lundi 30 mars 2020



Étape 34 : de Beyries à Orthez : 18 km : vendredi 19 juin 2 015.

Photo : à une petite table d'un restaurant à Orthez.


Voir la vidéo.


Résumé de l'étape :

            Nous sommes maintenant dans les Pyrénées-Atlantiques, et ce jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port, à trois étapes de l'arrivée en ce qui me concerne – Alain et Cor continuent leurs périples en Espagne, mais sur des chemins différents.

            Orthez est sur les rives du gave de Pau – gave est le nom donné aux torrents de montagne dans la région des Pyrénées ; ils se jettent tous dans le gave de Pau qui afflue dans l'Adour.

Le déroulement de l'étape :

            Ce matin-là, nous n'étions pas pressés, nous avions suffisamment de temps devant nous pour rallier Orthez ; le réveil fut donc tardif, et nous avons quitté la salle des fêtes de Beyries vers 7H30.

Il pleuvait légèrement à notre départ ; dans l'ensemble la journée a été maussade : pendant toute la matinée, nous avons dû sortir en plusieurs fois le poncho.

            Le pèlerin sait qu'il n'y a pas de petites étapes. Lorsque tout semble facile, à considérer la faible distance et des dénivelés peu importants, l'étape étant quand même rythmée par une série de petits vallons et le franchissement de petits cours d'eau, toutes sortes de petits événements voire des variations brusques des conditions atmosphériques peuvent perturber le physique et/ou le moral.

            En suivant le balisage, nous avons rallié assez vite Sault-de-Navailles, pourtant à presque la moitié du parcours ; un peu avant ce point, nous avons suivi un petit chemin balisé pour éviter l'autoroute.

           Dans le Béarn, nous avons retrouvé une utilisation de la balise européenne en cohérence avec les balises du GR (voir photo), quoiqu'il reste encore d'anciennes affiches bricolées où son utilisation avec la flèche indiquant la direction à suivre est mauvaise. Il faut aussi du temps et de la persévérance pour remettre les choses dans l'ordre.

            Les Pyrénées font maintenant partie du décor pour peu que le regard puisse se porter au loin dans le paysage. Avant Orthez, nous avons traversé sous la pluie une belle partie boisée d'où partent de petits chemins de randonnée que les gens de la région doivent souvent emprunter les week-ends pour se détendre. 

            À l'entrée de la ville, le pèlerin ne peut pas manquer la tour Moncade, qui témoigne de ce que fut le château de Moncade, brûlé et pillé pendant les guerres de religion. La ville d'Orthez a sauvé ce qui en reste. Et l’attention est aussi attirée par quelques maisons de type médiéval dans la ville.

Un bon repas...sur un trottoir :

            Il était 12H30 quand nous sommes arrivés à Orthez, et nous avions du temps devant nous : l'office de tourisme, où il faut prendre les clés du gîte, ne s'ouvre qu'à 14H. Nous avons trouvé tout près du chemin balisé qui traverse la ville un petit restaurant qui présente un menu à 9 €, auquel nous avons ajouté un dessert, un très bon gâteau maison, et des boissons. Le pèlerin peut se faire plaisir de temps à autre.

            L'intérieur du restaurant était presque plein à cette heure, mais nous avons pu nous caser sur une petite table pratiquement sur le trottoir. Des jeunes étudiantes qui mangeaient à côté se sont arrangées pour nous laisser un petit espace. Les places libres dans les restaurants-bars du quartier sont rares à cette heure de la journée. Nous étions dans une petite ambiance qui nous a un peu rajeunis sur le moment !

Le gîte de l'association jacquaire d'Orthez :

            Après le restaurant, nous sommes passés à l'office du tourisme pour nous enregistrer et prendre les clés du gîte.

            C'est un gîte historique, dans une maison fortifiée datant du XIIIè siècle et située au fond d'une cour, au nom de « L'Hôtel de la Lune », une plaque le rappelle au pied du bâtiment (voir photo). Et la partie destinée à accueillir les pèlerins de Saint-Jacques se trouve au second étage (voir photo).

            De l'extérieur, l'édifice est bien entendu vieillot, et l'escalier en hélice pour accéder à notre hébergement fait bien penser à ces monuments fortifiés du passé. Mais l'intérieur est bien aménagé, bien équipé : deux petits dortoirs de 3 lits, un espace salle d'accueil avec une partie cuisine ; la partie sanitaire est un peu petite.

            Nous avons choisi les lits du premier dortoir ; dans le 2e, une pèlerine était déjà installée – notre arrivée a peut-être écourté sa sieste. Mais en la voyant, j'ai tout de suite fait le rapprochement avec « La Noire » qui s'est arrêtée avant nous à Beyries, bien qu'elle soit plutôt du genre métis assez clair. Et elle avait tout à fait l'air d'une Réunionnaise. Je pense, mais je ne lui ai pas posé directement la question, qu'elle doit être d'une génération antillaise née et habitant la région parisienne. Elle nous a rapidement expliqué sa situation : elle se reposait avant de prendre un nouveau départ en raison de tendinites – aucun de nous n'a fait allusion à l'information reçue la veille.

            Elle est très jeune ; et pour elle, c'est vraiment l'aventure, dans le bon sens. Elle n'était pas du tout affectée par cet ennui de santé, mais elle ne s'est pas étendue sur le sujet. Ce n'est pas elle qui aurait gêné de quelque manière que ce soit notre installation : elle était soit dans son dortoir, porte fermée, soit le plus souvent en bas dans la cour, suspendue à son téléphone. Elle se faisait très discrète ; le soir, nous ne l'avons pas vue pendant que nous dînions, ni entendu se mettre au lit. Il en fut de même au réveil le matin. Une question de génération entre nous aussi !

