Publication
4 : mardi 30 juillet 2 019
Étape
1 : Tannay,
22 km : dimanche 17 mai 2 015
Photo: l'église de Tannay
Un
premier contact rassurant avec le chemin :
Il était plus de 9 h quand je
suis sorti de la cathédrale. Je n'étais plus pressé, j'étais serein, et il
faisait beau. Je n'ai plus senti la présence des autres pèlerins quand j'ai
descendu la rue Saint-Pierre. Les contractures aux cuisses ne m'alarmaient pas.
À l'échauffement, il y avait toutes les chances pour qu'elles disparaissent.
Après avoir passé la porte de
Vézelay, et tourné à gauche sur la départementale, j'ai rapidement retrouvé la
bifurcation pour la voie de Bourges que j’avais reconnue la veille, et un peu
plus loin la gendarmerie et la stèle tout à côté. Les balises de Vézelay m'ont
paru un peu trop petites à mon goût, même si la pointe du triangle jaune
indiquant la direction se détache bien du fond bleu portant la balise
européenne. Et ce d'autant que j'allais me rendre
rapidement compte qu'elles étaient rares sur bien des tronçons, et que le
balisage Vézelay ignore le « tourne à gauche », le « tourne à
droite » (j'en ai vu qu'un seul sur tout le chemin), et aussi la croix qui
interdit de prendre telle ou telle branche à une intersection. Sans compter le
manque criant de balises de confirmation qui rassurent lorsqu'il n'y a pas
d'intersection sur une très longue distance. Une question d'économie pour
l'association qui s'en occupe ?
Ainsi, avant d'arriver au petit
transformateur électrique, point de repère du guide « Lepère », pour ce
qui est du calvaire qui se trouve sur une hauteur, il aurait été mieux de
placer une croix pour écarter le chemin qui y monte.
Dans la traversée du bois de Molay,
en attendant un château d'eau signalé dans le guide, quelques petites balises auraient
permis de rassurer le pèlerin pour lui signifier qu'il est toujours sur le
chemin. Qui dit château d'eau dit structure en hauteur, et surtout la proximité
d'une agglomération ! Et ce quelle que soit son importance, mais celui-là
tardait à se faire voir. Et ce d'autant que ce repère est complètement
dissimulé dans la végétation sur la droite du chemin, et qu'en aucune façon il
peut être visible de loin.
Des
ornières profondes remplies de boue :
Et pourtant, dans la 2e forêt, dans
la continuité du chemin, j'ai rencontré de larges ornières remplies d'eau
boueuse, creusées sans doute à la suite de fréquents passages de gros engins
travaillant dans cette forêt ; et sans doute aussi en raison de
l'imperméabilité du terrain à cet endroit. Il n'y avait pas seulement quelques
points délicats à négocier : à un moment, j'ai dû quitter la piste pour
tracer sur une longue distance mon propre chemin, et la présence de plantes
épineuses dans les environs immédiats m'obligea même à m'éloigner un peu plus
encore. La vigilance était de rigueur si je voulais rester dans la direction
générale du chemin.
Puis j'ai dû quitter cette piste qui
continue dans une partie de cette forêt annoncée comme privée, pour tourner à
droite le long d'une clôture, et qui débouche sur un autre chemin que mon guide
conseille de prendre à gauche – ce qui n'était pas évident sur le
terrain : j'ai un temps hésité, mais en y regardant de près dans un des
angles d'un poteau, j'ai déniché une petite balise qui indique bien cette
direction. Guy, un pèlerin que j'ai rencontré bien plus loin sur ce Vézelay,
qui avait pris à droite, me raconta le temps qu'il lui a fallu pour rétablir la
situation dans cette partie.
Une
sortie surprenante de la zone des forêts :
J'ai continué sur des portions où je
n'étais pas sûr du tout du bon chemin, pour débarquer sur une route bitumée, et
je suis entré ensuite dans la forêt de Maulay. Je suis arrivé à un carrefour où
il n'y avait pas de balise et, après vérification des différentes branches,
j'ai fini par en trouver une cachée dans les arbres et bien loin de
l'intersection. Un « tourne à droite » préventif et des croix au
départ des branches à ne pas prendre m'auraient fait gagner du temps et plus
d'assurance pour la suite.
Je suis parvenu enfin à la lisière
de cette forêt, mais au bord d'une presque dépression géologique : il
fallait descendre dans un chemin à travers les bois pour atteindre tout à fait
en bas une vaste plaine cultivée et la D165. Ce fut alors ma première halte, où
j'ai pris le temps de manger un petit quelque chose avant de me diriger vers le
village de Maison-Dieu.
Une
première vraie difficulté sur le chemin :
Après l'église de ce village, au
carrefour, je ne me suis pas engagé sur cette D165 qui invitait à aller vers
Metz-le-Comte et Tannay, j'ai suivi un balisage qui emmenait les pèlerins dans
des champs.
Le passage dans ces champs fut assez
long, et je suis arrivé ensuite sur une autre départementale, la D280. La route
serpente dans le paysage et la pente devient même assez forte au bout d'un
moment.
Il n'y avait plus de balise, de
quelque nature que ce soit, à l'approche de Metz-le-Comte, je suis revenu sur
mes pas, car je me souvenais qu'au bas de la partie la plus pentue, une vieille
pancarte métallique portant à la fois les couleurs du GR et l'inscription
Compostelle de Vézelay invitait à tourner à droite dans les champs.
