samedi 28 septembre 2019


Étape 12 : Éguzon, 24 km : jeudi 28 mai 2 015.



Photo : J'arrive à Éguzon.






Résumé de l'étape :

            Éguzon, dans le sud du département de l'Indre, est un village étape sur les contreforts du Massif Central. C'est la construction d'un grand barrage hydroélectrique qui donna de l'essor à cette région par le développement des activités de loisirs autour d'un lac de plus de 300 ha.

            L'étape du jour, la dernière de cette variante par Bourges, est très agréable, avec cependant de belles montées sur la fin. Après Éguzon, les pèlerins retrouvent ceux qui sont passés par le chemin de Nevers, et qui continuent sur un seul chemin jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port dans les Pyrénées.



L'étape :

            De bon matin, au départ d’Argenton, la température était de 9° sur la place de la République. J'ai traversé le pont sur la Creuse. Puis, à l'intersection, j'ai tourné à gauche sur la D 913, qui mène jusqu'à l'arrivée, pour suivre le plan arrêté hier. La départementale suit pendant un bon moment la rive gauche de la Creuse pour s'en éloigner quelque peu dans la 2e moitié de l'étape.

            Un signe de plus de l'activité de cette petite ville d'Argenton-sur-Creuse, c'est la circulation sur cette départementale à cette heure matinale, avec un flux important des véhicules qui quittent la petite ville ou qui y arrivent, du moins dans un premier temps. Je me suis vu plusieurs fois dans l'obligation, tout en marchant sur la gauche de la route, de me mettre carrément hors de la voie, et même de m'arrêter parfois dans la partie gazonnée mal fauchée. Il est vrai qu’à cette heure très matinale les gens sont pressés de se rendre à leur travail. Mais plus loin, tout ce bruit de circulation, ce remue-ménage, s'est nettement calmé, et j'ai retrouvé la belle campagne du Berry, avec ses paysages très variés, et beaucoup de bois dont le vert se détache de la couleur des champs environnants, si bien, et c'en est une preuve, que le coucou par ses chants s'est manifesté clairement.

            Cette étape est caractérisée par de longues lignes droites, de faux plats, et aussi de petites routes qui serpentent dans le paysage. Le temps était bien ensoleillé, et c'était l'occasion de reprendre la pratique de la boussole solaire, particulièrement dans la dernière partie marquée par des dénivelés intéressants. Il fallait bien gravir ces petits contreforts du Massif Central. Mais le temps était au beau, la température avait bien remonté sous le soleil, et c'est sans aucun problème que je me suis présenté devant le centre-ville bien aménagé de cette commune d'Éguzon-Chantôme (réunion des deux anciennes communes).



Les habituels points d'appui :

            En avançant dans le village, après l'église, je suis entré dans un bar pour manger quelque chose. La serveuse m'a dit qu'elle ne servait pas de sandwich mais que je pouvais aller en chercher à une boulangerie relativement proche et venir le manger sur place en buvant ce que je voulais. Que je pouvais même laisser mon sac en attendant ! Mais mon sac devant toujours rester sous mon regard, je l'ai remis sur mon dos en allant à cette boulangerie. Les deux consommateurs debout au bar ne se sont même pas retournés à mon passage, je faisais déjà bien partie du décor.

            Le boulanger m'a donné ce que je voulais, et m'a même précisé, avant que je le lui aie demandé, que sa boutique est ouverte à 6 h du matin, et que je pouvais alors emporter de quoi me sustenter pour la journée. Sympathique ! Ce qui montre bien que le pèlerin est sur son terrain.

            J'ai pris mon sandwich et je suis retourné au bar pour le manger...avec un grand thé. Je ne prends jamais de boisson glacée tout de suite après la marche.  



La visite de la petite ville l'après-midi :

  •             Une nouveauté sur mon chemin après la douche et l'installation : j'ai vu un sac-à-dos en ville 
  • ; le dernier, c'était à Cuncy-lès-Varzy, lors de ma 2e étape. Ici, l'homme consultait un plan de la ville ; il n'a pas tardé à partir – même si je ne l'ai pas vu de face, il a fort à parier pour que ce fût alors Jean-François, que j'ai rencontré le lendemain au gîte de la Souterraine, que j'ai revu deux jours plus tard au gîte des Billanges, et dans d'autres hébergements pendant plusieurs étapes. Vraisemblablement, il partait pour le fameux camping municipal du lac d'Éguzon un peu plus loin, qui est ouvert toute l'année. Il n'y a pas à marcher beaucoup pour passer du parc où se trouvent la mairie et le musée de la Creuse à l'église.



 et aux différents établissements pour touristes.