            À ce propos, avant de passer à table, nous avons eu la visite du président de l'association locale des amis de Saint-Jacques. Un homme gentil, qui tenait à vérifier que nous ne nous manquions de rien, et qui est très soucieux du bon fonctionnement des équipements du gîte dont il a la responsabilité – nous avons fait une machine pour le linge – et qui s'est montré préoccupé de la tenue de la jeune pèlerine sur un point précis au point qu'il n'a pas hésité à me poser deux fois la même question : est-ce qu'elle fume ici ? Il est vrai que le plus souvent cette jeune femme avait la cigarette au bec quand elle ne téléphonait pas. Mais toujours en bas, dans la cour ! Pas même dans les escaliers, m'a-t-il demandé ? Je l'ai aussi rassuré là-dessus : toujours en bas, dans la cour, lui ai-je répété. Il est vrai que fumer, c'est la liberté de chacun, qui doit aussi tenir compte de celle des autres ; et aujourd'hui ce respect réciproque est bien entré dans les mœurs.

            Le soir, à la vaisselle, puisque c'est ma contribution habituelle à la vie du groupe, Cor m'a dit à l'oreille dans un mélange de français et d'anglais alors que j'en terminais : toujours, shot water – il avait compris que je n'utilisais que de l'eau froide. De plus, il n'a pas pu s'empêcher de repasser derrière moi un petit coup d'éponge sur l'évier – ce n'est pas avec lui qu'un gîte sera laissé dans un mauvais état. Rien ne traîne, tout objet doit être remis à sa place, et j'ai toujours admiré sa vigilance sur ce point avant de partir, Alain me l'a fait remarquer en plusieurs fois. C'est qu'il est dans son pays un professionnel de la restauration.

mercredi 18 mars 2020



Étape 33 : de Saint-Sever à Beyries : 26,8 km.

Photo : j'arrive à Beyries.


Résumé de l'étape :

         Beyries est ma dernière étape dans le département des Landes. Demain, avec Alain et Cor, nous passerons dans celui des Pyrénées-Atlantiques. C'est dire que je me rapproche de la fin de mon Vézelay.

       Dans cette étape marquée par la fin de la dominante des forêts de pins, le relief est un peu plus tourmenté, les Pyrénées se rapprochent.

            C'était la première fois que j'ai dormi dans une salle des fêtes qui dans cette petite commune en pleine campagne ne doit pas être souvent occupée par les manifestations des associations locales – il faut saluer le geste de la commune dans la mise à la disposition des pèlerins de cet équipement de qualité.

Le déroulement de l'étape :

Une partie classique :

            Nous avons emprunté des petites routes, des chemins caillouteux, longé et franchi une voie ferrée pour arriver à la première petite halte de ce jour, l'église Notre-Dame d'Audignon classée monument historique.

           Nous avons pris ensuite la D 2 puis la D 78, direction d'Hagetmau, un point important de cette étape, tout en nous payant une bonne petite côte, toujours dans les environs de la voie ferrée.

           La traversée d'Hagetmau n'est pas balisée, mais le chemin descend naturellement par le centre-ville et nous avons fait une halte à un bar et où j'ai pris un thé et un croissant, bien que j'eusse préféré une bonne bière, mais je me méfie toujours des boissons glacées pendant la marche. J'ai quelque peu regretté d'avoir mangé, parce que l'heure du déjeuner était toute proche.

           Nous avons retrouvé le balisage à la sortie de la ville, et, peu de temps après, en plein dans une petite montée, un petit square bien aménagé avec des bancs à l'ombre nous a attirés. C'était le moment et le lieu pour la pause du déjeuner. J'ai quand même bien goûté aux pâtes d'Alain, et aux petits desserts de Cor.

Un pèlerin avec son âne :

            Nous avions presque terminé notre repas quand un autre pèlerin est arrivé, il voulait, lui aussi, prendre un peu de repos dans ce petit square. Mais d'un genre particulier que je n'avais pas rencontré jusqu'ici sur cette voie de Vézelay : un pèlerin d'un certain âge, il revenait d'Espagne avec son âne Simon. Il n'était pas très loquace, l'air un peu fatigué, mais il ne pouvait pas ne pas apaiser ma curiosité. C'est un pèlerin qui a fait un peu tous les chemins, toujours avec Simon, un beau gabarit d'âne, qui est resté debout pendant tout le temps que nous étions sur cette place, avec sa charge, en regardant fixement devant lui et sans faire le moindre bruit – je n'ai pas résisté à lui donner un petit quelque chose. J'ai déjà marché avec des pèlerins accompagnés de leurs ânes, et j'ai toujours pensé qu'il fallait un sacré permis de conduire pour manœuvrer efficacement ces bêtes, qui marchent bien et vite, mais qui ne peuvent pas résister à brouter une belle touffe d'herbe de temps à autre, et donc une sacrée dose d'énergie à déployer pour les remettre en route. Simon, stoïque, était de la catégorie supérieure, et parfaitement obéissant à son maître. J'étais tellement admiratif de cette association entre l'homme et l'animal que j'ai oublié de faire l'essentiel : prendre une photo. Je m'en veux toujours de ne pas y avoir pensé.

            Puis, l'étape est rythmée par une succession de vallons.

        Nous avons emprunté ensuite la D 357 jusqu'à Labastide-Chalosse, où le petit abri près de l'église ne pouvait pas mieux tomber : il pleuvait, et c'était le moment de faire une halte que j’ai personnellement trouvée un peu trop longue. À peine étions-nous repartis qu'un petit soleil refit son apparition. Nous avons pris à gauche une petite route sinueuse qui se glisse dans une descente très prononcée et qui nous a menés dans une charmante petite vallée ; et après avoir pris à droite une belle montée, nous nous sommes retrouvés à peu près à la même hauteur que l'église, et sur la même D 357. C'est cela que j'appelle faire balader le pèlerin dans la campagne, d'autant qu'il n'y a rien de particulier à voir puisque le paysage dans l'ensemble ne change pas et qu'il n'y a pas de monument historique. Et d'ailleurs nous avons continué sur cette départementale peu fréquentée avec quelques dénivelés, des forêts à gauche et des champs à droite, et ce jusqu’au pont sur le Luy de France, un cours d'eau qui conflue dans l'Adour.

            Un peu plus loin nous sommes arrivés à Argelos, et nous nous sommes tous souvenus de ce que l'hospitalier d'hier soir nous avait dit : ne pas prendre la petite route qui part à droite près de la mairie, c'est un chemin difficile, épuisant en fin d'étape, mais suivre simplement la départementale qui mène directement à Beyries. Et c'est ce que nous avons fait, même si pour mon livre guide ce détour est d'un classique ordinaire.

