mardi 29 octobre 2019


Étape 17 : Limoges, 23 km.

Photo : La cathédrale Saint-Etienne à Limoges.



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Résumé de l'étape :

            Nous sommes toujours dans le département de la Vienne, et le but du jour est la cathédrale Saint-Etienne à Limoges que les pèlerins atteignent après avoir traversé le petit pont historique sur la Vienne ; cette rivière est l'un des principaux affluents de la Loire. Ici, cette dénomination de « via  Lemovicensis » s'éclaire : Limoges est en effet un point important sur le chemin vers Saint-Jean-Pied-de-Port, point de départ du Camino Francés qui mène à Santiago de Compostelle.

            La réservation ayant été faite par téléphone la veille, Françoise et moi étions à L'accueil des Soeurs de Saint François, 1 place de l'Évêché, tout près de la cathédrale (voir photo).

            Cette étape, après une première moitié dans la belle campagne limousine, est caractérisée dans sa deuxième moitié par un long cheminement en pleine agglomération ; elle s'est révélée finalement moins embêtante, à considérer les inconvénients de circulation que laissait entendre mon livre guide.   La petite zone aménagée sur une rive de la rivière à l'approche de l'arrivée, d'où une vue montante permet de découvrir d'un coup la cathédrale qui domine le paysage, fut même des plus agréables.

Le déroulement de l'étape :

            Pour quitter la place de la collégiale de Saint-Léonard-de-Noblat, nous avons pris la rue qui passe contre le bâtiment où se trouve notre gîte. Et un peu plus bas nous avons hésité sur le point de franchissement de la Vienne. Nous avons fait une partie d'une grande rue périphérique et il nous a fallu revenir sur nos pas. Nous sommes passés ensuite sur le D 941, puis sur la D 65. Après le hameau de Lafont, nous avons pris la direction d'Aureil, et plus loin tourné à gauche pour monter une route très pentue. Elle passe devant une école toute neuve que j'ai trouvée bien silencieuse.  Ce fut ensuite une petite halte à l'église d'Aureil où nous avons revu Jean-François – il avait choisi un itinéraire qui évite Limoges, d'ailleurs nous ne devions plus le revoir au cours de cette étape puisque sa destination était Solignac. Après l'église, nous avons continué à monter en passant près du château du village, d'un aspect quelconque vu de l'extérieur, nous n'avions pas non plus cherché à le visiter.

Au sommet, nous avons pris un charmant petit chemin dans les bois, où au départ des aménagements ont été faits. C'est une voie empruntée depuis toujours : présence d'une croix très ancienne, d'une fontaine et d'une grosse pierre résultat de fouilles. Plus haut, ce chemin nous a permis de rejoindre la D 979, la dernière partie étant assez pentue. Nous avons pris ensuite la direction de Laubaudie

            Plus loin, nous sommes sortis de la campagne où nous avons traversé des petits hameaux, et nous avons débouché tout d'un coup dans une zone urbanisée. Nous étions à Feytiat. Nous avons eu alors quelques hésitations : le balisage étant à cet endroit plus que léger, j'ai dû sortir mon livre afin de serrer de près ses indications.

            Et de rond-point en rond-point, nous avons fini par atteindre la grande route qui descend vers Limoges. Beaucoup de circulation, beaucoup de bruit, mais le trottoir est sécurisé, à quelques passages de rond-point près où il faut redoubler de vigilance (voir la photo).

            En suivant le balisage, nous avons quitté cette grande voie pour cheminer dans un petit bois sur les pentes qui mènent à la vallée de la Vienne, et ainsi nous avons rejoint un chemin de promenade bien aménagé sur la rive de cette rivière que nous avons franchie par le pont Saint-Étienne.
C'est dans ce petit sentier, alors que nous venions de faire une petite erreur de parcours, que nous avons vite corrigée, car elle nous menait à une impasse – il n'y avait aucun risque de grandes balades hors chemin –, que nous avons vu Alain, Core et Ole, nos amis d'hier soir, revenir sur nous, à grands pas. Ils ont traversé devant nous le pont Saint-Etienne sur la Vienne (voir photo). C'est avec eux que nous avons fait la toute dernière partie de cette étape : le balisage est net dans ce quartier de la vieille ville, et par de petites rues très pentues nous sommes arrivés sur la place de la cathédrale. Ces trois-là qui paraissaient en recherche d'un gîte (voir photo) ont opté pour un autre hébergement que le nôtre puisque nous ne les avons plus revus jusqu'au soir – la ville de Limoges en compte pas mal dans ce domaine. Nous ne nous sommes pas concertés sur ce point ; chaque pèlerin cultive sa liberté de construire son propre chemin.