            Au cours de cette visite, j'ai acheté des fruits pour l'étape du lendemain, qui fait 33-34 km ; dans les moments creux, en fin d'étape surtout, les fruits redonnent de l'allant.

            Plus tard, au restaurant où j'ai pris mon dîner, j'étais seul dans la salle pendant presque tout le repas, un couple de touristes est arrivé un peu plus tard, il est vrai que ces deux-là avaient la nuit devant eux tandis que pour moi il importait de prendre un bon repos en vue des kilomètres qui m'attendaient le lendemain.

            Dans la salle du restaurant, des coupures de presse et des photos relataient des événements du village pendant une bonne période, et rappelaient le passage de quelques personnalités dans la région, des peintres célèbres ou de grands écrivains. J'ai relevé particulièrement une citation attribuée à Guy de Maupassant : « De toutes les passions, la seule vraiment respectable me paraît être la gourmandise ». Était-ce un élément retenu pour la stratégie de la maison dans cette région très touristique ? Le pèlerin, pour peu qu’il ait encore plus de vingt étapes devant lui, est plus que conscient qu’il faut toujours bien s’alimenter pour faire face à la dépense d’énergie qui l’attend.



Le hérisson, la mascotte de ce village étape ?

            Il n'est pas possible de visiter le parc à l'entrée de ce village étape, où se trouve le musée, sans « buter » sur la sculpture en bois d'un hérisson, posée à même le trottoir – j'avais d'ailleurs remarqué sur un petit panneau à l'entrée de la ville un dessin de ce petit animal de la campagne. À une dame qui sortait de ce parc, je lui ai demandé s'il fallait voir dans cette sculpture une portée symbolique pour cette petite ville. La réponse, après quelques hésitations : dans la commune d'Éguzon-Chantôme où je travaille, la mairie fait la promotion des artistes du pays ; ici, une œuvre en bois représentant le hérisson ; quant à la portée symbolique de l'œuvre, je n'en sais vraiment rien ! C'est un cadeau d'un sculpteur de la commune, a-t-elle encore ajouté.



J’avais une petite sensibilité à un genou, aussi avant de me mettre au lit le soir j’ai pris soin de bien le frictionner au gel d’arnica.

dimanche 15 septembre 2019


Étape 10 : Velles, moins de 20,5 km : mardi 26 mai 2 015.



Photo : J'arrive à Velles.






Résumé de l'étape :

            Une petite étape, sans difficulté aucune, et un séjour au gîte d'étape de Mme Aucante au centre du bourg. Et de beaux échanges avec des gens de la campagne, et particulièrement sur l'évolution en général de la société de l'après-guerre à nos jours. Ce fut une journée bien remplie.



L'étape :

            J'ai pris un excellent petit déjeuner le matin à l'hôtel, à Châteauroux, et je suis parti très tôt, même si l'étape du jour est petite ; j'avais presque fini de manger croissant et pain beurré à la confiture, arrosés de thé, quand d'autres clients du matin, vraisemblablement des habitués du lieu, ont commencé à arriver. Ceux qui vont au boulot ne s'attardent pas, un rapide café tout en passant en revue le journal, et ils sont sur le départ. Et c'est tout gaillardement que je me suis avancé dans la ville pour retrouver la D 40 que j'avais reconnue la veille. Malheureusement, je ne l'ai pas trouvée tout de suite, j'ai dû revenir sur mes pas pour enfin pouvoir me lancer sur cette petite route, qui traverse aussi la forêt domaniale de Châteauroux, jusqu'à rejoindre la D 14 qui mène à Velles – je fus même surpris de me retrouver aussi rapidement à l'entrée de cette petite bourgade.

            C'est vraiment la campagne profonde, où le calme n'est troublé que par de rares véhicules.  Durant cette étape, je marchais donc le plus souvent dans un grand silence, j'avais largement le temps de penser à tout. Et encore aujourd'hui je n'ai pas vu un seul sac-à-dos.

