samedi 9 mai 2020



Étape 36 : de Sauveterre-de-Béarn à Ostabat : 24 km : dimanche 21 juin 2 015.

Photo :  J'arrive devant la « Maison Ospitalia », notre gîte à Ostabat.


Résumé de l'étape :

Cette avant-dernière étape de mon Vézelay (la partie française) avait mobilisé toute mon attention parce que je devais me retrouver dans l'après-midi en terre connue : la stèle de Gibraltar (aucun lien avec l'enclave britannique à la pointe de l'Espagne, tout au plus une histoire de prononciation d'un lieu en basque) marque la zone de rencontre entre les voies de Tours, de Vézelay et du Puy-en-Velay. Ce point d'étape, je l'ai découvert mardi 3 mai 2 011, sur la voie du Puy-en-Velay, mon premier chemin de Compostelle. Aussi pendant cette journée, j'ai essayé d'activer dans ma mémoire les images de paysages et de lieux que je devais redécouvrir.

Cette étape a été aussi marquée par un arrêt à Saint-Palais où nous avons fait quelques provisions, et la belle ascension en forêt qui a suivi. Nous avons fait une pause repas pratiquement au sommet, à l'ombre de deux chênes, avant de descendre sur cette fameuse zone de convergence des trois chemins, qui ne laisse pas indifférent le pèlerin – la symbolique du lieu est forte.

La dernière partie de cette étape passe par une 2e montée abrupte pour atteindre la chapelle Soyarza, dédiée à la vierge Marie, avant de plonger sur le village Ostabat.

Le déroulement de l'étape :

De Sauveterre-de-Béarn à Saint-Palais :

En quittant le gîte de Sauveterre, au centre-ville, nous avons pris la route à gauche qui descend vers le gave d'Oloron, et nous avons franchi ce cours d’eau.

Ce fut ensuite la D 933, puis la D 134, et nous avons ainsi passé en revue plusieurs petits villages. Nous étions dans le Pays Basque, en quelques kilomètres, du moins dans les provinces de la partie française. Nous nous sommes arrêtés à une petite église où nous avons trouvé un long banc à l'ombre, un point d'eau et des toilettes.

Un peu plus loin nous avons pris la D 29, direction Saint-Palais.

La dure montée en forêt après Saint-Palais :

À Saint-Palais, nous avons acheté du pain et des gâteaux pour le repas de midi, puis nous avons suivi le balisage qui nous a menés à une rude et longue montée en pleine forêt, d'abord sur une route goudronnée, et ensuite sur un chemin en terre. Presque au sommet, alors que la pente est plus forte encore, nous nous sommes arrêtés auprès de deux grands chênes où un banc a servi de table à manger. C'était bien le moment de se restaurer, et le lieu pour prendre des photos.

La pause repas au sommet de la forêt :

Il faisait bon à cet endroit, sur le bord d'une vallée, l'air y est plus respirable et la vue sur les environs est extraordinaire. Chacun a déballé ses « munitions », et, comme d'habitude Alain a partagé ses très appréciées pâtes au jambon. Nous avons pris notre temps pour manger.

La descente vers la stèle de Gibraltar :

Après le repas, il a fallu terminer cette ascension ; et au sommet, où se trouve une sculpture, il est possible de voir la dernière difficulté sur la colline d'en face (voir la photo, photo et photo), mais il nous fallait descendre pour passer d'abord par la zone de convergence des trois chemins de Compostelle – la voie d'Arles ne débouche pas à Saint-Jean-Pied-de-Port puisqu'elle franchit les Pyrénées au col du Somport et non à celui de Roncevaux.

J'étais devant dans cette descente, Alain et Cor n'en finissaient pas de photographier les environs au sommet, j'avais hâte de finir cette descente – j'ai rencontré un groupe de pèlerins qui se reposaient à l'ombre tout à fait en bas, et qui semblaient avoir tout leur temps devant eux. Le balisage est clair, et je me suis retrouvé à la stèle qui marque ce lieu symbolique. Mais mon repérage ne correspondait pas tout à fait à celui de mai 2 011, il est vrai que le temps était à la pluie en ce lieu, alors qu'en ce 21 juin 2 015 le temps était vraiment au beau. Naturellement, nous y avons passé un certain temps, il fallait bien se donner la peine d'enregistrer des souvenirs sous tous les angles pour bien enrichir nos mémoires.