Un problème de repérage de ce petit village de Beyries :

            Quand nous sommes arrivés devant le panneau routier indiquant que nous étions à Beyries, j'avais le sentiment qu'il n'y avait pas de village, si ce n'est une maison au-dessus de la route, et deux autres de l'autre côté à 300 m. Un petit village diffus, une commune avec peu d'habitants – je me suis souvenu alors avoir lu, qu'il existe une commune en France de zéro habitant, mais avec des contribuables. Nous avons voulu continuer à suivre le balisage, mais le chemin nous dirigeait plutôt hors de cette petite agglomération. C'est Alain qui a trouvé l'explication : en fait, nous avions dépassé la petite route qui mène à ce petit village ; si nous avions pris la dernière direction proposée à Argelos, nous serions arrivés par un autre chemin et nous aurions vu plus facilement les maisons du village. Nous sommes retournés sur nos pas et nous avons pris la petite route. Nous sommes passés auprès de quelques habitations silencieuses sans avoir rencontré qui que ce soit, pour arriver rapidement à la mairie auprès de laquelle se trouve la salle des fêtes, notre hébergement du jour (voir photo).

Un coin tranquille, un gardien accueillant et très causeur :

            Le responsable, qui habite juste à côté, n'a pas tardé à venir nous ouvrir cette salle des fêtes. Avant d'y entrer, j'étais un peu sceptique quant à la qualité de cet hébergement, mais j'ai vite changé d'avis : c'était même l'idéal ! Une grande salle avec seulement 5 lits rangés dans un coin (voir photo), ce qui veut dire que chacun pouvait déplacer son lit en cas de ronflements d'un voisin, et à la tête de chaque lit une chaise, utile dans le rangement des affaires pour la nuit ; une table avec des chaises pour rédiger de petites notes, faire de la correspondance et achever la préparation de l'étape suivante ; à l'autre bout de la salle, un bar avec un espace cuisine… et une petite réserve de nourriture (conserves, pâtes, gâteaux secs, etc.). Les prix sont étiquetés, et il revient aux utilisateurs de laisser l'argent correspondant aux prélèvements dans une boîte. Un système qui repose sur la confiance ! Un espace suffisant sur le coin droit est réservé aux sanitaires. Globalement, c'était même royal pour nous trois !

            Une précaution fortement conseillée par le responsable : faire attention à la porte d'entrée, elle ne peut être ouverte que de l'intérieur. Il voulait dire, à utiliser une expression créole : attention de « vous enfermer dehors ». En effet, pendant la journée, où tout le monde entre et sort de cette salle, rien que pour s'occuper du linge après le lavage, par exemple, une pierre tient la porte ouverte. Mais une situation particulière peut se présenter : quelqu'un sort la nuit en catastrophe, car il a oublié ses chaussures dans la cour, la porte claque, et il est prisonnier « à l'extérieur » du bâtiment. Et pour peu qu'il soit seul dans la gîte, il risque alors de passer la nuit dehors, à moins qu'il ne prenne le risque de casser une vitre.

            Pendant qu'il nous faisait visiter la salle, il discutait avec nous. Il nous a ainsi raconté que des jeunes y ont séjourné, ont bu plus que de raison, et ont laissé la place dans un piteux état ; d'autres de la même bande ouvraient les robinets avec le genou pour une question d'hygiène, prétendaient-ils. Je ne pense pas que c'était une mise en garde indirecte qui nous était adressée ; c'était plutôt pour lui l'occasion de faire vivre son lieu de travail, de meubler en quelque sorte l'accompagnement des visiteurs du jour. Il enchaîna d'ailleurs sur un autre plan : j'ai vu des pèlerins arriver ici dans un état de fatigue extrême, ils avaient fait une longue étape et s'étaient payé la « déviation » d'Argelos qui plonge dans une vallée et remonte durement dans la forêt. Et il a fini par une plus récente : j'ai reçu ici une « Noire » qui avait une tendinite rebelle, et qui malgré tout entendait continuer son chemin, quitte à s'arrêter deux jours pour se soigner ; mais son compagnon qui souffrait d'ampoules aux pieds a carrément abandonné. Et il est rentré chez lui ! Cette dernière histoire a eu pour nous une petite suite puisque nous avons rencontré « La Noire » le lendemain au gîte d'Orthez où elle se reposait – elle m'a raconté la même petite histoire.

Un bon repas et une bonne nuit :

            Alain et Cor se sont installés au bar-cuisine pour préparer le repas, en utilisant nos achats de la veille à Saint-Sever, et en les complétant de quelques prélèvements dans le petit stock du gîte, lesquels ont été payés en déposant l'argent dans la boîte sur place. Nous avons disposé des tables et des chaises devant le bar et nous avons pris notre dîner à l'aise dans cette grande salle, pendant que dehors une petite pluie avait refait son apparition. Bien entendu, j'ai été de service à la vaisselle.

            Nous étions au calme, à l'aise dans cette grande salle. Je craignais un peu le froid la nuit, mais avec mon sac de couchage et la couverture du gîte, je n'ai pas eu de problème. Dans la nuit, j'ai même repoussé un peu cette couverture.

           C'était un passage dans un petit village parfaitement silencieux, reposant. Un point d'étape qu'il faut conseiller, même si nous n'avons vu qu'une seule personne dans ce village : le gardien de la salle des fêtes !

dimanche 8 mars 2020


Étape 32 : de Mont-de-Marsan à Saint-Sever : 20 km.

Photo : Je suis sur la place de l'église de Saint-Sever.


Résumé de l'étape :

            Saint-Sever était une étape importante pour les pèlerins du Moyen Âge. Dans leurs projets de découpage de cette voie de Vézelay, les pèlerins d'aujourd'hui devraient prévoir de s'arrêter dans cette petite ville entre Mont-de-Marsan et Hagetmau. Outre l'aspect historique, c'est aussi un bon coin pour le gîte et le couvert.