            Arrivé à l'église du village, je suis tombé tout de suite sur le bar-restaurant signalé dans mon livre-guide (voir photo), je ne pouvais pas ne pas prendre un premier contact, rien que pour voir s'il y avait la possibilité d'y revenir après avoir garanti mon hébergement. Mais j'avais du temps devant moi avant d'aller au gîte, j'ai commandé un thé pour accompagner le seul croissant qui restait dans le petit panier bien placé à la vue des clients, et demandé à la serveuse des précisions sur l'adresse de Mme Aucante. Comme souvent en pleine campagne dans ce département, mon téléphone ne passait pas, mais j'avais encore toute l'après-midi devant moi pour arrêter un hébergement pour demain, à Argenton-sur-Creuse.



Le gîte de Colette Aucante :

            Le portail donnant sur la cour de la maison était grand ouvert, je suis entré avec précaution, car je ne voulais pas me retrouver tout d'un coup nez à nez avec un dogue qui aurait pu s'étonner de mon intrusion sur son territoire. En avançant un peu plus, j'ai vu un homme d'un certain âge en train de bricoler dans une espèce de grand garage, et au fond d'un grand potager une dame qui préparait les plates-bandes pour ses plantations de légumes. J'ai descendu mon sac et attendu le moment où leurs regards se sont portés sur moi pour lancer un grand bonjour. C'est la dame qui est venu vers moi, d'un pas lent. Je ne vous attendais pas aussitôt, m'a-t-elle dit ; la chambre n'est pas encore prête, mais vous pouvez toujours y déposer vos affaires et aller vous doucher, a-t-elle ajouté.

            Elle m'a conduit à la chambre, sans ajouter un mot. J'ai tout de suite compris que j'étais dans un milieu bien campagnard où l'économie des mots est la règle, car ces gens-là travaillent toute la journée sans presque s'arrêter, et donnent l'impression que les énergies dépensées sont bien mesurées.

            L'habitation est constituée de deux maisons qui se touchent en faisant un angle droit. L'une est réservée à la famille et l'autre au gîte ; dans l'hébergement pour les pèlerins, il y a des chambres, une cuisine et des sanitaires à la disposition des gens de passage. Le long de la première, il y a un abri de verre, une sorte de salon qui sert en quelque zone de zone tampon pour les passages entre les deux bâtisses (voir photo). C'est là que je me suis déchaussé avant d'entrer dans la partie gîte.

            Ces gens-là ont l'air paisible, et, pourtant ils sont toujours occupés. C'est le soir, à la visite du fils de famille, et à ses échanges avec sa mère pendant nous passions à table, que j'ai compris que j'étais dans une vraie famille d'agriculteurs. Le fils venait tout simplement rendre compte à sa mère de l'avancement de ses travaux et attendait en retour les réactions de cette dernière. Là aussi, en peu de mots, d'un côté comme de l'autre.



La visite de la ville :

            Après la douche, je suis retourné au bar-restaurant pour manger quelque chose. Après en avoir parlé avec la patronne de la boîte qui m'a vite donné une idée de ce qu’elle pouvait m'offrir en ce jour, j'ai choisi un steak accompagné de pâtes. Un régal ! Quand je lui ai parlé de connexion Internet et de téléphone, elle m'a tout de suite répondu : mais vous êtes toujours dans la campagne berrichonne !

            Puis en sortant, j'ai vu un marchand ambulant sur la place de l'église, il vendait de tout, dans l'alimentaire, y compris du fromage et des fruits ; je ne pensais pas qu'il était possible de présenter autant de nourritures dans un véhicule. J'ai acheté une pomme et une orange pour le lendemain.

Je suis allé à l'autre bout du village, non loin de mon gîte, à la pharmacie, où j'avais à renouveler presque en urgence mon gel d’arnica. La pharmacienne n'avait pas la formule que je préfère ; bien sûr, elle m'a vanté celle qu'elle vendait, arguant que la sienne présentait un meilleur pourcentage de la substance active. J'ai fait semblant de la croire.

            Sur place, en sortant, presque machinalement, j'ai fait un essai avec mon téléphone pour constater que la connexion était acceptable. J'en ai profité pour contacter un petit hôtel à Argenton-sur-Creuse dont les coordonnées se trouvent dans mon guide ; la réservation fut faite en moins de deux – il devait y avoir une antenne-relais dans le coin, mais qui ne devait pas arroser une très grande surface, puisque à une dizaine de mètres à peine rien ne passait plus.

            De retour à mon hébergement, ma chambre était prête, j'ai pu donc décharger mon sac et aérer mes affaires en les étendant – j'ai même fait un lavage rapide de chaussettes. 

