant par Bordeaux. En réalité, je me suis très peu reposé, il y avait un jeune ronfleur de fond qui a tenu le dortoir éveillé toute la nuit.

À l'apéritif, en mettant des formes, j'ai tenu à dire quelques mots avant de passer aux choses sérieuses, l'important était de les remercier – et j'ai demandé à Alain de traduire en anglais pour Cor, chaque petit bout de phrase : Merci de m'avoir supporté pendant ces 14 jours passés ensemble ; j'ai une autre façon de gérer mon temps de marche et de repos, mais j'ai appris avec vous, par exemple à élargir et à varier davantage l'alimentation, plus de fruits et de laitages. Je vous souhaite une bonne continuation puisque vous êtes au cœur de la réalisation de vos projets. De toute façon, le chemin continue. Toujours ! Et beaucoup de bonheur dans vos vies ! Nous avons toujours quelque chose à changer dans nos vies, pour nous-mêmes et pour les autres. Faites de bonnes rencontres dans la suite de vos périples. Je salue les grands marcheurs que vous êtes !

Cor a tout de suite plongé sa main dans le petit sac qui ne le quitte pas, et il en a sorti des cadeaux : à Alain, une bouteille de vin ; et à moi, deux tablettes de chocolat. Il a été vivement remercié pour ce geste inattendu !

Très bon repas chez Dédé : salade, poulet, jambon, frite, vin rosé et rouge, glace et gâteau et patxaran – c'est une liqueur du Pays Basque, issue de la macération de prunelles sauvages dans de l'alcool anisé ; un digestif que j'ai découvert en Espagne en 2 011.

Je suis rentré dès le repas terminé, pour gagner un peu plus de temps à dormir, avant de partir très tôt du gîte le lendemain ; je ne savais pas alors que je n'allais pas trouver le sommeil. En rentrant, les rues étaient totalement désertes, ce qui crée un cadre propice à la réflexion : il y a toujours un petit peu de nostalgie à quitter le chemin, surtout quand les amis se retrouveront encore sous leurs sacs à dos le lendemain.


samedi 9 mai 2020



Étape 36 : de Sauveterre-de-Béarn à Ostabat : 24 km : dimanche 21 juin 2 015.

Photo :  J'arrive devant la « Maison Ospitalia », notre gîte à Ostabat.


Résumé de l'étape :

Cette avant-dernière étape de mon Vézelay (la partie française) avait mobilisé toute mon attention parce que je devais me retrouver dans l'après-midi en terre connue : la stèle de Gibraltar (aucun lien avec l'enclave britannique à la pointe de l'Espagne, tout au plus une histoire de prononciation d'un lieu en basque) marque la zone de rencontre entre les voies de Tours, de Vézelay et du Puy-en-Velay. Ce point d'étape, je l'ai découvert mardi 3 mai 2 011, sur la voie du Puy-en-Velay, mon premier chemin de Compostelle. Aussi pendant cette journée, j'ai essayé d'activer dans ma mémoire les images de paysages et de lieux que je devais redécouvrir.

Cette étape a été aussi marquée par un arrêt à Saint-Palais où nous avons fait quelques provisions, et la belle ascension en forêt qui a suivi. Nous avons fait une pause repas pratiquement au sommet, à l'ombre de deux chênes, avant de descendre sur cette fameuse zone de convergence des trois chemins, qui ne laisse pas indifférent le pèlerin – la symbolique du lieu est forte.

La dernière partie de cette étape passe par une 2e montée abrupte pour atteindre la chapelle Soyarza, dédiée à la vierge Marie, avant de plonger sur le village Ostabat.

Le déroulement de l'étape :

De Sauveterre-de-Béarn à Saint-Palais :

En quittant le gîte de Sauveterre, au centre-ville, nous avons pris la route à gauche qui descend vers le gave d'Oloron, et nous avons franchi ce cours d’eau.

Ce fut ensuite la D 933, puis la D 134, et nous avons ainsi passé en revue plusieurs petits villages. Nous étions dans le Pays Basque, en quelques kilomètres, du moins dans les provinces de la partie française. Nous nous sommes arrêtés à une petite église où nous avons trouvé un long banc à l'ombre, un point d'eau et des toilettes.

Un peu plus loin nous avons pris la D 29, direction Saint-Palais.

La dure montée en forêt après Saint-Palais :

À Saint-Palais, nous avons acheté du pain et des gâteaux pour le repas de midi, puis nous avons suivi le balisage qui nous a menés à une rude et longue montée en pleine forêt, d'abord sur une route goudronnée, et ensuite sur un chemin en terre. Presque au sommet, alors que la pente est plus forte encore, nous nous sommes arrêtés auprès de deux grands chênes où un banc a servi de table à manger. C'était bien le moment de se restaurer, et le lieu pour prendre des photos.

