Étape
17 : Limoges, 23 km.
Photo :
La cathédrale Saint-Etienne à Limoges.
Résumé
de l'étape :
Nous sommes toujours dans le
département de la Vienne, et le but du jour est la cathédrale Saint-Etienne à
Limoges que les pèlerins atteignent après avoir traversé le petit pont
historique sur la Vienne ; cette rivière est l'un des principaux affluents
de la Loire. Ici, cette dénomination de « via Lemovicensis » s'éclaire : Limoges
est en effet un point important sur le chemin vers Saint-Jean-Pied-de-Port,
point de départ du Camino Francés qui mène à Santiago de Compostelle.
La réservation ayant été faite par
téléphone la veille, Françoise et moi étions à L'accueil des Soeurs de Saint
François, 1 place de l'Évêché, tout près de la cathédrale (voir photo).
Cette étape, après une première
moitié dans la belle campagne limousine, est caractérisée dans sa deuxième
moitié par un long cheminement en pleine agglomération ; elle s'est
révélée finalement moins embêtante, à considérer les inconvénients de
circulation que laissait entendre mon livre guide. La petite zone aménagée sur une rive de la rivière à l'approche de
l'arrivée, d'où une vue montante permet de découvrir d'un coup la cathédrale
qui domine le paysage, fut même des plus agréables.
Le
déroulement de l'étape :
Pour quitter la place de la
collégiale de Saint-Léonard-de-Noblat, nous avons pris la rue qui passe contre
le bâtiment où se trouve notre gîte. Et un peu plus bas nous avons hésité sur
le point de franchissement de la Vienne. Nous avons fait une partie d'une
grande rue périphérique et il nous a fallu revenir sur nos pas. Nous sommes
passés ensuite sur le D 941, puis sur la D 65. Après le hameau de Lafont, nous
avons pris la direction d'Aureil, et plus loin tourné à gauche pour monter une
route très pentue. Elle passe devant une école toute neuve que j'ai trouvée bien
silencieuse. Ce fut ensuite une petite
halte à l'église d'Aureil où nous avons revu Jean-François – il
avait choisi un itinéraire qui évite Limoges, d'ailleurs nous ne devions plus
le revoir au cours de cette étape puisque sa destination était Solignac. Après
l'église, nous avons continué à monter en passant près du château du village,
d'un aspect quelconque vu de l'extérieur, nous n'avions pas non plus cherché à
le visiter.
Au
sommet, nous avons pris un charmant petit chemin dans les bois, où au départ
des aménagements ont été faits. C'est une voie empruntée depuis toujours :
présence d'une croix très ancienne, d'une fontaine et d'une grosse pierre
résultat de fouilles. Plus haut, ce chemin nous a permis de rejoindre la D 979,
la dernière partie étant assez pentue. Nous avons pris ensuite la direction de
Laubaudie
Plus loin, nous sommes sortis de la
campagne où nous avons traversé des petits hameaux, et nous avons débouché tout
d'un coup dans une zone urbanisée. Nous étions à Feytiat. Nous avons eu alors
quelques hésitations : le balisage étant à cet endroit plus que léger,
j'ai dû sortir mon livre afin de serrer de près ses indications.
Et de rond-point en rond-point, nous
avons fini par atteindre la grande route qui descend vers Limoges. Beaucoup de
circulation, beaucoup de bruit, mais le trottoir est sécurisé, à quelques
passages de rond-point près où il faut redoubler de vigilance (voir la photo).
En suivant le balisage, nous avons
quitté cette grande voie pour cheminer dans un petit bois sur les pentes qui
mènent à la vallée de la Vienne, et ainsi nous avons rejoint un chemin de
promenade bien aménagé sur la rive de cette rivière que nous avons franchie par
le pont Saint-Étienne.
C'est dans ce petit sentier, alors que nous
venions de faire une petite erreur de parcours, que nous avons vite corrigée,
car elle nous menait à une impasse – il n'y avait aucun risque de grandes
balades hors chemin –, que nous avons vu Alain, Core et Ole, nos amis d'hier
soir, revenir sur nous, à grands pas. Ils ont traversé devant nous le pont
Saint-Etienne sur la Vienne (voir photo). C'est avec eux que
nous avons fait la toute dernière partie de cette étape : le balisage est
net dans ce quartier de la vieille ville, et par de petites rues très pentues
nous sommes arrivés sur la place de la cathédrale.
