vendredi 9 septembre 2022

Étape 9 : Nájera – Santo Domingo de la Calzada, jeudi 08 mai 2 014, ~ 21 km

 Photo : La cathédrale de Santo Domingo de la Cazalda.



 Résumé de l'étape :

Dans cette étape de 21 Km, se présentent toutes les difficultés habituelles du chemin : ces longues lignes droites à travers des champs, dont certaines donnent une idée de la notion de l'infini (voir photo) et un entretien de cette nécessaire patience dans toutes les entreprises de la vie. Je suis le dernier du groupe, avec mon bâton en bois.

Et une montée bien prononcée dans la 2e moitié du parcours, là où il faut savoir modérer l'allure pour ne pas puiser dans les réserves et ménager tendons et articulations ; Et pour finir une belle descente qui fait toujours un peu mal, et qu'il faut donc savoir bien négocier.

 L'étape :

Un petit désordre intestinal dans la nuit, et je reste persuadé que la belle salade au restaurant y était pour quelque chose. Pourtant, au départ le matin, vers 6H, je me sentais bien ; et c'est presque dans le noir que j'ai repris le chemin qui démarre juste derrière l'albergue. Il monte tout de suite après les premières maisons, passe ensuite dans une forêt de conifères, pour redescendre dans les vignes.

J'avais décidé de marcher un peu vite, pour me tester, et surtout pour arriver rapidement à une cafétéria, de façon à prendre quelque chose de chaud, et à ne pas louper comme hier le premier point de restauration possible pour me retrouver dans l'obligation de marcher pendant des heures presque sans ravitaillement. Comme attendu, c'est à Azofra, où après avoir pris la rue principale, que je suis entré dans une cafétéria. Je me suis fait plaisir en buvant un jus d'orange nature et en mangeant une belle part de gâteau maison arrosée de deux tasses de thé.

Il y a une ambiance dans ces lieux où les pèlerins qui sont dans le même flux font une halte, et comme généralement il n'y a qu'un serveur ou une serveuse, l'important en y arrivant est de ne pas se faire « voler » son tour, d'être attentif, prêt à passer commande, et à trouver un coin de table pour manger. En effet, comme en tout temps et en tout lieu, il y a des gens qui ne se gênent pas : arrivés les derniers, surtout s'ils sont de grande taille, en se penchant par-dessus les têtes de ceux qui sont accoudés au bar, ils tentent de se faire servir rapidement, et ce d'autant que la concurrence se fait aussi avec d'autres clients de la région qui passent en ces lieux pour leur petit déjeuner avant de vaquer à leurs occupations. Mais tout finit par bien s'ordonner. La gestion du temps se fait aussi dans les bars et les restaurants.

Puis, après le reste de la traversée de ce village en descente, ce sont de longues lignes droites à travers les champs de blé qui attendent les pèlerins, où le vert à l'infini est toujours reposant, pour peu que le soleil ne cogne pas trop et que le vent ne pousse pas des tourbillons de poussière sur la piste, ce qui est fort désagréable.

Dans la 2e moitié du parcours, une longue et dure montée attend le pèlerin, et je n'ai pas hésité à m'arrêter dans une autre cafétéria, d'autant qu'il a fallu que je subisse toute une séquence de montagnes russes avant d'arriver au point le plus haut pour finalement d'entamer une longue descente pratiquement rectiligne vers Santo Domingo de la Calzada.

Ce qui retient l'attention à ce point le plus haut, après le passage près d'un super golf, c'est cette étrange ville de Cirueña où ses maisons, ses aires de jeu, ses routes sont étrangement désertes, un peu comme si l'anticipation de vouloir construire une ville à la campagne fût un peu trop brutale.

Et après avoir traversé une zone industrielle, ce fut l'arrivée par la c/Mayor de la vieille ville, et la redécouverte d'un refuge que j’ai déjà pratiqué.

Les vieux quartiers de Santo Domingo de la Calzada :

Je n'ai pas reconnu cette arrivée dans la Call Mayor, et j'ai même été surpris de voir qu'une file de sacs-à-dos commençait à se mettre en place devant les vieux murs de l'abbaye Cistercienne (voir photo).


L'explication est pourtant simple : en 2 011, pour la fête du Saint, tous ces quartiers étaient décorés, animés, et débordaient de familles endimanchées, qui s'amusaient sur les places et se promenaient dans les rues, alors qu'en ce jour tout était si calme et les rues pratiquement désertes (voir photo). J'ai un moment hésité sur le choix du gîte – c'est l'ancienne maison du Chapelain qui a été transformée en albergue –, car j'avais prévu d'aller dans celui qui est près de la cathédrale et du café-restaurant. Mais quand j'ai vu que la file de sacs ne faisait que s'allonger (voir photo et photo), que les arrivées se faisaient encore plus nombreuses et que ce gîte ne s'ouvrait qu'à midi alors qu'il n’était qu’un peu plus de 11 H, je m'étais dit, qu’étant en 4e position dans cette file le mieux était de rester sur place, au cas où là-bas tout serait déjà pris. Et même si je savais, quoique l'affluence des pèlerins en ce mois de mai soit importante, que la capacité d'accueil de Santo Domingo est en principe à la hauteur, dans tous les cas il y aura toujours une place pour caser un pèlerin hésitant. Mais je tenais aussi à revoir cet hébergement une 2e fois. Et je ne l'ai pas regretté ! Une petite préoccupation durant cette attente de l'ouverture : sans doute, à rester à pic devant les murs de ce refuge, et comme je ne m'étais pas suffisamment couvert, j'ai attrapé un léger froid. J'avais une petite toux sèche, et je me demandais si je devais l'attaquer tout de suite à l'aspirine. De ce côté-là aussi, il s'agit de bien gérer les inconvénients dans la durée, en misant principalement sur la récupération et la défense naturelle de l'organisme – j'étais à ma 9ème étape, il m'en restait 22, mais il ne fallait pas trop y penser, et je devais les prendre l'une après l'autre. « À chaque jour suffit sa peine ».