            Une surprise lors de ce passage : Mme Aucante qui travaillait toujours dans son potager m'a proposé la visite de l'église du village (voir photo), et elle m'a donné les clés de l'édifice en me disant : je suis la responsable ; je ferme le bâtiment parce qu'il y a déjà eu des dégradations. Je les ai prises et je suis allé sur place immédiatement.

            Il n'y avait personne. Je suis entré dans l'église ; elle est belle et très bien entretenue (voir photo, et photo). Je n'ai pas prié pour que personne ne vienne pendant mon passage, mais j'avoue l'avoir souhaité ardemment, car si c'était le contraire, il aurait fallu que j'attende le départ des visiteurs pour quitter les lieux, et fermer la porte d’entrée. Cette opération fut une première pour moi !

            En fermant la porte, je me suis rassuré en recommençant deux fois l'opération ; je tenais à vérifier que je l'avais bien fermée à double tour, qu'elle était vraiment bien verrouillée.

            Au retour, il me restait encore un peu de temps avant le dîner pour jeter quelques notes sur mon carnet du chemin.



Un bon moment au dîner :

            J'ai été invité à passer à table dans la salle à manger de la maison familiale vers 19 H et d'un coup d'œil, j'ai vu qu'elle était assez richement décorée. Et tout naturellement, nous avons utilisé nos prénoms. Colette, sans beaucoup parler, est d'une grande présence ; Jean-claude, son compagnon, je l'ai vu au départ comme un homme très discret, est quelqu'un avec qui les échanges se font très facilement – ils se sont connus sur le chemin de Vézelay en 2 011, si j'ai bien retenu l'année. Volontairement je n'ai pris aucune photo d'eux, j'estimais que c'était comme si je leur volais une part de leur intimité.

            En prenant un apéritif, mon regard se porta sur le balancier d'une magnifique horloge, un instrument qui demande beaucoup d'entretien, ce qui m'a permis de lancer Jean-claude dans la conversation avant que le moment du repas proprement dit arrivât ; inutile d'entrer dans les détails, les plats étaient de bonne qualité. J'ai vérifié une fois de plus que le fait de se présenter comme venant de la Réunion donne automatiquement matière à des échanges dans bien des domaines.

            Nous avons vraiment parlé de tout. Jean-claude a été gonio dans l'armée en Algérie – c'est avec un plaisir non dissimulé qu'il a raconté sa situation plus ou moins privilégiée par son poste de responsabilité pendant son temps militaire. Il a monté ensuite une petite entreprise dans le domaine des portes et des fermetures métalliques, un secteur où il a excellé, et il ne s'en cache pas. Ce qui m'a surtout intéressé, c'est son périple dans cette période d'après-guerre – celle de 39-45 – où tout jeune, il a fait à pied le parcours Paris-Marseille pour aller prendre un travail dans le sud de la France, un chemin long et surtout difficile à l'époque, et notamment pour ce qui est du couchage. Nous avons aussi comparé nos expériences dans notre jeunesse en ce qui concerne les travaux, les loisirs ou encore les valeurs familiales, etc.  En mettant l'accent sur la volonté des générations de ce temps à s'en sortir à tout prix puisque les jeunes partaient de presque rien.

            J'ai passé un moment agréable à table, où je n'ai pas vu le temps défiler – j'avais l'impression de les avoir retenus plus que de raison par ces discussions, et je m'en suis excusé.

            Colette et Jean-claude ne restent pas un instant sans ne rien faire, et c'est presque une leçon qu'ils donnent à ceux qui les visitent. Ils n'ont pas du tout l'air fatigué, montrant ainsi que l'activité est à la base de la santé, surtout dans la période des vieux jours.

            Le lendemain matin, après le petit-déjeuner, et avant de partir, j'ai laissé sur le livre d'or de leur gîte : « J'ai eu beaucoup de plaisir à échanger avec vous. Bonne continuation pour l'accueil des pèlerins ».

mardi 3 septembre 2019


Étape 8 : Neuvy-Pailloux, 28 km : dimanche 24 mai 2 015



Photo : Le Christ pantocrator (représentation en gloire de Jésus, par opposition à une représentation en souffrance dans la passion) à l'église Saint-Laurent de Neuvy-Pailloux.






