Étape
10 : Velles, moins de 20,5 km : mardi 26 mai 2 015.
Photo :
J'arrive à Velles.
Résumé
de l'étape :
Une petite étape, sans difficulté
aucune, et un séjour au gîte d'étape de Mme Aucante au centre du bourg. Et de
beaux échanges avec des gens de la campagne, et particulièrement sur
l'évolution en général de la société de l'après-guerre à nos jours. Ce fut une
journée bien remplie.
L'étape :
J'ai pris un excellent petit
déjeuner le matin à l'hôtel, à Châteauroux, et je suis parti très tôt, même si
l'étape du jour est petite ; j'avais presque fini de manger croissant et
pain beurré à la confiture, arrosés de thé, quand d'autres clients du matin,
vraisemblablement des habitués du lieu, ont commencé à arriver. Ceux qui vont
au boulot ne s'attardent pas, un rapide café tout en passant en revue le
journal, et ils sont sur le départ. Et c'est tout gaillardement que je me suis
avancé dans la ville pour retrouver la D 40 que j'avais reconnue la veille.
Malheureusement, je ne l'ai pas trouvée tout de suite, j'ai dû revenir sur mes
pas pour enfin pouvoir me lancer sur cette petite route, qui traverse aussi la
forêt domaniale de Châteauroux, jusqu'à rejoindre la D 14 qui mène à Velles –
je fus même surpris de me retrouver aussi rapidement à l'entrée de cette petite
bourgade.
C'est vraiment la campagne profonde,
où le calme n'est troublé que par de rares véhicules. Durant cette étape, je marchais donc le plus
souvent dans un grand silence, j'avais largement le temps de penser à tout. Et
encore aujourd'hui je n'ai pas vu un seul sac-à-dos.
Arrivé à l'église du village, je suis tombé tout de suite sur le bar-restaurant signalé dans mon
livre-guide (voir photo), je ne pouvais pas ne pas prendre un premier contact,
rien que pour voir s'il y avait la possibilité d'y revenir après avoir garanti
mon hébergement. Mais j'avais du temps devant moi avant d'aller au gîte, j'ai
commandé un thé pour accompagner le seul croissant qui restait dans le petit
panier bien placé à la vue des clients, et demandé à la serveuse des précisions
sur l'adresse de Mme Aucante. Comme souvent en pleine campagne dans ce
département, mon téléphone ne passait pas, mais j'avais encore toute
l'après-midi devant moi pour arrêter un hébergement pour demain, à
Argenton-sur-Creuse.
Le
gîte de Colette Aucante :
Le portail donnant sur la cour de la
maison était grand ouvert, je suis entré avec précaution, car je ne voulais pas
me retrouver tout d'un coup nez à nez avec un dogue qui aurait pu s'étonner de
mon intrusion sur son territoire. En avançant un peu plus, j'ai vu un homme
d'un certain âge en train de bricoler dans une espèce de grand garage, et au
fond d'un grand potager une dame qui préparait les plates-bandes pour ses
plantations de légumes. J'ai descendu mon sac et attendu le moment où leurs
regards se sont portés sur moi pour lancer un grand bonjour. C'est la dame qui
est venu vers moi, d'un pas lent. Je ne vous attendais pas aussitôt, m'a-t-elle
dit ; la chambre n'est pas encore prête, mais vous pouvez toujours y
déposer vos affaires et aller vous doucher, a-t-elle ajouté.
Elle m'a conduit à la chambre, sans
ajouter un mot. J'ai tout de suite compris que j'étais dans un milieu bien
campagnard où l'économie des mots est la règle, car ces gens-là travaillent
toute la journée sans presque s'arrêter, et donnent l'impression que les
énergies dépensées sont bien mesurées.
L'habitation est constituée de deux
maisons qui se touchent en faisant un angle droit. L'une est réservée à la
famille et l'autre au gîte ; dans l'hébergement pour les pèlerins, il y a
des chambres, une cuisine et des sanitaires à la disposition des gens de
passage. Le long de la première, il y a un abri de verre, une sorte de salon
qui sert en quelque zone de zone tampon pour les passages entre les deux
bâtisses (voir photo). C'est là que je me suis déchaussé avant d'entrer dans la
partie gîte.
Ces gens-là ont l'air paisible, et,
pourtant ils sont toujours occupés. C'est le soir, à la visite du fils de
famille, et à ses échanges avec sa mère pendant nous passions à table, que j'ai
compris que j'étais dans une vraie famille d'agriculteurs. Le fils venait tout
simplement rendre compte à sa mère de l'avancement de ses travaux et attendait
en retour les réactions de cette dernière. Là aussi, en peu de mots, d'un côté
comme de l'autre.
La
visite de la ville :
Après la douche, je suis retourné au
bar-restaurant pour manger quelque chose. Après en avoir parlé avec la patronne
de la boîte qui m'a vite donné une idée de ce qu’elle pouvait m'offrir en ce
jour, j'ai choisi un steak accompagné de pâtes. Un régal ! Quand je lui ai
parlé de connexion Internet et de téléphone, elle m'a tout de suite
répondu : mais vous êtes toujours dans la campagne berrichonne !
