jeudi 14 novembre 2019


Étape 19 : La Coquille, 29 km.

Photo : À l'entrée de La Coquille, avec Simone et Xavier.



Résumé de l'étape :

            Sur une grande partie de cette étape, j'aurais pu rallier bien plus rapidement La Coquille en prenant trois départementales, et ainsi obtenir plus de temps pour la visite de ce bourg. Mais j'ai préféré suivre le balisage classique et les préconisations du Lepère.

            Quand le chemin balisé emprunte un bout de macadam, c'est pour retrouver sans tarder une partie herbeuse et même un peu humide, et s'enfoncer dans un paysage verdoyant avec des bocages, des petits cours d'eau, des étangs et de belles petites forêts fraîches, reposantes, car il a fait chaud au cours de cette 19e étape. Et ce type de cheminement s'est répété tout le long de la journée.

            Aujourd'hui, je suis passé en région Aquitaine, plus précisément en Dordogne où 5 à 6 étapes m'attendent encore dans ce département. Mais les Pyrénées sont encore assez loin, et il va falloir traverser le Pays Basque pour les atteindre.

            Le but de cette étape, La Coquille, au nom on ne peut plus symbolique pour des pèlerins, est un bourg charmant où tout rappelle vraiment le chemin de Compostelle : la grande place porte le nom de Saint-Jacques ; et je suis allé au « Refuge La Coquille de l'Association des Amis de Saint-Jacques ».



Le déroulement de l'étape :

            Je suis parti du camping de Flavignac le premier, tout seul, avec pas grand-chose dans l'estomac – je m’en tiens à mon propre rythme, à ma conception de l’organisation de mes étapes adaptée bien entendu à mes propres capacités dans tous les domaines. Le groupe d'Alain fait un peu de cuisine de bon matin pour le repas de midi ; les autres étaient presque prêts quand j'ai quitté le camping pour retrouver la D 46 direction Châlus, puis la D20 jusqu'à l'entrée aux Cars.

            Jusqu'à Lautrette, j'ai emprunté une départementale ; puis le balisage classique part dans la campagne. Et après une descente, je me suis retrouvé dans une belle montée. J'ai à nouveau rencontré le couple d'Allemands – les deux marchent bien, et font aussi de bonnes petites pauses. J'ai un peu discuté avec eux, la dame parle à peu près le français, l'homme a quelques difficultés dans cette langue, mais il m'a montré son GPS high-tech avec lequel il anticipe et contrôle son parcours. Mais je n'ai pas tardé à repartir, et à rentrer de nouveau dans une autre forêt.

            Plus loin, à Châlus, j'ai retrouvé Guy, et nous sommes entrés dans un bar ; il n'y avait plus rien à manger, mais le serveur nous a dit que nous pouvions trouver de tout à la boulangerie juste au-dessus, et revenir manger sur place tout en prenant une boisson – c'est du classique sur le chemin. C'est ce que j'ai fait : pendant que Guy cherchait un distributeur de billets, j'ai acheté un croissant pour lui et un pain aux raisins pour moi. Et nous sommes revenus les manger au bar, avec du thé ou du café.

            Ensuite, je suis parti sans tarder, mais Guy ne m'a pas suivi ; il a préféré, avec raison, se donner du temps pour la visite du château historique du lieu, ce que j'ai bien regretté plus tard. J'aurais bien aimé en effet rapporter un meilleur souvenir de ce lieu tellement chargé d'histoire, ne fût-ce qu'une photo du château où le roi d'Angleterre Richard Coeur de Lion fut mortellement blessé lors d'une bataille au XIIe siècle.

            Après Châlus, ce fut la côte de la minoterie ; puis il y eut une succession de petites forêts, et un passage à la N 21 ; à l'entrée d'un bourg, j'ai encore quitté la route pour reprendre les bois.