Résumé de l'étape : Une étape de découverte de la religion dans l’histoire

            Pour résumer cette première semaine : je suis parti du département de la Nièvre (58), pour passer dans celui du Cher (18), et j'en suis au département de l'Indre (36) – . À Neuvy-Pailloux, une commune qui se situe dans la région naturelle de la Champagne Berrichonne, et dans l'aire urbaine de Châteauroux. Deux éléments ont marqué cette étape : la visite de l'église du village et une première sur le plan de la gastronomie : la soupe aux orties.
voir la carte



La marche :

            De Chârost à Neuvy-Pailloux, les marcheurs passent du département du Cher dans celui de l'Indre ; au carrefour après Chârost, j'ai pris la N151 pour aller directement à Issoudun, je n'ai donc pas fait tout le détour dans la campagne par Saugy, un bon raccourci.

            Issoudun est une grande ville, en y entrant j'ai longé un grand parc où se trouvent des essences que je ne pouvais pas identifier. J'ai interrogé un homme qui revenait de sa promenade matinale en lui posant des questions précises, mais il n'a pas pu me renseigner ; en revanche, il m'a donné des indications concernant d'autres points importants de la ville : par exemple, un square où se trouve le palais des congrès, toujours sur la N 151 qui traverse la ville (voir photo), non loin de la basilique, et une stèle à la mémoire de Pierre Mendès France (voir photo), un homme d'État français qui a marqué son époque par « une conception exigeante de la politique ».

            À partir d'Issoudun, j'ai utilisé une partie du balisage et des départementales pour aller à Neuvy-Pailloux. Son nom signifie nouvelle paille, la région était autrefois marécageuse. Le paysage par rapport à l'étape précédente a changé d'une façon générale, il n'y a plus de bois, mais plutôt des champs ; la circulation sur les routes est d'un bas niveau, pour ne pas dire presque nulle sur certaines petites routes – il est vrai que c'était un dimanche matin.

            Et c'est dans un grand silence que je suis rentré dans Neuvy-Pailloux (voir photo). J'ai avancé dans une longue rue qui traverse tout le village, toujours sans le moindre bruit, et qui m'a mené à l'église. Arrivé à une intersection en plein centre, j'ai vu deux femmes qui discutaient dans une pièce de leur maison, une fenêtre grande ouverte donnant presque sur le trottoir, et qui me fixaient. Après un petit signe de la main pour captiver leur attention, je leur ai demandé où se trouve la rue Pasteur : vous y êtes, me répondit l'une d'elles pendant que l'autre rigolait. J'étais non seulement à la bonne rue, mais mon hébergement chez l'habitant était tout près, à deux pas de l'église.



La chambre d'hôtes :

            Pour aller au 16 de la rue Pasteur, il faut passer sous un porche, la maison de Monique Richard donne sur la rue, mais l'entrée se fait par une ruelle. Je l'ai repérée après un coup d'œil sur un abri transparent contigu à la maison, d’où j'ai pu voir des chaussures de marche et divers objets de randonnée. Mais il n'y avait personne de présent dans cette demeure à cette heure ; j'ai dû attendre un moment avant l'arrivée de la propriétaire.

            Monique est une femme qui communique vite et bien. Accueil efficace : pendant que j'enlevais mes chaussures, elle m'a demandé si j'avais une lessive à faire – cela ne pouvait que bien tomber, j'avais commencé à puiser dans ma petite réserve de vêtements propres. Elle m'a emmené aussitôt à ma chambre, à l'étage, en me disant que je serai le seul pèlerin chez elle ce soir, mais qu'elle en attendait quatre pour le lendemain.

            En haut de l'escalier, dans le petit espace salon qui donne accès aux différentes chambres trône sur un mannequin l'uniforme de Monique qui est une jeune retraitée de la police municipale.

            Après la douche, et mon installation dans ma chambre, je suis descendu au rez-de-chaussée dans le séjour d'où j'ai pu voir que dans la partie cuisine, elle avait commencé à s'occuper du dîner (voir photo). J'ai utilisé son wi-fi pour les messages habituels, tout en jetant un œil à la télévision, et en dégustant une bonne bière. Puis je suis allé faire un tour sur la place (voir photo), en sachant très bien qu'une visite détaillée de l'église était programmée en fin de journée.



Une visite commentée de l'église :

            Cette visite a été excellemment commentée par Monique, ma logeuse (voir photo) – la vidéo donne une idée de la qualité de l'acoustique dans cet édifice (voir ou revoir la vidéo).

En ce qui concerne les monuments du patrimoine, connus ou moins connus, mais restaurés et entretenus, je sais qu'il y a visite et visite. Il n'y a pas de comparaison sur le plan de l'enrichissement personnel entre une simple visite d'un pas un peu pressé et une visite sous la conduite d'un guide, et, pour peu qu'il y ait un petit nombre de visiteurs sur le moment, la possibilité de poser des questions aiguise encore plus la curiosité. Il est vrai qu'un audiophone compense bien l'absence de guide rien que pour camper le site dans le mouvement historique. Il y en a surtout dans les grands monuments et sites nationaux.