Puis en sortant, j'ai vu un marchand
ambulant sur la place de l'église, il vendait de tout, dans l'alimentaire, y
compris du fromage et des fruits ; je ne pensais pas qu'il était possible
de présenter autant de nourritures dans un véhicule. J'ai acheté une pomme et
une orange pour le lendemain.
Je
suis allé à l'autre bout du village, non loin de mon gîte, à la pharmacie, où
j'avais à renouveler presque en urgence mon gel d’arnica. La pharmacienne
n'avait pas la formule que je préfère ; bien sûr, elle m'a vanté celle
qu'elle vendait, arguant que la sienne présentait un meilleur pourcentage de la
substance active. J'ai fait semblant de la croire.
Sur place, en sortant, presque
machinalement, j'ai fait un essai avec mon téléphone pour constater que la
connexion était acceptable. J'en ai profité pour contacter un petit hôtel à
Argenton-sur-Creuse dont les coordonnées se trouvent dans mon guide ; la
réservation fut faite en moins de deux – il devait y avoir une antenne-relais
dans le coin, mais qui ne devait pas arroser une très grande surface, puisque à
une dizaine de mètres à peine rien ne passait plus.
De retour à mon hébergement, ma
chambre était prête, j'ai pu donc décharger mon sac et aérer mes affaires en
les étendant – j'ai même fait un lavage rapide de chaussettes.
Une surprise lors de ce
passage : Mme Aucante qui travaillait toujours dans son potager m'a
proposé la visite de l'église du village (voir photo), et elle m'a donné les
clés de l'édifice en me disant : je suis la responsable ; je ferme le
bâtiment parce qu'il y a déjà eu des dégradations. Je les ai prises et je suis
allé sur place immédiatement.
Il n'y avait personne. Je suis entré
dans l'église ; elle est belle et très bien entretenue (voir photo, et
photo). Je n'ai pas prié pour que personne ne vienne pendant mon passage, mais
j'avoue l'avoir souhaité ardemment, car si c'était le contraire, il aurait
fallu que j'attende le départ des visiteurs pour quitter les lieux, et fermer
la porte d’entrée. Cette opération fut une première pour moi !
En fermant la porte, je me suis
rassuré en recommençant deux fois l'opération ; je tenais à vérifier que
je l'avais bien fermée à double tour, qu'elle était vraiment bien verrouillée.
Au retour, il me restait encore un
peu de temps avant le dîner pour jeter quelques notes sur mon carnet du chemin.
Un
bon moment au dîner :
J'ai été invité à passer à table
dans la salle à manger de la maison familiale vers 19 H et d'un coup d'œil,
j'ai vu qu'elle était assez richement décorée. Et tout naturellement, nous
avons utilisé nos prénoms. Colette, sans beaucoup parler, est d'une grande
présence ; Jean-claude, son compagnon, je l'ai vu au départ comme un homme
très discret, est quelqu'un avec qui les échanges se font très facilement – ils
se sont connus sur le chemin de Vézelay en 2 011, si j'ai bien retenu l'année.
Volontairement je n'ai pris aucune photo d'eux, j'estimais que c'était comme si
je leur volais une part de leur intimité.
En prenant un apéritif, mon regard
se porta sur le balancier d'une magnifique horloge, un instrument qui demande
beaucoup d'entretien, ce qui m'a permis de lancer Jean-claude dans la
conversation avant que le moment du repas proprement dit arrivât ; inutile
d'entrer dans les détails, les plats étaient de bonne qualité. J'ai vérifié une
fois de plus que le fait de se présenter comme venant de la Réunion donne
automatiquement matière à des échanges dans bien des domaines.
Nous avons vraiment parlé de tout.
Jean-claude a été gonio dans l'armée en Algérie – c'est avec un plaisir non
dissimulé qu'il a raconté sa situation plus ou moins privilégiée par son poste
de responsabilité pendant son temps militaire. Il a monté ensuite une petite
entreprise dans le domaine des portes et des fermetures métalliques, un secteur
où il a excellé, et il ne s'en cache pas. Ce qui m'a surtout intéressé, c'est
son périple dans cette période d'après-guerre – celle de 39-45 – où tout jeune,
il a fait à pied le parcours Paris-Marseille pour aller prendre un travail dans
le sud de la France, un chemin long et surtout difficile à l'époque, et
notamment pour ce qui est du couchage. Nous avons aussi comparé nos expériences
dans notre jeunesse en ce qui concerne les travaux, les loisirs ou encore les
valeurs familiales, etc. En mettant
l'accent sur la volonté des générations de ce temps à s'en sortir à tout prix
puisque les jeunes partaient de presque rien.
J'ai passé un moment agréable à
table, où je n'ai pas vu le temps défiler – j'avais l'impression de les avoir
retenus plus que de raison par ces discussions, et je m'en suis excusé.
Colette et Jean-claude ne restent
pas un instant sans ne rien faire, et c'est presque une leçon qu'ils donnent à
ceux qui les visitent. Ils n'ont pas du tout l'air fatigué, montrant ainsi que
l'activité est à la base de la santé, surtout dans la période des vieux jours.
Le lendemain matin, après le
petit-déjeuner, et avant de partir, j'ai laissé sur le livre d'or de leur
gîte : « J'ai eu beaucoup de plaisir à échanger avec vous. Bonne
continuation pour l'accueil des pèlerins ».