            Nous avons dû attendre un peu avant d'aller nous installer dans le gîte des religieuses, qui se trouve justement sur cette place. Il nous fut répondu que la sœur responsable était occupée mais qu'elle n'allait pas tarder à nous recevoir.

Un gîte paradisiaque :

            Dieu que ces vieux bâtiments sont bien aménagés ! Par un escalier très étroit, en spirale, la sœur responsable de l'hébergement, sobre dans ses gestes et dans ses mots, nous a conduits au 2e étage : des chambres sur notre gauche en y arrivant, et, à droite, les sanitaires et une salle à manger avec une partie pour petite cuisine. Tout est propre et bien.

            Nous savions que l'essentiel du temps dont nous disposions avant la nuit devait être consacré à la cathédrale, au jardin de l'évêché, et ensuite à un restaurant, sur une petite place non loin de notre gîte. Il n'était pas question d'entreprendre une visite plus large de cette grande ville qu'est Limoges. Il y a tellement de lieux sur les différents chemins que j'ai empruntés où je me suis dit que je me devais d'y revenir un jour...

La visite de la cathédrale et des jardins de l'évêché :

            C'est comme toutes les cathédrales que j'ai visitées sur les chemins de Compostelle, que ce soit en France ou en Espagne ; lors d'une visite, seuls quelques éléments sont saisis et appréciés, et le sentiment qui prime est la grandeur des bâtiments qui ressemblent à de gigantesques navires destinés à traverser l'infini du temps, qui dominent les territoires aux alentours, et qui montrent ainsi que l'homme n'est pas grand-chose dans l'univers. Impossible alors de ne pas faire référence à Dieu, un mot qui il est vrai n'est pas souvent prononcé sur les chemins. Le domaine réservé de beaucoup de pèlerins. (Voir photo, photo et photo)

            Dans cette partie déjà faite de la voie de Vézelay, la cathédrale de Bourges m'a semblé bien plus imposante ; mais ici, l'ensemble de la place, par sa situation géographique, avec tous les bâtiments de l'évêché et des jardins, est tout à fait extraordinaire. L'entretien de tout ce cadre doit demander beaucoup de moyens, d'énergie, de persévérance !

            J'avais de la chance, Françoise connaissait les lieux ; et c'est elle qui m'a présenté l'espace jardin (voir la photo) – nous avons fait juste une petite entrée dans le musée des Beaux-Arts, de l'autre côté de la cathédrale, nous n'avions pu que jeter un œil à l'accueil, les autres salles étant fermées.

Un assez bon dîner, mais un petit énervement au restaurant :

            Le soir, nous avons fait un assez bon dîner ; nous avons mangé en plein air. Toutes les tables sont sur cette petite place, c'est aussi plus ou moins le cas pour les autres établissements en ce lieu.

            Il faisait bon, il faisait encore jour, et nous étions les seuls à demander à être servis à cette heure. La bonne surprise fut que la serveuse n'y a vu d'emblée aucun inconvénient. Mais à la fin du repas, alors que j'avais commandé un verre de vin supplémentaire, j'ai eu la désagréable impression qu'il y avait comme une résistance dans le service – j'ai dû insister pour l'avoir.

            J'ai déjà eu l'occasion de mettre l'accent auprès d'enseignants de LEP Hôtellerie, et de certains responsables d'établissements dans ce domaine, de l'importance à faire passer un principe de base à leurs élèves : c'est le client qui est roi, et ce quel que soit le lieu, y compris sur les grandes places touristiques ! Un consommateur, fût-il déguisé en pèlerin, et sans qu'il y eût le moindre comportement pouvant troubler en quoi que ce soit la quiétude d'un lieu public, devrait pouvoir manger normalement, dans le respect de ce principe.

