Étape 7 : Los Arcos - Logroño,
Mardi 06 mai 2 014, ~ 29 km
Photo :
le pont sur le Rio Odrón, à l’arrivée
Résumé de l'étape :
Durant toute cette étape, le marcheur comprend assez
vite que le chemin tourne autour de la N-111, et ce quelle que soit la configuration
du terrain.
Dans une première partie, une fois hors de
l'agglomération de Los Arcos, ce sont de longues lignes droites à travers les
champs de blé qui attendent les pèlerins, ce qui est bien supportable de bon
matin, le capital en énergie est encore à un bon niveau ; mais c'est la
deuxième partie qui est fatigante, en raison de la succession de descente et
montée sur une distance aussi grande que la première ; en revanche, j'ai
été à l'aise dans la descente vers Logroño, un esprit de curiosité m'animait
alors : j'attendais en effet cette entrée dans la ville de Logroño qui
m'avait marqué en 2 011, et j'avais hâte de confronter ma mémoire avec le réel
qui allait se retrouver devant mes yeux.
Un point intermédiaire attendu : Viana, la
dernière ville de la Navarre sur le chemin.
Voir photo à l’approche de Viana.
Au gîte de Los Arcos, la nuit a été bonne : pas
de ronfleurs, pas de bruit général de réveil dans le dortoir, et pas de file
aux sanitaires.
À 6 heures, mon paquetage était prêt et j'avais enfilé
mes vêtements de marche. Je me suis rendu dans la partie où le petit déjeuner
attendait les marcheurs. Tout était sur une grande table, et il y avait de quoi
bien se caler l'estomac. Chacun se servait : thé ou café, pain et divers
gâteaux, yaourt, beurre, fromage, confitures, etc. J'ai pris un peu de tout, et
je me suis même fait un 2e thé pour bien homogénéiser ce que j'avais pris.
Il faisait déjà clair quand j'ai pris la calle Mayor
pour me rendre à la Plaza Santa Maria. Je suis passé ensuite sous le porche et
j'ai franchi le pont sur le Rio Odrón. Je n'ai pas tardé à passer devant le
gîte municipal qui m'a paru très convenable, vu de l'extérieur en tout cas, et
j'ai continué tout naturellement dans les rues montantes.
Ce fut ensuite la longue traversée des champs de blé,
pour arriver à un point en hauteur dans les vignes. Les petits problèmes que
j'ai eus à ma cheville droite se sont effacés à l'échauffement, mais dans toute
la partie de dénivelés jusqu'à Viana, j'ai souffert d'une épaule et dû revoir
les ceintures de mon sac, et particulièrement celle qui barre la poitrine et
qui justement soulage les épaules quand le réglage est bien fait.
L'approche de Viana m'a paru longue, et le fait de
serpenter autour de la N-111 me gênait. J'avais hâte d'entrer dans cette ville
pour faire une petite pose et manger quelque chose après ces dix premiers
kilomètres. Ce n'est que plus loin, mais cette fois dans le Rioja, une région
connue pour son vin, après avoir franchi des guets dans des vallons, où j'ai
entendu mon premier coucou sur le chemin cette année, et sur la fin longée de
petits bâtiments en brique que je suis arrivé au pied de Viana, après avoir
traversé une nouvelle fois la N-111. Et je suis entré au centre de cette ville
après une petite grimpette.
Ce fut ensuite une série de dénivelés : montée,
plateau, et descente dans des vallons plantés de vignes ou d'oliviers, et cela
sur près de 10 km, en suivant la partie de cache-cache que le chemin livre à la
route nationale. Épuisant ! J'ai retrouvé un peu de tonus après avoir
mangé, debout, à la lisière d'un bois de conifères, une banane et une orange.