La dure côte de la chapelle Soyarza :

Celle-là, je l'avais bien en mémoire, et je l'ai trouvée toujours difficile, un peu aussi en raison d'un soleil qui tapait dur. J'étais content d'arriver à la chapelle Soyarza, et de me trouver une petite place à l'ombre – les places au pied des quelques arbres à cet endroit étaient « chères, car il y avait beaucoup de pèlerins, principalement ceux de la voie du Puy-en-Velay. Mais, la plupart ne tardaient pas à repartir, sans avoir oublié de refaire leurs provisions d'eau, car il y a encore du chemin à faire avant de rallier Ostabat.

Quel beau point d'observation des paysages du Pays Basque ! 

La descente vers Ostabat :

Au coup d'œil, la reprise du tracé du chemin n'est pas évidente, mais sans avoir consulté mon livre guide, j'ai vu que tout le monde bifurquait en partant de la chapelle et en la laissant sur leur droite.

La descente est assez abrupte, puis elle s'adoucit dans les bois, et par des petites routes le pèlerin avance, passe devant la chapelle d'Harambeltz. Dans cette descente le balisage est toujours bon. Bien plus loin nous avons quitté la route goudronnée, et par un petit chemin caillouteux et humide, nous avons franchi un ruisseau. Et je me suis tout d'un coup retrouvé devant le gîte où je m'étais arrêté en 2 011 : la « Maison Ospitalia » !



Un gîte et un village figés :

Que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur, la Maison Ospitalia n'a pas changé par rapport à 2 011 ; il n'y a pas d'équipement nouveau dans les dortoirs, ni à la cuisine et encore moins dans les toilettes et les douches. Le seul petit inconvénient enregistré, c'est une assez forte présence de mouches par rapport à mon premier passage en mai 2 011, il est vrai qu'en juin l'été commence à bien s'installer, d'autant qu'il y a des élevages dans les environs.

Au moment où je partais faire un tour dans le village, qui est au-dessus du gîte, j'ai revu par hasard le responsable ; il est venu vers moi et m'a dit solennellement : ceux qui sont de passage ici pour la deuxième fois, c'est un euro de moins, et donc 12 au lieu de 13. Et il m'a rendu un euro.



Les retrouvailles avec le village :

En fin d'après-midi, je suis monté faire un tour au centre du village, et j'ai apporté un bâton, car je me suis souvenu que sur ce trajet, à l'aller comme au retour, un chien me signifiait toujours que je violais son territoire, et il le faisait savoir en aboyant sérieusement dans ma direction. Cette année encore, il était à son poste, au bord de la route, mais, cette fois-ci, quelque peu dubitatif, il n'a fait que me regarder passer. Il a sans doute vieilli, je ne peux pas dire qu'il m'ait reconnu. Je suis passé au bar-restaurant du village pour réserver le dîner ; en cette fin de journée du dimanche la partie épicerie était ouverte, il y a toujours des achats à faire pour le lendemain. Ce sont toujours les mêmes personnes qui officient en ces lieux hautement stratégiques pour les pèlerins. Je ne me suis pas senti comme un étranger qui passe.

Je suis allé faire un tour à l'église (voir photo). Et j'ai jeté un œil sur les alentours : un nouveau gîte dans la petite rue qui monte juste à côté de cette église est en fonction – il affichait complet. Et j'ai terminé ma visite par une petite reconnaissance du balisage de façon à bien partir le lendemain, car je ne m'en souvenais plus... Pour me rendre compte que la suite du chemin est tout à fait naturelle.

À mon retour au gîte, il y avait encore du soleil, je me suis appliqué à déplacer mes vêtements sur la corde à linge dans un petit espace au pied du bâtiment, il faut bien utiliser au mieux les derniers rayons de soleil. Arrivé au dortoir, j'ai constaté qu'une Québécoise s'y était installée, et qu'il faisait très chaud, nous étions au 2e étage de cette baraque. L'urgence était d'ouvrir, pour évacuer au mieux cette chaleur avant la nuit, quitte à avoir quelques mouches dans la pièce. Mais, en principe, ces insectes rentrent chez eux la nuit.