            Il en a été de même pour payer le repas : j'ai dû aller le faire à la caisse, près du bar, à l'intérieur du bâtiment ; et je me suis alors permis une remarque au caissier : si vous ne voulez pas de mon argent, je n'y vois aucun inconvénient. Sur un ton mesuré, mais ferme. Il n'y a eu aucune réponse de sa part. Mais, si j'étais simple touriste, avec certains de mes amis, et donc en dehors du chemin de Compostelle, je crois qu'il y aurait eu une autre tonalité à l'ambiance de ces moments.

            Ce que je n'ai peut-être pas saisi, c'est qu'il y a eu entre-temps un changement dans le service, et que la nouvelle équipe était assez lente au démarrage. Mais je reste persuadé, qu'en toutes circonstances, ce n'est pas au client de s'adapter, c'est au service de la maison à le faire. Pour ces personnels, une question de métier ; en aucun cas, une atteinte à la dignité des travailleurs. Et cela vaut dans le privé comme dans le public.

            Ce qui est extraordinaire, et qui a effacé ce mauvais souvenir, c'est que j'ai eu l'occasion 4 jours plus tard, dans ma 21e étape, à Sorges, de me retrouver dans une situation totalement à l'opposé – j'aurai donc l'occasion d'en reparler dans les détails – et où dans un restaurant, j'avais presque envie de dire : c'est bon, ne vous occupez pas de moi, ça va très bien ! Et dans un cadre que je n'avais vraiment pas choisi !

            Mais Françoise et moi avions quand même bien mangé, et nous avons regagné notre gîte alors qu'il ne faisait pas encore complètement noir. Je voulais surtout passer une bonne nuit, car une longue étape m'attendait le lendemain, près de 29 km pour aller à Flavignac. Quant à Françoise, elle devait décrocher à 6 km de ce but, à Saint-Martin-le-Vieux où Jojo l'attendait ; il est vrai qu'elle avait déjà programmé un autre temps dans sa mission d'hospitalière sur la voie du Puy.

L'église, et l'enfer ?

            Rien ne laissait présager que la nuit allait être difficile ; les conditions de logement étaient parfaites, et, pourtant je n'ai pas beaucoup dormi.

            J'ai été réveillé par la chaleur épouvantable qui régnait dans la chambre. Il n'y avait qu'une explication à mes yeux : tout cet espace avec la cathédrale, les dallages de la grande place et les pans des murs aux alentours, est en granite, et la roche la nuit restitue la chaleur emmagasinée pendant la journée, et ce d'autant que le soleil avait bien brillé. À un moment donné je suis allé ouvrir la fenêtre, mais elle était déjà entrebâillée. Il a fallu patienter, faire de petits exercices respiratoires et attendre que le sommeil revienne. Je pense m'être reposé un peu quand vers les 3-4 heures du matin, j'ai été à nouveau réveillé par de gros éclats de voix venant de la place de la cathédrale – la fenêtre de la chambre donne sur cette place. Cette grande boîte en granite est aussi une bonne caisse de résonance : des jeunes, et aussi des clochards – à en juger par le ton des voix et les échanges –, se disputaient à haute voix, se battaient peut-être, sans doute pour une question de territoire, de liberté, et il n'était pas possible de s'isoler de tout ce tintamarre à cause de la chaleur. Ces beaux jardins de l'évêché doivent être un excellent lieu de rendez-vous pour toutes sortes de noctambules, des fêtards de tous acabits aux SDF. Mais qu'est-ce que cela doit être un week-end en plein été ?

            Mais je ne suis pas allé jusqu'à penser que le bon Dieu, dans son infinie sagesse, avait caché l'enfer tout près de l'église. J'ai réussi quand même à filtrer à peu près ce bruit, à retrouver un petit sommeil ; j'aime à croire que les prières de Françoise en ont été pour quelque chose. Elle est pratiquante, si j'en juge par une attitude sereine et constante : À l'abbaye de Sarrance en 2 013, dans la vallée d'Aspe, sur la voie d'Arles, elle était la seule à assister à la messe ; ici, à Limoges, elle est allée s'asseoir non loin de l'autel, pour prier aussi. Sans sa présence, je me serais peut-être retrouvé aux portes de... Plus sérieusement, nous n'avons jamais discuté religion, c'est d'ailleurs un sujet qui reste le plus souvent dans le for intérieur de la plupart des pèlerins.