 Un bon vieux gîte :

Je me suis retrouvé à l'étage dans une chambre de 3X2 lits, mais celui qui est au-dessus du mien n'étant pas occupé, je l'ai utilisé, comme d'habitude, pour étendre et faire « respirer » mes affaires. À cet étage, il y a une salle de toilette avec une douche et un WC, mais c'est au rez-de-chaussée que se trouvent des équipements plus modernes et surtout une belle et spacieuse salle où il est possible de prendre un petit-déjeuner, de réchauffer un plat, de lire et d’écrire, et de recharger téléphone et autres appareils électriques – et elle donne sur une grande cour, où les dispositifs de séchage du linge sont suffisants. Donc, une vieille albergue qui fonctionne bien, et qui a un avantage : vu la disposition des différentes salles, l'impression du plein n'est pas perceptible.

Mes compagnons de la chambrée, Brésiliens, Italiens, Espagnols ont été la nuit d'une grande discrétion, et il en a été de même dans la chambrée d'à côté – le gros bataillon de Néerlandais était ailleurs. 

 Une petite visite de la ville : Après l'installation, je me devais de reprendre les bonnes habitudes : une petite visite de la ville et une reconnaissance pour partir demain s'imposaient. Et, bien entendu, il y eut un passage dans un restaurant-bar où j'ai pris un sandwich et une grande bière ; et pendant que je mangeais, j'ai vu un couple de Français arriver dans la rue, s'installer sur un banc à l'extérieur de l'établissement et commander une boisson – et je les entendais discuter sur les hébergements dans la ville en compulsant leur guide ; les deux n'avaient pas l'air pressé, puis ils ont disparu rapidement. Et je ne les ai jamais plus revus sur le chemin. Chacun son rythme, et le choix de ses étapes. C'est dans ce même restaurant que j'ai pris un bon dîner pèlerin.

Il y eut, naturellement, la petite balade sur la place de la cathédrale (voir photo, photo), célèbre pour s'attacher à un événement symbolique, marqué par une cage abritant un coq et une poule, en référence à la légende du pendu, dépendu. Voir la photo de Jean-Paul, un compagnon de route expérimenté.

 Un retour sur cette légende du pendu, dépendu vivant :

La cathédrale de Santo Domingo de la Calzada est un des passages incontournables sur le chemin de Compostelle, en raison, entre autres, du témoignage vivant de l'aide que le Saint apporte aux pèlerins. Mais aussi, et c'est ce qui sort de l'ordinaire dans cette église, de la présence de gallinacés blancs, gérée par des bénévoles de la Confrérie de Santo Domingo.

En effet, c'est un miracle qui a propagé le nom du Saint : un coq et une poule après avoir été cuisinés ont chanté. Un document daté de 1 350 dans les archives de la cathédrale le confirme, si tant est que l'on puisse être de plain-pied dans le champ de la vérité historique. Croire vient avant vérifier, et peut parfois suffire, et même s'imposer. Voir photo: D’où le déguisement proposé aux visiteurs – ici un compagnon du groupe, Jean-Paul, un excellent marcheur. 

Les faits rapportés : un couple d'Allemands et leur fils en route pour Santiago de Compostelle firent une halte dans cette ville. La fille de l'Auberge où ils ont passé la nuit tomba amoureuse du jeune homme qui resta indifférent à ses avances ; cette dernière pour venger l'affront plaça dans les affaires du jeune homme une coupe en argent. Accusé d'être un voleur, il fut jugé, condamné et pendu. Au retour du pèlerinage, les parents découvrirent que leur fils en suspend était toujours vivant ; et le pendu leur déclara même qu'il était sous la protection du Saint. Ils en informèrent le juge de la situation, qui exprima son incrédulité en s’écriant : "Il doit être aussi vivant que le coq et la poule qui rôtissent à la cuisine". Et ils assistèrent alors au miracle : instantanément, les deux volailles se redressèrent, se couvrirent de plumes et se mirent à chanter. C'est ainsi, pour rappeler ces événements, qu'un coq et une poule sont présents dans cette cathédrale consacrée au Saint, un moine bénédictin, Saint-Dominique de la Chaussée, qui au Xe siècle fut connu pour ses constructions, ponts, églises, et hôtelleries destinées aux pèlerins.