Étape
18 : Flavignac, 28 km.
Photo :
J'arrive à Flavignac.
Résumé
de l'étape :
C'était
ma dernière journée dans la Haute-Vienne, les six étapes suivantes se sont
déroulées en Dordogne, région Aquitaine. Au cours de cette journée, je suis
entré dans le parc régional Périgord-Limousain, où le paysage est fait de
plateaux et de collines découpés par les cours d'eau, et j'ai eu à gravir
quelques petites bosses.
Deux
nouveautés en ce jour : j'ai fait mon premier vrai camping sur le Vézelay,
et j'ai commencé à ressentir une fréquentation intéressante sur cette voie,
même si j'ai encore marché seul dans la dernière partie pour rejoindre
Flavignac.
Le
déroulement de l'étape :
Nous avons préparé un bon petit
déjeuner à l'hébergement des Soeurs de Saint-François à Limoges, il y avait
dans la salle à manger de quoi caler l’estomac d’un bon pèlerin.
À partir de la place en bas de notre
refuge, nous avons pris la rue de la cathédrale et ensuite d'autres petites
rues dans son prolongement pour arriver à l'avenue G. Dumas. Le balisage est
bien présent. Plus loin nous sommes passés devant le CHU, et un peu plus haut,
car la petite pente matinale ne tarde jamais à venir pour faciliter la
digestion du petit déjeuner, nous avons pris la D 74, direction Aix-sur-Vienne,
et au rond-point suivant la C 9 direction Mérignac. Les trottoirs sont larges
et la marche est sécurisée. Et jusqu'au sortir de l'Isle, nous étions toujours
en zone urbanisée.
C'est après Mérignac que nous avons
emprunté un large chemin de terre, en descente, qui passe devant un élevage
d'oies, et qui rejoint au bas de la pente la C 9. Et c'est là que nous avons eu
une petite hésitation pour aller à Aix-sur-Vienne – une mauvaise interprétation
que j'ai faite des indications de mon livre.
Mais le passage le plus agréable a
été la remontée de la vallée de l'Aixette, un affluent de la Vienne d'un bon
débit, que l'homme a parfaitement maîtrisé, en faisant de petites retenues sur
le cours, pour toutes sortes d'utilisations. Et nous avons passé en revue des
charmantes maisons sur la rive gauche de ce cours d'eau, de la simple
construction aux belles villas avec piscine et jardin. Nous étions dans le
calme d'une campagne où la présence de l'homme dans sa liaison directe avec la
nature au fil du temps se révèle parfaitement.
Dans la descente qui a suivi un
petit sommet, nous sommes passés à côté du château de Lajudie, à flanc de
coteau – Lajudie était au XVe siècle un village – ce
fut ensuite le pont sur l'Aixette et, après avoir tourné à droite, la D
17. Et nous avons entamé une assez belle
montée pour arriver à l'église de Saint-Martin-le-Vieux. C'est là que Jojo nous
attendait, le point de rendez-vous qui marquait en quelque sorte la fin de
l'accompagnement que Françoise avait bien voulu m'accorder sur cette voie de
Vézelay. Je n'ai pas vu de petit bar à proximité, peut-être un peu plus haut,
autrement nous aurions pu prendre un pot. Je suis donc parti tout de suite,
après avoir, bien entendu, remercié Françoise, d'autant que j'avais encore un
peu plus de 6 km à faire, et que, surtout, je me devais d'arriver avant la
fermeture de la mairie de Flavignac pour régler l'accès au camping municipal de
cette commune rurale... et mettre en place un plan B pour le cas où il y aurait
un problème.
Je n'ai donc pas perdu de temps, je
suis parti tout de suite sur la gauche ; un peu plus loin, ayant remarqué
les pèlerins allemands qui se reposaient sous des arbres, je suis allé les
saluer, leurs silhouettes ne m'étaient pas inconnues. Le chemin fait ensuite
des sinuosités en contournant des champs.
L'arrivée au stop de Lavignac m'a
quelque peu surpris, j'avais fait la confusion entre deux dénominations ;
en fait, il faut poursuivre dans la direction de Flavignac, et faire un tout
droit sur la D 46. Je suis arrivé ensuite à une intersection où j'ai vite
repéré le panneau d'entrée du village étape. Tout était alors joué pour cette
journée.
Je suis passé auprès d'une école, et
je me suis rapidement retrouvé à l'église. J'ai continué à suivre le balisage,
mais j'ai remarqué que je commençais à quitter ce lieu rapidement. J'étais
alors dans l'obligation de retourner sur mes pas, mon but étant la mairie.
Dans
ces petits villages de campagne, en plein après-midi, il n'est pas facile de
tomber sur un citoyen du coin. J'ai fini par mettre la main sur quelqu'un qui
m'a donné des indications concernant mon objectif.