La pause repas au sommet de la forêt :

Il faisait bon à cet endroit, sur le bord d'une vallée, l'air y est plus respirable et la vue sur les environs est extraordinaire. Chacun a déballé ses « munitions », et, comme d'habitude Alain a partagé ses très appréciées pâtes au jambon. Nous avons pris notre temps pour manger.

La descente vers la stèle de Gibraltar :

Après le repas, il a fallu terminer cette ascension ; et au sommet, où se trouve une sculpture, il est possible de voir la dernière difficulté sur la colline d'en face (voir la photo, photo et photo), mais il nous fallait descendre pour passer d'abord par la zone de convergence des trois chemins de Compostelle – la voie d'Arles ne débouche pas à Saint-Jean-Pied-de-Port puisqu'elle franchit les Pyrénées au col du Somport et non à celui de Roncevaux.

J'étais devant dans cette descente, Alain et Cor n'en finissaient pas de photographier les environs au sommet, j'avais hâte de finir cette descente – j'ai rencontré un groupe de pèlerins qui se reposaient à l'ombre tout à fait en bas, et qui semblaient avoir tout leur temps devant eux. Le balisage est clair, et je me suis retrouvé à la stèle qui marque ce lieu symbolique. Mais mon repérage ne correspondait pas tout à fait à celui de mai 2 011, il est vrai que le temps était à la pluie en ce lieu, alors qu'en ce 21 juin 2 015 le temps était vraiment au beau. Naturellement, nous y avons passé un certain temps, il fallait bien se donner la peine d'enregistrer des souvenirs sous tous les angles pour bien enrichir nos mémoires.

La dure côte de la chapelle Soyarza :

Celle-là, je l'avais bien en mémoire, et je l'ai trouvée toujours difficile, un peu aussi en raison d'un soleil qui tapait dur. J'étais content d'arriver à la chapelle Soyarza, et de me trouver une petite place à l'ombre – les places au pied des quelques arbres à cet endroit étaient « chères, car il y avait beaucoup de pèlerins, principalement ceux de la voie du Puy-en-Velay. Mais, la plupart ne tardaient pas à repartir, sans avoir oublié de refaire leurs provisions d'eau, car il y a encore du chemin à faire avant de rallier Ostabat.

Quel beau point d'observation des paysages du Pays Basque ! 

La descente vers Ostabat :

Au coup d'œil, la reprise du tracé du chemin n'est pas évidente, mais sans avoir consulté mon livre guide, j'ai vu que tout le monde bifurquait en partant de la chapelle et en la laissant sur leur droite.

La descente est assez abrupte, puis elle s'adoucit dans les bois, et par des petites routes le pèlerin avance, passe devant la chapelle d'Harambeltz. Dans cette descente le balisage est toujours bon. Bien plus loin nous avons quitté la route goudronnée, et par un petit chemin caillouteux et humide, nous avons franchi un ruisseau. Et je me suis tout d'un coup retrouvé devant le gîte où je m'étais arrêté en 2 011 : la « Maison Ospitalia » !



Un gîte et un village figés :

Que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur, la Maison Ospitalia n'a pas changé par rapport à 2 011 ; il n'y a pas d'équipement nouveau dans les dortoirs, ni à la cuisine et encore moins dans les toilettes et les douches. Le seul petit inconvénient enregistré, c'est une assez forte présence de mouches par rapport à mon premier passage en mai 2 011, il est vrai qu'en juin l'été commence à bien s'installer, d'autant qu'il y a des élevages dans les environs.

Au moment où je partais faire un tour dans le village, qui est au-dessus du gîte, j'ai revu par hasard le responsable ; il est venu vers moi et m'a dit solennellement : ceux qui sont de passage ici pour la deuxième fois, c'est un euro de moins, et donc 12 au lieu de 13. Et il m'a rendu un euro.



Les retrouvailles avec le village :

En fin d'après-midi, je suis monté faire un tour au centre du village, et j'ai apporté un bâton, car je me suis souvenu que sur ce trajet, à l'aller comme au retour, un chien me signifiait toujours que je violais son territoire, et il le faisait savoir en aboyant sérieusement dans ma direction. Cette année encore, il était à son poste, au bord de la route, mais, cette fois-ci, quelque peu dubitatif, il n'a fait que me regarder passer. Il a sans doute vieilli, je ne peux pas dire qu'il m'ait reconnu. Je suis passé au bar-restaurant du village pour réserver le dîner ; en cette fin de journée du dimanche la partie épicerie était ouverte, il y a toujours des achats à faire pour le lendemain. Ce sont toujours les mêmes personnes qui officient en ces lieux hautement stratégiques pour les pèlerins. Je ne me suis pas senti comme un étranger qui passe.