Au début, ce chemin de randonnée est
large, acceptable, mais il se rétrécit vite pour devenir juste praticable, car
envahi par de hautes herbes ; ayant déjà écarté l'autre possibilité, j'ai
continué en devinant parfois le passage, me retrouvant à un moment entre deux
petits canaux d'irrigation au point de mouiller complètement mes chaussures,
car l'eau suintait de partout ; et, comme le dit mon guide, j'ai fini par
atterrir sur la départementale D985, qui est à flanc de colline, le long de
la vallée de l'Yonne. Je devais
retrouver en face du point d'arrivée sur cette départementale une petite route
qui mène au fond de cette vallée pour justement franchir l'Yonne. Eh bien, de
petite route en face, il n'y en avait pas !
Vraisemblablement, je n'étais pas au
bon point de chute sur cette départementale, et je décidais de prospecter sur
une distance de 100 m de chaque côté de mon point d'atterrissage. Toujours rien !
Il fallait donc élargir la reconnaissance ; je décidais d'arrêter une
voiture – il n'y en avait pas beaucoup qui circulaient sur cette petite route
en ce dimanche. Ce n'est qu'au bout du 3e essai qu'une voiture s'arrêta. À
bord, des gens bien habillés, sympathiques, qui vraisemblablement devaient
aller à une cérémonie ou à une fête, m'ont dit que la fameuse petite route que
je cherchais était un peu plus loin... sur ma droite.
La
petite vallée de l'Yonne :
J'ai avalé rapidement cette petite
route pour passer deux ponts et me retrouver sur le canal du Nivernais, et là
j'ai rencontré encore des problèmes de balisage. Il y avait une belle aire de
pique-nique et de bons équipements, je me suis dit que le mieux était de manger
un bon morceau tout en étudiant la situation, selon que je choisissais de
passer par Asnois ou de suivre le canal. Il se trouve qu'un groupe important de
gens y faisait la fête, et, en prenant toutes mes précautions, j'ai abordé
quelques-uns de ces pique-niqueurs pour me renseigner. Les explications que
j'ai reçues étaient simples : pour Tannay, il suffit de remonter le canal
et à l'écluse après le pont de l'Âne, prendre la route à droite et monter sur
la colline. Réflexion faite, et après avoir consulté mon guide, si j'avais fait
les départementales en passant par Metz-le Comte, j'aurais gagné beaucoup de
temps, mais je me suis tenu au chemin classique. Ce n'est que les jours
suivants que j'ai compris que lorsque « Compostelle » disparaît par
manque de balises, c'est le GR qui prend de facto la relève, mais sans qu'il y
ait eu auparavant la moindre collaboration entre les associations de
Compostelle et la FFRP. Qui prend la relève ? Mais parfois pour balader le
pèlerin dans la campagne !
Le
reposant canal du Nivernais :
Je suis reparti ensuite en longeant
le canal du Nivernais. Presque plat et donc reposant, surtout avec l'eau à
proximité. Le côté désagréable : la couleur jaune verte de l'eau, sans doute en raison des pluies les jours précédents. Mais, un peu
plus loin, au pont de l'âne, j'ai voulu vérifier la bonne direction, aussi j’ai
interrogé un homme qui manœuvrait son bateau sur le canal, mais c'était un
étranger qui ne connaissait pas grand-chose à la région. Un autre, un peu plus
loin sur le canal, me le confirma. À la 2e écluse, je suis arrivé à une
intersection avec la départementale qui monte à Tannay. Après le passage d'une
voie ferrée, le GR voulait me faire passer par un chemin en terre dans des
bois, sans doute pour m'éviter des longueurs. Je ne l'ai pas pris, car j'en
avais assez de la boue pour aujourd'hui. J'ai donc suivi la départementale, et
j'ai atteint mon but !
Enfin,
une bonne nuit !
Après
la douche, je suis descendu au bar de l'établissement, au rez-de-chaussée, pour
prendre une « pression », que j'ai appréciée après ces efforts et ces
appréhensions, et pour obtenir pour le code wi-fi de la maison, de façon à
faire des économies de connexion Internet sur mon portable, le coût du roaming
étant conséquent.
Puis je suis allé faire un tour dans
Tannay, afin de prendre les habituelles photos à l'arrivée d'une étape et de
faire une petite reconnaissance du chemin. Il importe de quitter la ville
facilement le lendemain. C'est au cours de cette petite balade que j'ai vu
arriver deux pèlerins qui me semblaient hésitants quant à la suite de leur
journée, et que j'ai abordés – c’est d’ailleurs le lendemain que j’ai commencé
à cerner la réalité de ces hésitations. Ils cherchaient un point de chute. Je
leur ai dit tout simplement que j'étais à tel endroit, tout près, et que,
vraisemblablement, il y avait encore de la place. Je les ai retrouvés le soir
au restaurant de l'établissement.
Le dîner était prévu pour 20H, mais,
par habitude, je me suis pointé vers 19H45. Bien des convives étaient déjà
installés dans la salle du restaurant, y compris les deux pèlerins rencontrés
l'après-midi. La responsable me montra une table, mais passant devant celle des
deux pèlerins, je leur ai demandé simplement si je pouvais dîner avec eux, ce
qu'ils ont accepté d'emblée – je me devais d’aller vers eux, pour moi-même. La
question des commandes fut rapidement résolue, il n'y avait guère de
choix : c'était un repas assez léger en somme : soupe, poissons,
dessert. Après des présentations détaillées, nous avons échangé sur les
motivations qui nous avaient amenés là. Avec des expérimentés du chemin, le
courant passe vite, l’essentiel est vite ciblé. J’avais cependant remarqué que
si la dame avait la parole relativement facile, l’homme était bien réservé.
Tous les deux semblaient prendre à plaisir à rester à table.
Ce fut un grand moment de détente.
J'étais bien ; les heures à venir ne pouvaient être qu'apaisantes. J'avais
du sommeil à rattraper après une nuit dans l'avion et la suivante dans un
dortoir où un gros ronfleur avait assuré la sonorisation.