Il ne me restait plus qu'à faire et à refaire un petit exercice de repérage pour éviter un inconvénient caractérisé à ce lieu, surtout lors des déplacements la nuit : ce dortoir étant sous le toit, il y a deux poutres apparentes qui plongent vers chaque lit, à bien repérer et à intégrer dans la mémoire pour ne pas s'y cogner en se levant la nuit. Mais l'exercice n'était pas suffisant, et comme en 2 011, je m'y suis cogné une fois dans la nuit, et une autre fois le lendemain de bon matin en faisant mon sac avant de partir. Mais je n'étais pas le seul à avoir éprouvé la solidité de la charpente : le bruit des coups de tête contre les poutres se faisait nettement entendre, ici ou là y compris du côté de la Québécoise. Sans faire vraiment de bosses ! Les pèlerins ont aussi la tête dure.



Une bonne ambiance au restaurant :

Quand nous sommes arrivés au restaurant, la salle était pleine, nos places étaient réservées au bout d'une longue table, près du bar. Principalement des Français ! Il y avait un Hollandais qui a discuté un peu avec notre ami Cor. Une belle ambiance ! Et avant que l'apéritif ne fût servi ; à moins que, sur l'autre longue table, des impatients n'aient réussi à se faire servir un coup à boire dès leur arrivée. Apéritif, vin (on en redemande), entrée, viande et légumes, dessert, pour un prix raisonnable, et un service irréprochable ! Ça discutait de partout, et à haute voix ; quand les Français sont majoritaires dans un espace, ils le font aussi savoir. Je crois que le gros des « troupes » venait de la voie du Puy-en-Velay. Il y avait aussi un Italien qui s'est naturellement associé à de notre groupe, il parlait convenablement le français. Il s'est quelque peu singularisé : il était plus de 20 h , en plein repas, quand la responsable est venue lui dire qu'elle n'avait pas encore trouvé de chambre pour lui, les principaux gîtes étaient pleins. Et l'homme n'avait pas l'air de s'en faire ; quelque peu prétentieux, il a tout fait pour montrer que ne pas avoir un toit pour la nuit ne le touchait en rien. Et il a continué à nous parler de ses performances sportives – l'homme, encore jeune, a déjà des exploits de renommée mondiale à son palmarès. Mais je lui ai posé directement la question : et si vraiment, tu ne trouves pas un lit à l'abri pour dormir, qu'est-ce que tu fais ? Très décontracté, il m'a répondu : je marche toute la nuit ! Il avait l'air sérieux. Tout à la fin du repas, la responsable a réussi à lui dénicher une chambre chez un habitant. Je n'irai pas jusqu'à dire dommage ! Ç'aurait été intéressant de voir comment un pèlerin qui a marché toute la nuit se comporte le lendemain à l’arrivée.

Le lendemain, alors que nous étions sur un terrain boisé et mouvementé, dans la vraie réalité béarnaise, je l'ai vu passer à côté de moi à vive allure : il avait un sac au dos et un autre plus petit en position ventrale. Il avait un train très sport. Je ne l'ai plus revu jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port. Et je me suis souvenu d'une petite phrase d'un livre guide : sur le chemin de Compostelle, il arrive souvent que « les gros turbos s'arrêtent à Burgos ». La voie du Puy est longue, plus de 1 500 km, et si quelles que soient les capacités physiques la « monture » n'est pas ménagée, l'accident musculaire peut être alors fatal pour la suite, c'est-à-dire la 2e moitié du chemin, en Espagne. Sans compter la résistance morale qu'exige le chemin !

Dès la fin du repas, je suis retourné au gîte, je devais ramasser mes vêtements et commencer à préparer mon sac ; Alain et Cor sont restés un peu plus longtemps. Seul sur le chemin, j'ai revu mon chien, il était toujours en poste, sans doute à pointer les pèlerins qui rentrent dormir. Il m'a regardé sans bouger un poil.