Ces trois-là qui paraissaient en recherche d'un gîte (voir photo) ont opté pour
un autre hébergement que le nôtre puisque nous ne les avons plus revus jusqu'au
soir – la ville de Limoges en compte pas mal dans ce domaine. Nous ne nous
sommes pas concertés sur ce point ; chaque pèlerin cultive sa liberté de
construire son propre chemin.
Nous avons dû attendre un peu avant
d'aller nous installer dans le gîte des religieuses, qui se trouve justement
sur cette place. Il nous fut répondu que la sœur responsable était occupée mais
qu'elle n'allait pas tarder à nous recevoir.
Un
gîte paradisiaque :
Dieu que ces vieux bâtiments sont
bien aménagés ! Par un escalier très étroit, en spirale, la sœur
responsable de l'hébergement, sobre dans ses gestes et dans ses mots, nous a
conduits au 2e étage : des chambres sur notre gauche en y
arrivant, et, à droite, les sanitaires et une salle à manger avec une partie
pour petite cuisine. Tout est propre et bien.
Nous savions que l'essentiel du
temps dont nous disposions avant la nuit devait être consacré à la cathédrale,
au jardin de l'évêché, et ensuite à un restaurant, sur une petite place non
loin de notre gîte. Il n'était pas question d'entreprendre une visite plus
large de cette grande ville qu'est Limoges. Il y a tellement de lieux sur les
différents chemins que j'ai empruntés où je me suis dit que je me devais d'y
revenir un jour...
La
visite de la cathédrale et des jardins de l'évêché :
C'est comme toutes les cathédrales
que j'ai visitées sur les chemins de Compostelle, que ce soit en France ou en
Espagne ; lors d'une visite, seuls quelques éléments sont saisis et
appréciés, et le sentiment qui prime est la grandeur des bâtiments qui
ressemblent à de gigantesques navires destinés à traverser l'infini du temps,
qui dominent les territoires aux alentours, et qui montrent ainsi que l'homme
n'est pas grand-chose dans l'univers. Impossible alors de ne pas faire
référence à Dieu, un mot qui il est vrai n'est pas souvent prononcé sur les
chemins. Le domaine réservé de beaucoup de pèlerins. (Voir photo, photo et photo)
Dans cette partie déjà faite de la
voie de Vézelay, la cathédrale de Bourges m'a semblé bien plus imposante ;
mais ici, l'ensemble de la place, par sa situation géographique, avec tous les
bâtiments de l'évêché et des jardins, est tout à fait extraordinaire.
L'entretien de tout ce cadre doit demander beaucoup de moyens, d'énergie, de
persévérance !
J'avais de la chance, Françoise
connaissait les lieux ; et c'est elle qui m'a présenté l'espace jardin (voir la photo) – nous avons fait juste une petite entrée dans le musée des
Beaux-Arts, de l'autre côté de la cathédrale, nous n'avions pu que jeter un œil
à l'accueil, les autres salles étant fermées.
Un
assez bon dîner, mais un petit énervement au restaurant :
Le soir, nous avons fait un assez
bon dîner ; nous avons mangé en plein air. Toutes les tables sont sur
cette petite place, c'est aussi plus ou moins le cas pour les autres établissements
en ce lieu.
Il faisait bon, il faisait encore
jour, et nous étions les seuls à demander à être servis à cette heure. La bonne
surprise fut que la serveuse n'y a vu d'emblée aucun inconvénient. Mais à la
fin du repas, alors que j'avais commandé un verre de vin supplémentaire, j'ai
eu la désagréable impression qu'il y avait comme une résistance dans le service
– j'ai dû insister pour l'avoir.
J'ai déjà eu l'occasion de mettre
l'accent auprès d'enseignants de LEP Hôtellerie, et de certains responsables
d'établissements dans ce domaine, de l'importance à faire passer un principe de
base à leurs élèves : c'est le client qui est roi, et ce quel que soit le
lieu, y compris sur les grandes places touristiques ! Un consommateur,
fût-il déguisé en pèlerin, et sans qu'il y eût le moindre comportement pouvant
troubler en quoi que ce soit la quiétude d'un lieu public, devrait pouvoir
manger normalement, dans le respect de ce principe.