            Quel que soit le positionnement religieux, il est difficile de rester insensible au défilement du temps à partir de ce qui est sous les yeux : passer d'une église moderne, entièrement refaite en 1 970 – et   aussi une donation de particulier –, après qu'elle a été bombardée en 1 941, réparée en 1 943, avec un résultat sans commune mesure avec ce qu'a été cette même église du XIXe siècle, en découvrant qu’à travers tous ces chambardements, un Christ en bois datant du XVIe siècle émerge, étonnamment conservé, ce qui en fait toute sa valeur et dans toutes les dimensions (voir photo). Sans compter que des fouilles (voir photo, et photo) ont permis de découvrir un enracinement de ce village qui remonte au XIIe siècle. Sous l'œil et le pouvoir d'un Christ pantocrator découvert sous une couche de peinture bleue, une représentation d'un Christ en gloire (voir photo) par rapport au Christ souffrant sur la croix, et donc plus proche de la condition humaine.

Et la prise de conscience d'une vie qui s'est construite dans cette région, autrefois marécageuse, en relation avec cette église vient encore accentuer la curiosité du visiteur.

            Mais le plus extraordinaire, c'est en ce dimanche de la Pentecôte, le jour où les chrétiens célèbrent l'esprit de Dieu, que je découvre et que je me plonge dans l'histoire de cette église grâce à Monique, alors que rien de rien n'avait été prévu, programmé dans ce sens...



Le dîner :

            Après les nourritures de l'esprit et de l'âme, le temps était venu de passer à la nourriture du corps, quoique les deux soient plus ou moins en relation.

            Dans les chambres d'hôtes, le dîner est toujours de qualité, mais ici l'accent a été mis sur une particularité, une originalité qui marque l'accueil dans cette maison. En prenant un apéritif, elle me posa une question : avez-vous déjà mangé de la soupe aux orties ? Je lui ai dit que je connaissais surtout le côté désagréable de cette plante ; je n'ai pas osé lui raconter comment, jeune, je l'ai découverte dans un camp d'étudiants en Angleterre où l'accueil improvisé et fait par un petit groupe d'Italiens consistait à glisser une branche d'ortie au fond du sac de couchage pour tester un nouvel arrivant. Et encore moins comment j'ai failli bien plus tard en Espagne goûter une fois de plus à la sensation forte de brûlure dans un petit bois sur le Camino Francés au moment où un besoin pressant se faisait sentir. Je lui ai dit que je n'ai jamais eu l'occasion d’en manger, mais que j'avais plus ou moins entendu parler de ses vertus sur le plan de la santé. Le mauvais et le bon ne sont jamais très éloignés. Ma réponse à sa question a été de dire que j'étais tout à fait disposé à goûter cette soupe puisque l'occasion se présentait, le chemin étant une découverte tous azimuts.

            Ce n'est pas mauvais du tout, associée à de la pomme de terre elle tient bien en bouche. Excellente pour la forme, pour ses apports en oligoéléments (magnésium et fer), ses vertus diurétiques et drainantes, elle ne peut que faire du bien au marcheur, qui a plutôt tendance à manger les mêmes choses – plus loin sur le chemin, alors que j'avais plus ou moins intégré un petit groupe, j'ai appris de Cor, un pèlerin néerlandais qui travaille dans la restauration, l'importance à varier la nourriture sur le chemin, une excellente habitude à prendre pour mieux résister à un effort qui dure longtemps. Le chemin est aussi un apprentissage dans ce domaine.

            La table d'hôte a bien entendu des avantages : un bon coucher, sans ronfleur – quoiqu’il puisse y avoir des chambres à plusieurs lits et donc une possibilité de voisiner un ronfleur ; un bon dîner et un bon petit déjeuner le matin avant de partir, un bon wi-fi et la possibilité de lavage des vêtements à la machine (un service que met en place de plus en plus d’autres types d’hébergement). Mais rien ne vaut, et pas même le petit hôtel, un bon gîte municipal, en petit groupe, où la bouffe, y compris les achats, se fait en commun, à condition d'avoir un débrouillard en cuisine, d'autant que ce type d'hébergement est généralement sur le balisage en ville, et à la proximité des commerces en tous genres.