            Un peu plus loin, je descendais dans une petite forêt bien fraîche qui plonge vers un cours d'eau quand j'ai remarqué sur ma droite, dans un petit espace aménagé, deux pèlerins, une femme et un homme, qui se reposaient à l'ombre – je ne suis pas sûr qu'ils m'aient vu à ce moment précis. Un peu plus bas, toujours dans cette descente, j'ai fait un arrêt dans une autre partie de cet espace, je devais sortir mon livre de mon sac et vérifier sur la carte ce qu'il me restait à parcourir pour cette journée. Et au moment où je reprenais le sentier, les deux pèlerins sont arrivés à mon niveau. Des Français, que je n'avais pas encore vus les jours d’avant ! Sans entrer dans de grandes présentations, nous avons marché ensemble, comme si nous nous connaissions depuis un certain temps : Des Parisiens, des habitués des chemins de Compostelle, Xavier et Simone sa femme. Et nous avons continué ensemble jusqu'à l'arrivée.

            En remontant l'autre versant de cette petite vallée, nous avons débouché sur une route, et là j'ai vu un homme figé, non loin d'une voiture bien garée ; et après notre passage, il a gardé la même posture, le regard toujours rivé sur la sortie du bois. Je me faisais déjà une petite idée de cette situation, mais ce n'est plus tard, au gîte, qu'elle s'est confirmée : c'était un petit groupe qui fonctionnait avec une voiture d'assistance et le chauffeur de la voiture accompagnatrice attendait les marcheurs à ce point précis.

            Avec les deux Parisiens, nous avons monté à peu près 700 m sur cette route, puis nous avons pris sur la gauche un sentier étroit dans un bois, franchi un ruisseau et regagné une autre petite route. Nous nous sommes retrouvés ensuite sur la N 21, à l'entrée de La Coquille.

            Il a fallu traverser la place Saint-Jacques et aller presque au bout du bourg pour arriver au « Refuge La Coquille de l'Association des Amis de Saint-Jacques ». Il n'était pas encore ouvert, mais il y a près du petit bâtiment un banc pour se détendre et se reposer.

            Quand le responsable du gîte est arrivé, je me suis senti quelque peu gêné : j'avais ma place, puisque j'avais téléphoné la veille, mais Simone et Xavier ont été obligés de repartir à « L'accueil pèlerin Maison Morain », à côté de l'église. J'avais trouvé le refus du responsable un peu abrupt sur le moment, même s'il était compréhensible – il s'en est expliqué un peu plus tard, au dîner.

            J'étais le premier sur place et, dans un petit dortoir, j'ai choisi comme d’habitude un lit en bas et près de la porte qui donne sur le couloir face à l'entrée du petit bâtiment ; au fond, se trouvent la salle à manger et les sanitaires.

            Au cours de la marche, je n'ai pas aperçu un seul instant mes amis de la veille ; ils ont peut-être pris un autre itinéraire ; je ne les ai pas revus non plus à La Coquille ; il en fut de même pour Guy qui s'est attardé à Châlus.

Une petite balade au centre du bourg :

            Après mon installation, j'étais toujours le seul sur place ; je suis allé faire un tour au centre-ville puisque le gîte est plus ou moins à la périphérie. Je me devais aussi de passer voir Simone et Xavier, question de me rendre bien compte s'ils étaient vraiment casés.

            Quand je suis arrivé à « L'accueil pèlerin Maison Morain », j'ai vu la dame responsable, qui parle assez bien le français, mais avec un accent anglais. Très sympathique, en attendant Xavier qui s'habillait, elle m'a expliqué comment sa petite famille s'est installée dans cette région : son mari travaille, et elle tient le refuge. À voir la maison et une partie des intérieurs, l'affaire semble marcher correctement.

            Xavier en arrivant m'a demandé d'excuser Simone, elle se reposait, car la journée a été assez éprouvante, en raison de la chaleur surtout. Nous sommes allés au bar un peu plus haut que l'église. Nous avons fait plus ample connaissance : ces deux Parisiens sont des enseignants à la retraite comme moi, ce qui explique un peu pourquoi le courant passe vite et bien entre nous. Nous avons parlé de choses et d'autres, en étant très à l'aise dans ce bar bien fréquenté – les pèlerins sont chez eux à La Coquille. Dans ce bourg, tous les habitants connaissent l'histoire du coin : depuis des siècles, des pèlerins s'y arrêtent. Puis j'ai dit au revoir à Xavier et je suis rentré « chez moi ».