            Il faut toujours du temps pour quitter une grande ville comme Mont-de-Marsan. Le paysage commence à changer ; le terrain est toujours bien boisé, mais c'est fini les grandes forêts de pins ; la part consacrée aux cultures et à l'élevage prend le dessus – le foie gras est un produit-phare de la région. Le terrain devient vallonné, le Béarn n'est pas loin.

            Une étape annoncée 19-20 km, mais en fait nous avons dû en faire au moins 21, en raison d'une erreur de parcours. Saint-Sever, sur une hauteur, est une petite ville charmante. Le tourisme y apporte de l'animation, et les pèlerins de Saint-Jacques continuent la tradition.

Le déroulement de l'étape :

Le paysage change petit à petit :

            Il était plus de 8 heures lorsque nous avons quitté le gîte de Mont-de-Marsan pour Saint-Sever, et c'était tout à fait normal vu que l'étape ne fait que vingt kilomètres. Après à peine 500 mètres, nous avons fait un passage dans une boulangerie – et c'est là que j'ai revu l'une de ces femmes qui hier se lançaient avec entrain sur la piste verte à la périphérie de la ville. Nous avons un peu causé, le temps qu'Alain et Cor finissent leurs achats et passent à la caisse ; elle s'en allait tout simplement à son travail.

            Le temps était toujours maussade ; dans la nuit, un petit grain de pluie contre la vitre m'avait tenu éveillé un court moment.

            La sortie de cette grande ville est longue ; il faut avancer sur des grandes avenues, traverser des carrefours et passer sous une voie ferrée pour sortir de cette grande agglomération urbaine.

Mais la forêt de pins était encore un peu au rendez-vous ; dans une de ces parties boisées, j'ai entraperçu Bertrand, qui était devant nous. Alain et Cor, à ce moment, trainaient à l'arrière, accrochés à leurs téléphones. J'ai fait un effort pour essayer de le rattraper, mais je n'ai pas réussi ; il avait disparu entre deux parties boisées. Il n'est pas impossible qu'il ait quitté le balisage, pour toutes sortes de raisons. Sans avoir l'air, il marche vite !

            Mais dans l'ensemble, la grande forêt n'est plus dominante dans le paysage, il y a plus de zones de culture et d'élevage. Le pays change au fil des jours.

            Nous avons fait une première petite pause au village de Benquet, devant l'église Saint-Jean-Baptiste, le temps de manger un fruit ou un pain aux raisins acheté le matin.

Un repas champêtre :

            Nous avons emprunté des petites routes goudronnées à travers un terrain de plus en plus vallonné.  Nous étions bien à l'entrée du Béarn.

Dans une longue descente, mais en pente douce, Saint-Sever sur une hauteur se devine malgré la distance. Arrivés sur le plat dans la vallée, nous avions décidé de faire la pause déjeuner. Non loin d'une grande ferme, en plein milieu d'une étendue gazonnée, un grand chêne nous attendait, l'endroit idéal pour s'asseoir et reprendre des forces. Toutes les « munitions » ont été sorties des sacs, et nous avions bien mangé... 
Je crois même qu'Alain a commencé à faire un petit somme – je résiste à m'y élancer, par précaution, surtout quand je suis tout seul sur le chemin en raison d'une certaine crainte de m'enfoncer dans un vrai sommeil et de laisser filer le temps. En général, je m'assois, mais je ne m'allonge pas. Mais j'ai vu des spécialistes de ce domaine en 2 011 sur la voie du Puy : Jean-Paul et Babou, mes deux compagnons d'alors faisaient régulièrement une petite sieste avec un plaisir non dissimulé.

Un bien joli coin au bord de l'Adour :

            Nous avons quitté notre chêne à regret, car il y avait encore des kilomètres à faire. Il était temps en effet d'attaquer la dernière partie de cette étape. Le soleil était avec nous, et tout se passait bien.

            Nous avons donc continué sur une petite route, sans que quelqu'un ait cru bon de vérifier les préconisations d’un livre guide. Cette petite voie aboutissait à une impasse à quelques encablures d'un gros rond-point de circulation tout neuf. Nous avons fait le tour du giratoire. À mon avis, il n'y avait pas de doute, il suffisait de prendre la départementale qui mène à notre arrivée, d'autant que la circulation n'était pas importante. Alain, après avoir consulté son guide, estimait qu'il valait mieux faire arrière, car bien avant, en suivant le balisage, il aurait fallu non pas aller tout droit mais tourner à gauche et rejoindre Sainte-Eulalie dont l'église est bien visible du carrefour où nous étions. Honnêtement, j'aurais continué, mais j'ai suivi les autres qui voulaient revenir sur nos pas ; et j'ai finalement bien fait, parce que ce détour vaut vraiment le coup d'œil, ce qui n'est pas le cas bien souvent quand le chemin nous balade dans la campagne.

            Nous avons mis un peu de temps à reprendre la petite route sur la gauche que nous n'avions pas vue, pas retenue. Cette dernière nous a menés à une départementale, que nous avons traversée pour continuer en face en direction de Sainte-Eulalie. En peu de temps, nous étions devant la petite église et nous avons tourné à droite en suivant le balisage. Nous nous sommes retrouvés dans une zone boisée aménagée autour des cultures avant de rejoindre la rive droite de l'Adour, ce grand fleuve du bassin aquitain qui se jette dans l'Océan Atlantique après Bayonne et qui m'a rappelé, avec ses affluents, d'autres périples. Nous avons ensuite suivi une petite route parallèle au fleuve – c'est toujours reposant de longer des cours d'eau – qui nous a fait passer sous deux ponts ; puis nous avons remonté sur le grand pont qui enjambe le fleuve. Nous y sommes restés un bon moment, car c'est tout un spectacle que l'Adour offre dans ce cadre.

            Et nous avons filé vers cette petite montagne sur laquelle se trouve notre arrivée. Dans un virage à 300 m, alors que la pente est déjà intéressante, nous sommes arrivés au pied de la difficulté : nous avons pris un sentier qui monte pratiquement à flanc de falaise, dans une belle végétation, la « côte de Brille », où devaient se cacher les défenseurs de la position au temps des guerres de religion – une interprétation personnelle. Je me suis appliqué à monter à petits pas, à bien actionner mes bâtons et à souffler fort. Presque immédiatement après le sommet, nous nous sommes retrouvés en plein dans une petite ville. Sur le plan purement sportif, quel finish ! Et quelle récompense !