La mairie n'est pas un bâtiment qui
s'impose, les symboles de la République ne sont pas visibles de loin. La porte
était ouverte, et je me suis avancé dans une pièce – elle était déserte cette
mairie. Il y avait une femme derrière une vitre ; en me voyant, elle m'a
fait signe de contourner un espace pour passer la porte de son bureau. Il y
avait quelqu'un qui était assis en face d'elle. La surprise du jour :
c'était Jean-François que je n'avais pas revu toute la journée d'hier.
J'ai attendu mon tour, et j'ai
accompli les formalités d'enregistrement au camping. J'étais au bungalow N°3.
En sortant, j'ai constaté que Jean-François n'était plus là, sans doute déjà
lancé dans une visite quelconque. J'ai suivi les indications de l'employée de
mairie pour aller au camping, qui est bien en dehors du village. J'étais
tranquille : vaille que vaille, j'avais un toit pour la nuit.
Le
camping, une première expérience sur le chemin :
J'ai pris le balisage comme pour
sortir du village et après les dernières maisons, j'ai bien trouvé une pancarte
m'invitant à tourner à gauche. J'ai suivi une petite route pour la quitter un
peu plus loin et descendre vers un vaste parking en contrebas, à côté duquel se
trouve un petit bâtiment, l'accueil du site.
J'en ai fait le tour, mais tout
était verrouillé ; l'espace camping proprement dit, au gazon bien coupé,
sur un plateau surélevé, à côté d'un bois, était désert. J'ai attendu un bon
moment avant que ne débarquât un employé qui a ouvert les bungalows 3 et 4.
J'ai choisi mon lit, et je suis
descendu un peu plus bas où se trouvent les sanitaires, après avoir franchi
deux niveaux et emprunté deux escaliers – l'employé venait justement de les
ouvrir. Je suis allé à la douche, et j'ai eu peur un moment qu'il n'y ait pas
d'eau chaude, mais elle a fini par arriver. Ce
sont de grandes installations, très fonctionnelles, tout est prévu pour un bon
niveau de fonctionnement en plein été, et je les avais pour moi tout seul sur
le moment.
Les autres sont arrivés un peu plus
tard, d'abord Jean-François (voir photo) puis Alain, Cor (voir photo) et Ole (voir photo). Le groupe de
Saint-Léonard-de-Noblat s'était reconstitué deux jours plus tard, le temps d'un
passage à un hébergement. Cela s'est fait naturellement, sans aucune sorte
d'entente préalable. Encore la magie du chemin !
Mais une fois bien installé, je suis
retourné au village, il était en effet indispensable de faire les achats du
dîner, mais aussi de prévoir de quoi tenir la route le lendemain. La visite a
été rapide, il y eut ensuite le classique passage au bar du coin en attendant
que le petit commerce de la place s'ouvre – j'y ai d'ailleurs revu
Jean-François, l'idée de faire quelque chose en commun a commencé à prendre
corps : entre autres, il a acheté un rosé et moi un rouge. Et j'ai vu à mon
retour au camping que le groupe s'était bien étoffé : Guy y était (voir photo). Je l'avais entrevu lors d'une étape précédente : alors que je
l'avais derrière moi quand j'entrais dans une forêt, je ne l'ai plus revu
après, en rase campagne, il ne suivait pas sans doute le balisage ; et un
peu plus tard une Canadienne et un Belge ont débarqué. Nous étions alors 8,
dans les bungalows 3 et 4.
L'ouverture
sur les autres :
Le chemin est une découverte, un
apprentissage et un approfondissement dans la nécessaire ouverture sur les
autres. Les 7 personnes avec qui j'étais dans ce camping avaient une certaine
expérience du chemin. Quand il s'agissait d'apporter de l'aide aux autres, tout
s'additionnait. Les derniers arrivants, la Canadienne (voir photo) et le Belge, s'y sont
intégrés naturellement. Dans la réalité, il n'y avait que trois marcheurs qui
« fonctionnaient » vraiment en groupe depuis plusieurs jours :
Alain et les deux Néerlandais (Cor se dit Hollandais, plus attaché à une région
de la Hollande ; et Olé, un Néerlandais (au territoire et à la langue). Je
ne me suis retrouvé avec eux qu'à l'arrivée des dernières étapes. Ces trois-là
étaient déjà rodés à partir ensemble le matin, à aller dans le même
hébergement, à cuisiner pour le dîner et à gérer la réservation des gîtes pour
la suite. Les autres, Jean-François, Guy, et moi-même, nous nous retrouvions de
temps à autre, mais chacun gardait quotidiennement son propre timing. Et pourtant,
à nous voir tous ensemble ce soir-là dans ce camping, d'aucuns auraient pu
dire : voilà un groupe assez important et bien constitué sur le Vézelay.
Ce qui explique un peu comment le Belge n'a eu aucune peine à s'y intégrer.