Il en a été de même pour payer le
repas : j'ai dû aller le faire à la caisse, près du bar, à l'intérieur du
bâtiment ; et je me suis alors permis une remarque au caissier : si
vous ne voulez pas de mon argent, je n'y vois aucun inconvénient. Sur un ton
mesuré, mais ferme. Il n'y a eu aucune réponse de sa part. Mais, si j'étais
simple touriste, avec certains de mes amis, et donc en dehors du chemin de
Compostelle, je crois qu'il y aurait eu une autre tonalité à l'ambiance de ces
moments.
Ce que je n'ai peut-être pas saisi,
c'est qu'il y a eu entre-temps un changement dans le service, et que la
nouvelle équipe était assez lente au démarrage. Mais je reste persuadé, qu'en
toutes circonstances, ce n'est pas au client de s'adapter, c'est au service de
la maison à le faire. Pour ces personnels, une question de métier ; en aucun
cas, une atteinte à la dignité des travailleurs. Et cela vaut dans le privé
comme dans le public.
Ce qui est extraordinaire, et qui a
effacé ce mauvais souvenir, c'est que j'ai eu l'occasion 4 jours plus tard,
dans ma 21e étape, à Sorges, de me retrouver dans une situation
totalement à l'opposé – j'aurai donc l'occasion d'en reparler dans les détails
– et où dans un restaurant, j'avais presque envie de dire : c'est bon, ne
vous occupez pas de moi, ça va très bien ! Et dans un cadre que je n'avais
vraiment pas choisi !
Mais Françoise et moi avions quand
même bien mangé, et nous avons regagné notre gîte alors qu'il ne faisait pas
encore complètement noir. Je voulais surtout passer une bonne nuit, car une
longue étape m'attendait le lendemain, près de 29 km pour aller à Flavignac.
Quant à Françoise, elle devait décrocher à 6 km de ce but, à
Saint-Martin-le-Vieux où Jojo l'attendait ; il est vrai qu'elle avait déjà
programmé un autre temps dans sa mission d'hospitalière sur la voie du Puy.
L'église,
et l'enfer ?
Rien ne laissait présager que la
nuit allait être difficile ; les conditions de logement étaient parfaites,
et, pourtant je n'ai pas beaucoup dormi.
J'ai été réveillé par la chaleur
épouvantable qui régnait dans la chambre. Il n'y avait qu'une explication à mes
yeux : tout cet espace avec la cathédrale, les dallages de la grande place
et les pans des murs aux alentours, est en granite, et la roche la nuit
restitue la chaleur emmagasinée pendant la journée, et ce d'autant que le
soleil avait bien brillé. À un moment donné je suis allé ouvrir la fenêtre,
mais elle était déjà entrebâillée. Il a fallu patienter, faire de petits
exercices respiratoires et attendre que le sommeil revienne. Je pense m'être
reposé un peu quand vers les 3-4 heures du matin, j'ai été à nouveau réveillé
par de gros éclats de voix venant de la place de la cathédrale – la fenêtre de
la chambre donne sur cette place. Cette grande boîte en granite
est aussi une bonne caisse de résonance : des jeunes, et aussi des clochards
– à en juger par le ton des voix et les échanges –, se disputaient à haute
voix, se battaient peut-être, sans doute pour une question de territoire, de
liberté, et il n'était pas possible de s'isoler de tout ce tintamarre à cause
de la chaleur. Ces beaux jardins de l'évêché doivent être un excellent lieu de
rendez-vous pour toutes sortes de noctambules, des fêtards de tous acabits aux
SDF. Mais qu'est-ce que cela doit être un week-end en plein été ?
Mais je ne suis pas allé jusqu'à
penser que le bon Dieu, dans son infinie sagesse, avait caché l'enfer tout près
de l'église. J'ai réussi quand même à filtrer à peu près ce bruit, à retrouver
un petit sommeil ; j'aime à croire que les prières de Françoise en ont été
pour quelque chose. Elle est pratiquante, si j'en juge par une attitude sereine
et constante : À l'abbaye de Sarrance en 2 013, dans la vallée d'Aspe, sur
la voie d'Arles, elle était la seule à assister à la messe ; ici, à
Limoges, elle est allée s'asseoir non loin de l'autel, pour prier aussi. Sans sa présence, je me serais peut-être retrouvé aux portes de... Plus
sérieusement, nous n'avons jamais discuté religion, c'est d'ailleurs un sujet
qui reste le plus souvent dans le for intérieur de la plupart des pèlerins.