L'hébergement des Jacobins, un bon gîte

            Rapidement nous nous sommes retrouvés sur la place de l'église, et cela ne pouvait pas mieux tomber, l'office de tourisme de la ville s'y trouve. Nous devions en effet obligatoirement y passer, car nous avions choisi l'hébergement du cloître des Jacobins, et l'enregistrement et le paiement pour la nuit se règlent dans ces bureaux.

            Nous nous sommes rendus au cloître des Jacobins – j'ai vu un bâtiment qui m'a semblé quelque peu désert, et des salles en travaux, de réaffectation sans doute, le destin de ces vieilles constructions religieuses. Nous sommes tombés sur un hospitalier (un religieux ?) qui nous a conduits dans l’espace du gîte.

            Au rez-de-chaussée, se trouvent la salle d'accueil et la partie cuisine, les sanitaires sont aussi à ce niveau ; un bel et grand escalier en bois permet d'accéder aux deux dortoirs à l'étage, que tout le monde a dû vraisemblablement emprunter la nuit avec précaution pour atténuer les craquements des marches.

            Arrivé dans un dortoir, j'étais sur le point de m'installer sur un lit près d'une fenêtre donnant sur la rue quand j'ai vu arriver Bertrand, qui lui s'est mis dans la rangée d'en face. Je n'avais pas encore ouvert mon sac, et, comme si la position de ce lit me gênait, je suis allé dans l'autre dortoir, à deux lits. En vérité, en pensant au gîte de Roquefort, je ne voulais pas me retrouver aux premières loges du concert que Bertrand donne la nuit. J'avais à peine commencé de m'installer de l'autre côté quand j'ai vu arriver les deux Hollandaises de Mont-de-Marsan, qui n'avaient pas assisté à ma manœuvre. Elles m'ont demandé gentiment de prendre un lit dans le dortoir d'où je sortais, car elles voulaient rester ensemble. Je ne pouvais pas refuser. Je suis donc revenu auprès de la fenêtre, résigné à écouter les nocturnes de Bertrand. Tout cela s'est fait délicatement, ce dernier ne s'est rendu compte de rien. Mais j'ai eu une belle récompense : il n'a pas ronflé un seul instant pendant la nuit.

            L'étape étant petite, j'avais suffisamment du temps l'après-midi avant la classique petite tournée en ville, et j'ai même fait une bonne lessive, qui devenait urgente. Et ce d'autant que des séchoirs à linge étaient à la disposition des pèlerins, et qu'un responsable dans l'après-midi nous avait dit que nous pouvions les mettre dehors pour bénéficier au maximum du soleil (voir photo).

Une petite visite de la ville :

            Un retour sur la place de la cathédrale s'imposait, pour des photos, et divers repérages dont des restaurants et des boutiques. Bien entendu, nous avons été conseillés dans le choix de la bonne table. Il n'y a rien de suspect à imaginer, c'est un service important à rendre aux pèlerins.

            En fin d'après-midi, avec Alain et Cor, nous avons fait des courses dans un petit libre-service bien achalandé. Des achats en commun, pour l'étape de demain, où c'est sûr qu'à l'arrivée en pleine campagne, il n'y a aucun commerce.

            Avant d'aller manger, puisque j'avais déjà réservé mon train, il fallait anticiper sur la suite étant donné qu'il ne me restait plus que 5 étapes avant l'arrivée : sur Internet, j'ai vainement essayé de trouver un hôtel pas cher à Paris. Il me restait plus alors qu'à échafauder un plan B. 

Un bon restaurant :
            Le lieu nous a été vivement conseillé au gîte. Tous les quatre, nous nous sommes retrouvés attablés en terrasse, et nous avons négocié avec le patron un petit menu amélioré. J'ai estimé que c'était à mon tour de faire un geste pour le vin : en plus du pichet très basique, compté dans le menu, j'ai offert un « Bordeaux » de qualité acceptable – j'aurais préféré un « Côtes du Rhône », mais il n'y en avait pas. Les deux Hollandaises vues à Mont-de-Marsan qui ont débarqué, et qui
se sont installées à côté de nous, en ont également profité.

            À mon retour vers le gîte, après m'être éloigné de la zone touristique encore animée, la petite ville s'est à nouveau plongée dans le silence : toutes ces grandes demeures sans doute autrefois habitées par des gens importants de la région paraissaient bien figées ; la petite ville de Saint-Sever m'a semblé toujours tournée vers un passé sans doute brillant mais qu'elle ne retrouvera pas dans toutes ses dimensions.


jeudi 5 mars 2020


Étape 31 : de Roquefort-de-Marsan à Mont-de-Marsan : 28 km.

Photo : J'arrive au gîte de Mont-de-Marsan.

Résumé de l'étape :

            Dans cette étape, nous étions le plus souvent en forêt, il n'y a pas beaucoup de zone de culture. Le chemin dans la première moitié est peu décalé par rapport à la D 932, il ne fait pas de grands détours dans la campagne ; il s'en écarte davantage dans la 2e moitié, mais dans l'ensemble il file pratiquement tout droit jusqu'aux environs de Bougue. Il retrouve alors l'ancienne ligne de chemin de fer qui a été transformée en voie verte, piste cyclable, qui emmène les marcheurs directement à Mont-de-Marsan.

            Mont-de-Marsan est la dernière très grande ville que traverse le chemin avant Saint-Jean-Pied-Port. Mais nous n'avons pas pu la visiter : après cette longue étape, nous avons dû attendre 18 h au gîte de l'association locale pour qu'une responsable vienne ouvrir un autre dortoir, celui qui a été ouvert à son premier passage a été vite occupé. Il y a eu des pèlerins dans cette étape, et si nous ne les avons pas vus jusqu'ici, c'est vraisemblablement parce qu'ils avançaient dans un autre découpage sur cette voie de Vézelay.

