Étape 24 : jeudi 31 mai
18 : Arzua ~ 30 km
J’ai particulièrement souffert dans
cette longue étape : des petits ennuis intestinaux au cours de la nuit,
mais qui ne m’ont pas empêché de bien dormir, et musculaires au niveau du bas
du dos pendant la marche ensuite. Et d’une petite pluie qui ne savait pas
elle-même si elle devait bien tomber ou s’arrêter. Sans compter des nouveautés
de terrain dans une nouvelle arrivée d’étape par rapport à ce que j’ai retenu
de 2 014 et de 2 018.
De bon matin, après avoir passé une assez bonne nuit
quand même – j’ai pris dans un bar proche de l’albergue un bon petit déjeuner.
Dès la sortie de cette ville, j’ai commencé à ressentir une gêne au bas du dos,
et à droite – sur le chemin de Compostelle, des petites douleurs ou simplement
des gênes musculaires apparaissent ici ou là et disparaissent quand le corps
est bien échauffé. Mais, cette fois-ci, bien plus loin, à l’approche de Melide,
cette douleur est devenue bien présente et bouleversante, si bien que je me
suis posé la question si je ne devais pas m’arrêter pour cette journée. Cela me
torturait même : ah ! si je pouvais tomber tout de suite sur une
albergue ! – cette réflexion me tenait dans la petite route qui va jusqu’à
l’église, et le balisage indique bien que je devais tourner à gauche un peu
avant cette place pour continuer normalement l’étape. Et je savais que très
bientôt je devais plonger dans une vaste et belle vallée où vraisemblablement
il n’y a pas de logement pour se reposer sérieusement en cas d’aggravation de
cette douleur qui était de plus en plus présente. Mais je me suis dit : un
pèlerin ne renonce pas comme ça !
Et dans cette belle vallée, sous un beau soleil, j’ai
souffert, mais pour moi, il importait d’en sortir et de retrouver la route à
grande circulation après une belle pente dans le terminus, un véritable test de
forme. L’objectif était donc de quitter ce paysage, encore fallait-il pouvoir
monter cette terrible côte qui permet de retrouver le petit village en haut, et
ainsi de pouvoir contacter un médecin – il y a un petit bar juste en haut où il
y a la possibilité de prendre quelque chose et d’essayer de se reconstituer,
douleurs pas ! J’ai commandé un grand thé et une grosse part de gâteau.
Le pèlerin ne se résigne pas, j’ai remis mon sac mais
avec quelques difficultés tout en me disant qu’un peu plus bas il y a des
maisons où s’il le faut je pourrai demander de l’aide… et appeler peut-être une
ambulance selon l’évolution de cette douleur.
Et difficile à le faire croire : en à peine 100 m
sur un trottoir bien fait, tout d’un coup je me suis dit : mais tu ne
souffres plus ! Il ne fallait surtout pas déposer le sac mais continuer
très lentement, et rester encore plus à l’écoute de mon corps. Un nouveau
constat s’imposait après une bonne centaine de mètres : je n’avais plus
aucune douleur. Je n’ai jamais autant écouté mon corps, attendant à chaque
seconde une réapparition de cette douleur. J’ai réussi à atteindre Arzoua… et
je suis entré dans la première albergue que j’ai trouvée. En restant concentré,
à l’écoute de mon physique, et ce jusque pendant le temps de la douche. Quel
bonheur ! je ne ressentais plus rien… Si bien que je me suis dit : tu
continues à faire comme d’habitude… et je suis passé au premier bar rencontré
pour prendre une grande bière et un bon sandwich.
Arzua, qui me semblait être une
petite bourgade il y a quelques années est aujourd’hui une assez grande ville
avec des constructions nouvelles et une belle route pour y entrer – ce n’est
plus l’arrivée de 2 014 et 2 018. Et un peu plus tard, je n’ai fait
que regretter le grand restaurant où j’ai mangé en 2 014 et en 2 018.
Il pleuvait légèrement sous un petit vent constant et froid ; je suis
entré dans la première albergue sur le côté de la route où je marchais, juste à
côté du bar-restaurant – au moins je n’aurai pas à me déplacer pour me
ravitailler, étant donné le temps. Il me restait plus que deux étapes pour
finir mon 3e Camino Francés. Mais, pendant la nuit, je m’appliquais à bien
écouter mon corps, pour détecter la moindre douleur. La suite a été d’un bon
naturel…, à deux jours de Santiago !