Une
belle convivialité :
La répartition dans les deux
bungalows s'est faite à la mairie de Flavignac : dans le n°3, par ordre
d'arrivée sur place : j'étais le premier, et j'ai naturellement pris un
lit en bas (voir photo) ; Jean-François a pris un autre lit à terre, sous
un rangement ; la Canadienne, le lit au-dessus du mien – et quand le Belge
s'est présenté et qu'il nous a dit qu'il était aussi dans cette petite baraque,
nous nous sommes interrogés en silence un court moment. Mais il y avait bien un
lit d'appoint à déployer au beau milieu de la petite pièce. Personne n'a laissé
entrevoir une quelconque gêne, il est vrai que tous les occupants ne s'y
retrouvent en même temps que pour dormir. Dans l'autre bungalow, il était aussi
quatre ; mais Alain a installé son lit dehors (voir photo), disant
sérieusement qu'il entendait dormir à la belle étoile. Je ne suis pas sûr qu'il
ait passé toute la nuit dans le froid. À moins qu'il n'ait voulu tout
simplement tester pendant un temps ses compagnons...
Il y a eu d'abord un café servi en
fin de journée par le Belge, en chemise claire, à droite sur la photo ci-dessus (voir photo) – les Nordiques boivent du café toute
la journée, me semble-t-il – il en avait dans son sac, et aussi des petits
biscuits. J'ai eu alors l'occasion d'admirer la facilité avec laquelle il
passait du français à l'anglais, et au néerlandais ; il échangeait aussi
avec Ole en allemand. De contact très facile, il nous a expliqué son système de
marche, qui nous a laissés plus ou moins dubitatifs. Si j'ai bien compris, il
part avec sa voiture à l'arrivée de l'étape, tout son matériel dans son
coffre ; il laisse sa voiture à l'arrivée et repart au point de départ
pour faire l'étape à pied. Il n'a pas été plus loquace quant à son
accompagnement dans ce va-et-vient. Il marche donc en emportant un minimum avec
lui. Ce système, lourd quand même, ne peut fonctionner que pour quelques étapes
du chemin, car il demande toute une organisation. C'est même un luxe !
Tout le monde était à l'apéritif à
la table du n°3 où Jean-François offrait « son rosé », selon la
disponibilité des uns et des autres qui vaquaient aux tâches du soir. Ce
dernier est allé jusqu'à donner un verre de vin à un jeune qui avait installé
sa petite tente un peu plus bas sur le terrain du camping, ce qui a dû lui
faire du bien, d'autant qu'il n'était pas très bien équipé et qu'il avait à
soigner de grosses ampoules au pied – je lui ai même proposé de les percer avec
une aiguille en y laissant un bout de fil qui sert de drain, et de lui donner
une petite dosette de Betadine, une technique que j'ai moi-même
expérimentée ; il m'avait rappelé un jeune Canadien qui s'est trouvé dans
les mêmes conditions en 2 014, sur le Camino Francés, au gîte de Bercianos del
Camino. Mais ce jeune homme m'a dit qu'il allait s'en occuper lui-même. Une
bonne réaction de sa part : chacun fait sa propre expérience.
Dans l'autre bungalow Alain avait
lancé sa cuisine et Ole est venu « chez nous » utiliser la plaque
chauffante électrique vu que notre petit groupe ne faisait rien cuire (voir photo). Nous,
dans notre bungalow, avions mis en commun nos achats, et il y avait un peu de
tout, et, bien entendu, du vin. Ce fut un excellent dîner.
Encore
de la chaleur dans la soirée :
Cette fois-ci, il n'y avait pas
comme à Limoges de murs et de dallages de granite dans les constructions
environnantes pour entretenir le chaud la nuit et encore moins de fêtards dans
les environs pour troubler le sommeil, mais la chaleur dégagée par la plaque
chauffante en service, et accumulée dans cette petite baraque, m'a bien gêné,
d'autant que mon lit était tout près de cette plaque, si bien qu'à un moment
j'ai dû me lever pour entrouvrir légèrement la porte du dortoir et y introduire
un peu d'air frais. La nuit fut ensuite très agréable : je n'ai pas
entendu un seul ronflement, ni un autre bruit. Plus tard, il a fallu prendre
des dispositions pour aller faire pipi dehors et éviter d'attraper un
refroidissement en sortant, il n'était pas question pour moi de descendre tout
à fait en bas aux toilettes (voir photo). Le pèlerin est rodé : se lever sans faire de
bruit, enfiler un pantacourt et une polaire, mettre le chapeau, autant de
gestes à décomposer, et se déplacer en ne laissant filtrer entre les doigts
qu'un mince filet de la lumière d'une petite lampe pour éviter de cogner contre
un meuble ou un sac à dos. Ce qui veut dire que ces vêtements et objets doivent
être placés à des endroits bien précis, à la tête ou au pied du lit. De cette
sortie nocturne, je n'ai pas ramené le souvenir d'avoir vu Alain ronfler sous
un ciel étoilé.
Dans l'ensemble, j'ai dû bien
dormir, car je n'ai pas entendu les autres se lever durant la nuit. Une bonne
chambrée de quatre dans un si petit espace (voir photo) !