C'est à la fin de cette partie bosselée à souhait que
j'ai fait une rencontre inattendue. J'ai franchi une passerelle en bois, pris
une piste piétonnière et cyclable, et au moment où je finissais une descente
pour arriver sur un plat, j'ai vu quelqu'un assis sur un rocher la tête
baissée, en short et en savates, avec un tout petit sac sur le dos. Arrivé à sa
hauteur, je me suis rendu compte que c'était le sympathique Italien en face
duquel j'avais mangé dans le gîte à Puente la Reina. Il m'a tout de suite
reconnu, et, sans faire de discours, m'a désigné ses jambes où la région des
tibias était d'un rouge écrevisse. Ce n'était plus le même jeune homme ;
je voyais qu'il souffrait et je lui ai demandé comment il résistait. Il m'a dit
qu'il prenait des médicaments. Je ne pouvais rien faire d'autre. Je suis parti,
un peu remué ; et au bout de 50 m, je suis revenu sur mes pas, pour lui
dire : Si c'est une périostite, et ça en avait tout l'air, à côté des
anti-inflammatoires, il faut aussi faire des applications de glace à l'arrivée.
Il m'a répondu : je le fais déjà ! Et je suis reparti, en pensant à
ma cheville droite qui tenait le coup, mais qui de temps à autre m'avertissait
qu'une faiblesse persistait de ce côté-là.
Même après avoir aperçu des bâtiments d'une zone
industrielle, je trouvais que le point haut avant la descente sur Logroño se
faisait désirer, aussi j'ai mangé une petite poignée de raisins secs pour me
redonner un peu plus de tonus.
L'arrivée à Logroño :
Une fois au point haut, j'ai entamé la descente,
légère au départ, pour devenir plus pentue à l'approche de la ville. La route
est asphaltée, et il me semblait qu'elle ne l'était pas en 2 011. J'avais bien
dans ma mémoire quelques points de cette descente, mais dans la dernière partie
la réalité ne correspondait pas tout à fait à ce que je m'attendais : je
recherchais un bâtiment et une place où j'avais mangé, mais ce n'est que plus
tard que je me suis rendu compte que dans ma tête je m'étais trompé de fin
d'étape.
Le véritable changement fut de découvrir dans la plaine au bas de cette descente un vaste jardin en autogestion pour les habitants de la ville, alors qu'avant c'était un terrain vague rempli de hautes herbes.
Et ce fut l'arrivée sur la belle route, pour revoir le crématorium devant lequel j'ai failli, en 2 011, me faire renverser par une voiture : c'eût été en effet un comble et en même temps un avantage que de mourir à cet endroit étant donné, les dispositions que j'avais adressées à ma famille, qui stipulaient clairement qu'en cas de décès sur le chemin de Compostelle, il fallait me faire incinérer au plus près du lieu de l'accident – il n'empêche qu'en traversant à nouveau ces voies près de ce crématorium, j'ai pris toutes les précautions possibles (voir photo).
Mais, ce qui m'attendait encore cette année, c'était, 20 m plus loin, une cigogne qui était debout sur son fagot (voir photo), sur le même poteau qu'en 2 011), comme pour saluer mon arrivée – je n'irai pas jusqu'à dire que c'était le même oiseau, quoique cela ne soit pas impossible non plus. La nature, c'est aussi un éternel recommencement !
Tout juste à côté, j'ai traversé le grand pont, et
tourné à droite pour reprendre le chemin du gîte communal, que j'ai retrouvé
assez facilement.
Je m'étais dit depuis le départ que je n'avais pas à
faire de réservations pour les gîtes, et ce d'autant que mon découpage
correspondait à peu de chose près à celui de 2 011, et, que je voulais surtout
revoir fonctionner ce chemin que j'ai connu – si tant est que l'on puisse le
connaître vraiment ! - et essayer de me retrouver en meilleure position
pour observer les marcheurs dans ce système.
En terrain connu dans ce gîte :
Au bureau d'accueil, il y avait deux pèlerins devant
moi, et, comme l'hospitalier de service attribuait d'autorité un dortoir et un
lit numéroté à chaque pèlerin qui se présentait, je lui ai demandé autant que
possible un lit en bas ; et il a dû rectifier ce qu'il avait déjà écrit
pour me donner satisfaction. J'ai apprécié !