Je suis allé faire un tour à l'église (voir photo). Et j'ai jeté un œil sur les alentours : un nouveau gîte dans la petite rue qui monte juste à côté de cette église est en fonction – il affichait complet. Et j'ai terminé ma visite par une petite reconnaissance du balisage de façon à bien partir le lendemain, car je ne m'en souvenais plus... Pour me rendre compte que la suite du chemin est tout à fait naturelle.

À mon retour au gîte, il y avait encore du soleil, je me suis appliqué à déplacer mes vêtements sur la corde à linge dans un petit espace au pied du bâtiment, il faut bien utiliser au mieux les derniers rayons de soleil. Arrivé au dortoir, j'ai constaté qu'une Québécoise s'y était installée, et qu'il faisait très chaud, nous étions au 2e étage de cette baraque. L'urgence était d'ouvrir, pour évacuer au mieux cette chaleur avant la nuit, quitte à avoir quelques mouches dans la pièce. Mais, en principe, ces insectes rentrent chez eux la nuit.

Il ne me restait plus qu'à faire et à refaire un petit exercice de repérage pour éviter un inconvénient caractérisé à ce lieu, surtout lors des déplacements la nuit : ce dortoir étant sous le toit, il y a deux poutres apparentes qui plongent vers chaque lit, à bien repérer et à intégrer dans la mémoire pour ne pas s'y cogner en se levant la nuit. Mais l'exercice n'était pas suffisant, et comme en 2 011, je m'y suis cogné une fois dans la nuit, et une autre fois le lendemain de bon matin en faisant mon sac avant de partir. Mais je n'étais pas le seul à avoir éprouvé la solidité de la charpente : le bruit des coups de tête contre les poutres se faisait nettement entendre, ici ou là y compris du côté de la Québécoise. Sans faire vraiment de bosses ! Les pèlerins ont aussi la tête dure.



Une bonne ambiance au restaurant :

Quand nous sommes arrivés au restaurant, la salle était pleine, nos places étaient réservées au bout d'une longue table, près du bar. Principalement des Français ! Il y avait un Hollandais qui a discuté un peu avec notre ami Cor. Une belle ambiance ! Et avant que l'apéritif ne fût servi ; à moins que, sur l'autre longue table, des impatients n'aient réussi à se faire servir un coup à boire dès leur arrivée. Apéritif, vin (on en redemande), entrée, viande et légumes, dessert, pour un prix raisonnable, et un service irréprochable ! Ça discutait de partout, et à haute voix ; quand les Français sont majoritaires dans un espace, ils le font aussi savoir. Je crois que le gros des « troupes » venait de la voie du Puy-en-Velay. Il y avait aussi un Italien qui s'est naturellement associé à de notre groupe, il parlait convenablement le français. Il s'est quelque peu singularisé : il était plus de 20 h , en plein repas, quand la responsable est venue lui dire qu'elle n'avait pas encore trouvé de chambre pour lui, les principaux gîtes étaient pleins. Et l'homme n'avait pas l'air de s'en faire ; quelque peu prétentieux, il a tout fait pour montrer que ne pas avoir un toit pour la nuit ne le touchait en rien. Et il a continué à nous parler de ses performances sportives – l'homme, encore jeune, a déjà des exploits de renommée mondiale à son palmarès. Mais je lui ai posé directement la question : et si vraiment, tu ne trouves pas un lit à l'abri pour dormir, qu'est-ce que tu fais ? Très décontracté, il m'a répondu : je marche toute la nuit ! Il avait l'air sérieux. Tout à la fin du repas, la responsable a réussi à lui dénicher une chambre chez un habitant. Je n'irai pas jusqu'à dire dommage ! Ç'aurait été intéressant de voir comment un pèlerin qui a marché toute la nuit se comporte le lendemain à l’arrivée.

Le lendemain, alors que nous étions sur un terrain boisé et mouvementé, dans la vraie réalité béarnaise, je l'ai vu passer à côté de moi à vive allure : il avait un sac au dos et un autre plus petit en position ventrale. Il avait un train très sport. Je ne l'ai plus revu jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port. Et je me suis souvenu d'une petite phrase d'un livre guide : sur le chemin de Compostelle, il arrive souvent que « les gros turbos s'arrêtent à Burgos ». La voie du Puy est longue, plus de 1 500 km, et si quelles que soient les capacités physiques la « monture » n'est pas ménagée, l'accident musculaire peut être alors fatal pour la suite, c'est-à-dire la 2e moitié du chemin, en Espagne. Sans compter la résistance morale qu'exige le chemin !

Dès la fin du repas, je suis retourné au gîte, je devais ramasser mes vêtements et commencer à préparer mon sac ; Alain et Cor sont restés un peu plus longtemps. Seul sur le chemin, j'ai revu mon chien, il était toujours en poste, sans doute à pointer les pèlerins qui rentrent dormir. Il m'a regardé sans bouger un poil.