Le déroulement de l'étape :

            Au départ de Roquefort, comme hier, une petite pluie fine nous attendait, et nous avons dû sortir le poncho. Nous avons repris le balisage à l'église ; après la petite bosse, le chemin descend vers le pont gothique sur La Douze.

            Plus loin, nous avons retrouvé la forêt de pins et nous sommes passés par deux petits villages, Bostens et Gaillères, en suivant la même petite route départementale. Nous avons ensuite quitté les bois et retrouvé des zones de culture – et encore une mauvaise utilisation de la balise européenne : la direction indiquée par les rayons de la coquille est en contradiction avec la partie fléchée jaune (voir photo).

            À l'approche de Bougue, la pluie avait légèrement repris et nous avons découvert sur le bord de la route, à l’entrée du village, un ancien lavoir bien reconstitué. C'est un abri qui tombait bien. Alain a sorti de son sac ses pâtes, et Cor et moi avions proposé du fromage, des fruits et des petits gâteaux secs. Il y a des petits murs pour s'asseoir, et nous avons pris notre temps pour nous sustenter convenablement, bien des kilomètres nous attendaient encore avant de rejoindre Mont-de-Marsan.

            En partant de « notre restaurant », la pluie s'est mise à tomber un peu plus fort, et j'ai dû sortir un petit sac de plastique pour protéger mon téléphone, tout en le gardant à la ceinture. Lorsque nous avons pris la montée tout de suite après le village, une grosse averse nous est tombée dessus et j'ai dû actionner complètement la fermeture Éclair de mon poncho pour garantir au mieux mes affaires. Elle n'a pas duré ; mais nous avons dû sortir et rentrer nos équipements de pluie en plusieurs fois avant l'arrivée.

            Nous avons ensuite pris l'ancienne ligne de chemin de fer, qui est aménagée en voie verte, avec des bancs dans des zones de repos, et qui est aussi une piste cyclable. Cependant, nous n'avons pas vu beaucoup de cyclistes.

            C'est presque à la fin de cette piste que nous avons rencontré des femmes qui entamaient gaillardement leur marche, et c'est avec plaisir que nous avons un peu échangé, sans oublier de saluer leur courage : il faut être vraiment des habituées pour se lancer sur une piste en fin d'après-midi par un temps plus que maussade. À proximité d'une grande agglomération comme Mont-de-Marsan, avoir une belle piste sécurisée pour faire un peu d'exercices est une chance ; et, par beau temps, en week-end, il doit y avoir une foule de Citadins dans cet espace réservé au sport et à la détente.

            Nous sommes entrés ensuite dans l'agglomération, et après avoir passé par des feux tricolores de circulation - le balisage est bon dans la ville – nous sommes parvenus à notre gîte. Nous avons eu quelques hésitations à trouver l'entrée parce qu'il y avait des réparations à l'intersection où se trouve cet hébergement de l'association locale des amis de Saint-Jacques.



Une petite inquiétude pour la gîte :

            C'est la première fois, du temps où je marchais seul ou plus récemment dans le groupe d'Alain, que je découvrais en arrivant un hébergement déjà fort bien occupé. Renseignements pris auprès des pèlerins déjà installés, la dame responsable devait repasser vers les 18 heures pour éventuellement ouvrir un autre dortoir. Il ne nous restait plus qu'à l'attendre dans la salle d'accueil.

            C'est aussi la première fois sur cette voie de Vézelay que j'ai découvert un radiateur spécialement conçu pour sécher les chaussures. Il y avait encore une petite place disponible, je pouvais donc caser les miennes. Et de plus, il y avait aussi tout à côté suffisamment des restes de vieux journaux pour les bourrer, de façon à accélérer encore le séchage, le papier absorbant l'humidité. Je n'avais que cela à faire ; et j'ai tué encore le temps en jetant un œil sur toute la bonne documentation présente sur la table ou affichée au mur.

            Elle est arrivée exactement à 18 h, et il n'y a eu aucun problème ; elle a ouvert un dortoir pour Alain et moi ; Cor et Bertrand avaient réussi à se caser dans une autre salle.

            Nous étions donc dans une assez grande pièce où il y a deux lits, deux douches et une petite salle d'eau. Deux Hollandaises sont arrivées ensuite, et la dame a ouvert une autre petite salle-dortoir contiguë à la nôtre pour ces deux dernières. Après les formalités d'usage, elle nous a donné une information importante : non loin du gîte un restaurant présente aussi un menu pèlerin sur sa carte, la présentation de la credencial étant obligatoire. Tout finit par s'arranger !



Le corps et l'esprit :

            Il n'est pas surprenant d'entendre parfois cette affirmation quelque peu péremptoire : c'est l'esprit qui commande le corps. Au-delà de la question de la suprématie, le plus simple est de considérer les interactions entre ces deux entités, qui marchent ensemble, et de considérer plus la gestion de ces interactions. Aujourd'hui, j'ai encore souffert d'une tendinite au talon, mon esprit me disait que je n'avais pas à m'en préoccuper, je n'ai donc rien pris pour calmer cette petite douleur. Je l'ai oubliée, mon corps l'a éliminée, et elle a fini par m'oublier aussi. À l'arrivée, je me suis rendu compte que je ne sentais plus rien à ce niveau. C'est réconfortant de voir comment le corps, dans l'effort, récupère et se régénère même d'une certaine façon. Que cela dure ! La santé est dans le mouvement.

            Mais aussi dans l'alimentation !  J'ai observé une fois de plus mon ami Cor, il mange tout le temps. J'ai déjà constaté que dans les 5 derniers kilomètres une orange rebooste la machine ; je peux même dire que l'effet est pratiquement immédiat. Mais souvent, même lorsque j'y pensais, je n'avais pas envie de descendre mon sac, je me disais que je pouvais encore tenir. L'erreur est là ! Il faut s'alimenter régulièrement, parce que la dépense est constante, longue. Et c'est là que l'esprit commande. Plus d'une fois, j'ai vu Cor distribuer tout en marchant ce qu'il mangeait : un petit morceau de fromage, une petite part d'orange ou de pomme, une pastille, un bout de chocolat, etc. Tout le monde, dans la vie de tous les jours, ne mange pas ceci ou cela, à raison ou à tort, mais j'ai compris que sur le chemin, il faut s'appliquer à manger de tout, même en dehors des habitudes – il y a bien sûr des exceptions précises – parce que le corps en a besoin. Et, bien entendu, il faut penser à boire régulièrement de l'eau. J'ai rencontré des pèlerines qui oubliaient de le faire, et quand la déshydratation est bien avancée, il n'est pas facile de récupérer la forme. L'eau, c'est la vie !