J'ai retrouvé dans ce gîte certaines têtes du flux
dans lequel je me trouvais jusqu'ici, mais il y en avait aussi des nouvelles,
espagnoles entre autres. Le gros paquet de Néerlandais avait disparu ; ces
derniers avaient sans doute choisi une autre albergue.
Dans ce dortoir, j'étais le 3e à s'installer à cette
heure, mais à mon retour du restaurant le soir, j'ai eu la surprise de
constater qu'il n'y avait plus de place libre, les Espagnols avaient débarqué
en force ; et il y en avait même des familles entières, à entendre les
incessantes interpellations entre eux.
Après mon installation, je suis allé à la redécouverte
de la ville, dans les environs de l'albergue, mais j'ai aussi poussé une pointe
plus loin – je n'ai pas réussi à retrouver le petit restaurant sympathique dans
lequel j'avais mangé en 2 011, aussi j'ai exploré d'autres quartiers de la
ville tout en plaçant des repères de façon à ne pas perdre du temps pour aller
dîner vers 19 heures.
À mon retour au gîte, j'ai fait comme d'habitude une
reconnaissance bien marquée, pour reprendre facilement le chemin le lendemain.
J'ai repéré des « précieuses » :
L'idée m'est venue vers 18H30 de demander à
l'hospitalier l'adresse d'un petit restaurant. Sans me dire un seul mot, il m'a
tendu un petit carton sur lequel un restaurant pour pèlerins est pointé dans
une ébauche de plan – j'avais déjà constaté que plusieurs responsables de gîte
en Espagne orientaient facilement les pèlerins vers telle ou telle gargote
généralement non loin de leur logement.
Je m'y suis retrouvé sur place en peu de temps, et,
entrant dans l'établissement, qui est au rez-de-chaussée d'un immeuble, par un
couloir qui longe la salle principale, j'ai remarqué tout de suite que trois
femmes et un homme qui discutaient à haute voix en français y étaient attablés.
Tout ce petit monde était bien habillé, aussi, moi qui me présentais en
pantacourt et en savates-deux-doigts, je me suis installé à une petite table
dans un coin de la partie attenante où se trouve le bar. Sur le moment, je les
ai pris pour des touristes, mais écoutant leurs conversations, j'ai vite
compris qu'ils étaient sur le chemin, et peut-être même que Logroño était leur point
de départ – à ceci près, si j'avais bien compris, que l'homme ne faisait
qu'accompagner les femmes, qu'il ne marchait pas, et pensait sans doute les
reprendre un peu plus loin. Me penchant pour les regarder un peu mieux à
travers des plantes vertes, il m'a semblé même après avoir entendu prononcer le
mot Réunion, reconnaître un visage. Mais j'ai vite mis tout cela sur le compte
de mon imagination. La parole était tenue particulièrement par les femmes, et
la forme et le fond de leurs propos m'ont tout de suite fait penser à des
« précieuses ».
Ces trois personnes ne pouvaient pas savoir que
j'étais un Français, car je n'ai pas prononcé en seul mot pendant tout le
repas, me contentant de désigner du doigt les plats que je commandais sur la
carte que me présentait le serveur. Quand je suis parti, un autre groupe est
entré dans le restaurant.
Ces précieuses, du moins deux d'entre elles, je les ai
revues dans plusieurs étapes ; et ce n'est que bien plus loin sur le
chemin, à Bercianos del Real Camino, dans des circonstances exceptionnelles que
j'ai pu parler à l’une d’entre elles, parce qu'elle avait perdu ses papiers et
son argent au départ le matin, et que j'ai participé, avec beaucoup d'autres, à
la recherche d'un petit sac qui contenait ces précieux documents.
Une conclusion : je dois mieux tronçonner chaque
étape, de façon à faire des pauses un peu plus grandes. Je me suis dit en
prenant mon lit le soir : demain, ce sera encore dur pour aller à Nájera,
une trentaine de bornes m'attendent. Je m'en inquiétais un peu, et je me
raisonnais aussi : après une semaine de marche, si j'arrivais à enchaîner
cette nouvelle grande étape sans problème, ce serait gagné pour la suite !