            En cette fin de journée, je n'ai pas revu non plus le groupe d'Alain, ni Jean-François ni la Canadienne et le Belge ; certainement, ils vont réapparaître un peu plus loin sur le chemin.

Une belle ambiance dans ce petit refuge :

            À mon retour, j'ai trouvé une équipe qui s'installait dans le dortoir, et j'ai reconnu l'homme qui, un peu avant le dernier passage sur la N 21, fixait le sentier au sortir d'une forêt, dans l'attente de voir apparaître ses amis. Il y avait 2 couples dont un homme qui faisait le chauffeur pour l'assistance en voiture – j'ai demandé à ce dernier s'il y avait un roulement dans l'équipe pour la conduite du véhicule, un système que j'ai vu aussi fonctionner sur le Camino Francés, il m'a répondu que c'était toujours lui qui s'y collait.

            Dans ce petit dortoir, ce soir-là, l'ambiance était quelque peu différente de ce que j'avais connu dans d'autres hébergements sur ce chemin : ces dames s'appliquaient à bien faire les lits et à ranger soigneusement leurs affaires ; tout ce petit monde était bien habillé après le passage aux douches, il est vrai que leurs bagages ne voyageaient pas sur leurs dos. Mais chacun fait son chemin à son idée, il n'y a pas de norme pour les pèlerins ; de quelque façon que ce soit l'épreuve est toujours là, et il appartient à chacun de tirer les enseignements de son engagement. L'essentiel est de le faire, et ce quelle que soit la distance arrêtée dans le projet, car rien n'est jamais fini sur ce plan.

            C'est au dîner que j'ai fait vraiment la connaissance de mes compagnons d'un soir. Des Français de la région de Lille, tous des enseignants à la retraite. Il y avait une belle ambiance à table ; quand des enseignants se rencontrent, y compris le prêtre hospitalier qui vient de Belgique, après un tour des régions d'origine des uns et des autres et un échange sur les motivations de chacun à venir sur un chemin de Compostelle, ils parlent de l'école, de la jeunesse, de la société, etc. Des discussions qu'animait avec intelligence l'hospitalier, qui les relançait parfois à partir de son expérience propre. Je me suis senti bien parmi eux, à l'aise dans cette atmosphère.

            Le repas était simple et bon. L'hospitalier s'est aussi expliqué sur sa fermeté quant à l'obligation de respecter certaines règles comme refuser l'accès d'un pèlerin supplémentaire par rapport aux places disponibles ; je dépends aussi de la municipalité, a-t-il dit. Il a déjà refusé d'accueillir un jeune pèlerin qui s'est présenté, tous les lits étant réservés, et même si ce dernier ne voyait pas d'inconvénient à dormir par terre dans un coin pourvu qu'il ait un toit pour la nuit. Ici, pas question de lit d'appoint ! Il est vrai que la fréquentation sur le Vézelay n'est pas du même niveau que sur d'autres voies de Compostelle, et que la capacité d'accueil à La Coquille est relativement bonne – J'aurai l'occasion de revenir là-dessus.

            La nuit a été parfaite, un peu chaude au début – alors que j'avais demandé à une dame au fond la pièce de laisser la fenêtre légèrement entrouverte, elle m'a répondu, gentiment, qu'elle tenait à ce qu'elle soit au contraire bien fermée, car elle craignait qu'une chauve-souris ne s'introduise la nuit dans le dortoir. Bien entendu, je n'ai pas insisté ! Ç'aurait été quand même un bon petit spectacle de voir et/ou de sentir ces mammifères volants tournoyer dans cet espace réduit durant la nuit, et assurer ainsi une ventilation naturelle...