Un petit tour en ville :

            Je ne pouvais pas ne pas faire un petit tour en ville. Comme je suis parti les mains dans les poches, sans plan, bien que je sois sûr de pouvoir m'appuyer le cas échéant sur mon portable, à condition qu'il y ait du réseau Internet. Aussi je me suis appliqué à bien caler dans ma tête les noms des rues, et le petit circuit que je comptais faire au coup d'œil. Vu l'heure tardive, il n'était pas question de faire de grandes visites, et dans mon petit circuit, j'ai rencontré les deux autres du groupe à la terrasse d'un bar. Mais je devais rentrer parce que j'avais à faire un petit travail un peu délicat sur mon téléphone : réserver et payer mon billet de train de Saint-Jean-Pied-de-Port à Paris, gare Montparnasse. Parce que j'étais à peu près sûr de tenir mon découpage jusqu'au bout, et que je ne devais pas rater mon avion pour le retour à la Réunion le lendemain de mon arrivée à Paris – rater son avion peut entraîner un supplément de 250 € pour retrouver au plus vite une place dans un autre avion de la même compagnie.



Un bon restaurant pèlerin :

            Le soir, nous nous sommes retrouvés sur la même table au restaurant pèlerin, le serveur ne nous a pas demandé de credencial pour avoir droit au menu pèlerin – il est vrai que cela se voyait au premier coup d'oeil. Nous étions quatre : Alain, Cor, Bertrand et moi. Une bonne petite table, un bon petit groupe, un bon moment. Bertrand nous a offert 2 bouteilles de vin (voir photo), et il n'y a pas eu de refus – le vin est le sang du pèlerin ! Pour 11,50 €, j'ai bien mangé. Ah, si à chaque arrivée d'étape, il pouvait y avoir un tel restaurant pour apaiser la faim des marcheurs !

            Au retour, nous étions bien calés, et il n'y avait pas de doute pour moi, tout le monde devait passer une bonne nuit – il est vrai que l'étape du lendemain, Saint-Sever, devait être plus que reposante avec ses 19-20 kilomètres seulement. Quoiqu'il faille se méfier des petites étapes...

lundi 2 mars 2020


Étape 30 : de Captieux à Roquefort-de-Marsan : 29 km.


Photo : L'église Notre Dame-de-l'Assomption à Roquefort-de-Marsan, vue du « Café de la Paix », sur l'autre rive de la Douze.

Résumé de l'étape :

            C'est une longue étape, sous un beau temps bien que le départ à Captieux fût quelque peu maussade.

            Elle se déploie dans les pins, voire des chênes ; le chemin est bien inséré dans un cadre de verdure où le travail d'exploitation de ce capital se voit bien – la région entretient et vit de ce patrimoine qu'est la forêt des Landes.

            Je suis donc passé dans le département des Landes où le balisage d'une association landaise est à peu près correct, irréprochable même sur l'ancienne ligne de chemin de fer, mais avec des imperfections voire des contradictions quant à l'utilisation des flèches accompagnant les balises européennes en fin de parcours. Il se confirme sur le terrain que le balisage européen doit être directionnel, et présenté comme tel.

            L'église Notre-Dame-de-l'Assomption, qui domine le cours d'eau La Douze, se regarde toujours comme une fortification du temps des guerres de religion ; le fait d'être agrémentée aujourd'hui d'un petit jardin bien entretenu adoucit le regard - il y aurait aussi un refuge, mais nous avons choisi celui de l'association landaise des amis de Saint-Jacques dont les clés sont habituellement déposées au « Café de la Paix ».

            Un passage inoubliable : j'y ai revu la responsable de Captieux, la Hollandaise, qui nous a accueillis de fort belle façon – elle m'a épelé son nom, mais je me demande si ce n'est pas son prénom. Nous n'étions pas nombreux, mais quelle ambiance au dîner !

Le déroulement de l'étape :

            Au départ de Captieux, nous avons pris la rue de l'église, et, à l'intersection de la N 524, la direction Maillas ; ce qui m'intriguait, c'est que je ne voyais aucune balise. Il a fallu attendre, après 700 m environ, la reprise de l'ancienne voie ferrée pour que tout rentre dans l'ordre, dans ma tête du moins ! Nous étions bien dans la continuation de l'étape de la veille.

            À partir de là, c'est le balisage de la société landaise des Amis de Saint-Jacques, coquille jaune sur fond bleu, qui s'impose, et c'est bien fait ! C'était reposant, du moins comme hier dans un premier temps.

            Après un carrefour et la reprise de la piste, je sentais que les petites pierres guettaient l'occasion d'entrer dans mes chaussures. Je crois qu'au prochain chemin, je tâcherai de limiter ces petits ennuis en portant des guêtres ou autre chose de plus simple mais remplissant la même fonction, et ce d'autant que je n'aime pas utiliser des chaussures hautes parce que plus lourdes ; jusqu’ici, je les considérais comme des accessoires inutiles, décoratifs, mais les pistes sablonneuses dans les pins m'ont fait changer d'avis.

            Le chemin longe de petites propriétés privées, franchit de petits cours d'eau, et se glisse même sous l'autoroute un peu plus loin. Nous avons retrouvé aussi des départementales, la D 224 nous a menés au village de Bourriot-Bergonce où nous avons fait une pause déjeuner.

            Mais c'était pour reprendre le tracé de l'ancienne ligne de chemin de fer. Nous sommes ensuite arrivés, en pleine forêt, à un carrefour important, bien signalé : à droite pour les pèlerins qui veulent aller à Retjons, qui est aussi un point d'étape ; et à gauche ceux qui veulent visiter la chapelle de Lugaut.

            Je me suis rapproché de cette chapelle ; elle est placée dans un beau cadre de verdure, et je me suis assis sur un banc pour attendre Cor qui, lui, tenait à visiter cette chapelle. Je la voyais vraiment quelconque, mais je peux dire que j'ai raté un site important : sur les murs de son clocher les visiteurs peuvent admirer un ensemble exceptionnel de fresques du XIIIe siècle représentant des scènes religieuses de l'Annonciation, de la Visitation et de la Résurrection. Ce qui explique pourquoi Alain et moi avions dû attendre un bon moment avant que notre ami Cor ne termine sa visite. La leçon à retenir : mieux se documenter dans le livre guide avant de se lancer dans l'étape du jour.

            Nous avons continué tout droit, sur le ballast de l'ancienne voie ferrée, l'arrivée était encore à 10 km.

Dans cette petite ville de Roquefort, après la principale intersection de rues, instinctivement nous avons continué à suivre le balisage en empruntant une montante à côté de l'église. Un homme est venu vers nous et s'est présenté comme un responsable de la municipalité. Il nous a indiqué la direction à prendre pour trouver le refuge de l'association des Amis Landais de Saint-Jacques.

            Comme d'habitude, Alain et Cor décidèrent de rester dans les environs, mais j'ai préféré aller m'installer dans l'hébergement retenu en commun. J'ai pris un peu plus loin une petite rue, ne le trouvant pas tout de suite, je suis entré dans une cour pensant y être arrivé. Mais le propriétaire des lieux, quelque peu surpris par cette intrusion, m'indiqua qu'il fallait poursuivre un peu plus loin dans cette même ruelle. Après avoir présenté mes excuses, j'ai continué à marcher dans la direction indiquée, et je suis arrivé à une porte encastrée dans un mur, et en l'ouvrant je suis tombé sur un escalier abrupt qui démarre auprès d'un petit banc – c'est là qu'il faut enlever ses chaussures de marche et mettre ses savates avant de monter un escalier parfaitement ciré menant au gîte. C'est à peu près la même adaptation que j'ai vue à Saint-Ferme : un local à l'étage d'un bâtiment (ici une école) a été transformé en hébergement pour les pèlerins, et il a bien fallu construire un accès extérieur à ce bâtiment d'origine, d'où cet escalier pentu.


Le gîte de la société landaise des Amis de Saint-Jacques :

            J'ai été accueilli par la même Hollandaise du gîte de la veille, à Captieux – elle assure donc la responsabilité des deux gîtes de l'association. Elle s'appelle Hennieu, je lui ai demandé d'épeler son nom ; me semble-t-il, c'est son prénom qu'elle m'a donné, les pèlerins n'utilisent que leur prénom sur le chemin.

            Je n'étais pas encore tout à fait installé quand est arrivé le pèlerin de Bazas que j'ai revu à Captieux. Il se prénomme Bernard, le 2e Bernard que j'ai rencontré sur cette voie de Vézelay ; et Alain et Cor n'ont pas tardé. Bernard a pris un lit en face du mien, heureusement un peu décalé, car il a ronflé une bonne partie de la nuit.

La découverte de la ville :

            Mes effets bien rangés, sur et autour de mon lit, et n'ayant pas de lessive à faire, je suis allé sans tarder visiter la ville.

            Un passage à l'église s'imposait, les fortifications au temps des guerres de religion se devinent encore ; cet édifice domine les alentours, bien campé sur la rive droite de La Douze. Le petit espace jardin autour de l'église est bien entretenu.

            J'ai traversé ensuite le pont sur La Douze pour me rendre au « Café de la Paix », sur l'autre rive du cours d'eau, là où en principe les clés du refuge sont déposées – mais ce n'était pas le cas pour nous aujourd'hui puisque Hennieu nous avait accueillis directement au local.

            Une petite ville calme, reposante, où il n'y a pas beaucoup de circulation.

Alain est arrivé ensuite, et nous avons goûté un petit vin de la région, vanté par le serveur – pas mal, bien fruité.

            Je suis ensuite passé dans une petite supérette non loin de l'église pour effectuer les achats classiques de l'étape du lendemain.

            Une autre surprise à mon retour au gîte fut de découvrir que Sebastien, le pèlerin un peu en dehors des normes (voir étapes précédentes), si tant est qu'il soit possible de parler de norme, était avec nous pour ce soir. En super forme ! Parfaitement à l'aise – il y a tout lieu de croire qu'il ait bénéficié d'un geste particulier de solidarité de la part d'Hennieu ; et quoi de plus naturel entre pèlerins !

            J'ai eu alors l'occasion de discuter un peu plus largement avec lui. Il a travaillé dans le tourisme, dans l'hôtellerie, mais sans qu'il s'étende sur les raisons qui l'ont poussé à quitter ce secteur. Il m'a dit qu'il traversait une période de quête, de recherche personnelle. Il reste optimiste sur l'avenir. À table, sur tous les sujets, il intervenait avec sérieux, donnant clairement son point de vue. C'était loin d'être le plus réservé ! Je ne l'ai plus revu dans les 7 dernières étapes jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port



Une belle ambiance au dîner d'Hennieu :

            Hennieu nous avait préparé un vrai repas, ce qui nous a évité de passer aux travaux de cuisine ; et les meilleures volontés se sont instinctivement attelées ensuite à la vaisselle.

            Il y a eu d'abord un apéritif, au moment du passage du président de l'Association locale des Amis de Saint-Jacques. Que les présidents des associations locales n'hésitent pas à se déplacer afin de discuter avec les pèlerins de passage, ne fût-ce que pour rehausser le niveau de l'accueil du jour !

Un homme très ouvert, très gentil ; nous avons discuté des insuffisances du balisage, et il a admis qu'il était difficile de coordonner avec la Fédération Française de Randonnées et aussi, il nous l'a bien confirmé, entre les associations jacquaires pour une uniformisation de tout ce travail de balisage. C'est un réaliste ; nous progressons, nous a-t-il souvent répété.

            Le dîner fut des plus agréables ; il y a eu des discussions de qualité, sur bien des sujets.