dimanche 20 octobre 2019


Étape 16 : Saint-Léonard-de-Noblat.


Photo : J'arrive à Saint-Léonard-de-Noblat.


Résumé de l'étape :

            Une belle petite étape en Haute-Vienne, par beau temps. Et d'autant que le paysage est moins vallonné que dans la Creuse, mais avec quand même quelques casse-pattes. J'ai aussi retenu une montée des plus boueuses en forêt dans la matinée.

            Saint-Léonard est une petite cité religieuse. J'étais au refuge, situé au centre bourg, et à côté de la collégiale où se trouvent les reliques du saint. J'y ai passé de bons moments avec des pèlerins rencontrés lors des étapes précédentes.

Françoise et Jojo, au rendez-vous :

            J'étais le premier réveillé, et j'ai pris mon petit-déjeuner tout seul : La responsable du gîte avait posé sur une table dans la salle d'accueil tout le nécessaire : une bouilloire électrique, du thé, des biscuits, du sucre, du beurre et de la confiture, etc. J'avais rendez-vous avec Françoise, la pèlerine, à 7H30, mais j'ai eu un peu de retard parce que j'ai dû attendre qu'Alain descende de sa chambre pour lui remettre la solution d'arnica qu'il m'avait prêtée à Bénévent-l'Abbaye. Ce n'est qu'à 7H45, que j'ai passé la porte du gîte pour aller sur la place de l'église des Billanges. Et ce fut une surprise de voir plantés devant le portail Françoise et son mari Jojo. C'était le même scénario qu'à Oloron en 2 013, sur la voie d'Arles, qui se reproduisait – les deux étaient en avance au point de rendez-vous. Françoise, sac au dos, a toujours la forme, et un Jojo qui ne vieillit pas. Françoise venait faire avec moi trois étapes.

            Sans tarder, elle et moi avions pris le balisage dans la rue près de l'église ; nous avons revu Jojo deux jours plus tard à Saint-Martin-le-Vieux, je devais alors terminer tout seul l'étape qui me menait à Flavignac.

Le déroulement :

            Nous avons continué sur la D 29, et après un bon quart d'heure nous avons pris la D 5, direction Saint-Léonard-de-Noblat.


            Les moments les plus importants : le passage du Pont du Dognon, et nous sommes arrivés ensuite à Châtenet-en-Dognon ; et par des petites départementales, des chemins pierreux ou de terre, nous sommes arrivés à Saint-Léonard-de-Noblat
(voir photo). Nous avons suivi le balisage d'un bout à l'autre de l'étape.

            Une difficulté classique du début de cette voie de Vézelay que je n'ai plus rencontrée ces derniers temps : un passage des plus boueux en forêt. Non seulement, il faut monter, mais l'eau qui suinte de partout et les piétinements des marcheurs entretiennent au maximum la couche de boue, avec des risques de chutes qui pourraient entraîner au minimum des lavages supplémentaires à l'arrivée.

            À noter qu'à la fin du parcours, dans une montée assez raide, nous avons été dépassés par Jean-François – nous n'avions pas cherché à prendre son pas : il est grand, il marche vite, et il se paye des détours pour le plaisir de la découverte. Il est vrai que son but n'est pas de faire toute la voie de Vézelay.

Un refuge avec cuisine en gestion libre :

            En arrivant, nous sommes allés directement au refuge qui se trouve à côté de la collégiale Saint-Léonard-de-Noblat (voir photo). En jetant un œil sur la porte d'entrée, je me suis dit : et encore une porte à code ! me rappelant mon passage au gîte municipal de Chârost. Si ma mémoire est bonne, le code était écrit sur une affichette collée sur la porte ; en appelant la responsable au téléphone, il est possible de se faire communiquer ce code qui, bien entendu, change tous les jours. Cette responsable savait bien que je comptais passer dans cet hébergement puisque je l'avais eue au téléphone la veille ; son passage était aussi programmé dans l'après-midi. C'est avec elle que se règlent les formalités administratives de l'hébergement : le paiement de la nuitée, et le tampon sur la crédancial officialisant le passage du pèlerin en ce lieu.

            J'ai tapé le code, et en tournant la poignée la serrure a fait un certain bruit, mais la porte ne s'est pas ouverte. Au 2e essai, la serrure s'est bloquée, et, miracle, la porte a cédé tout d'un coup sur Jean-François qui l'avait actionnée de l'intérieur. Il était arrivé avant nous, et il avait sans doute fait la démarche de façon à mettre ce code à la portée des autres arrivants. La technique est dans le coup de main, m'a-t-il dit, il faut bien appuyer sur la porte pour que le mécanisme d'ouverture s'enclenche. De toute façon, il n'y avait plus de problème, je n'étais pas le seul dans ce refuge, et il y aura toujours quelqu'un à l'intérieur si la serrure continue à faire des siennes, d'autant que les trois autres d'hier soir n'allaient pas tarder à arriver. Il n'y a eu aucune concertation pour s'arrêter dans ce gîte.

            Ce gîte est d'une très bonne tenue. Il n'y a pas de dortoir, mais des chambres ; Françoise et moi avions choisi une, et les autres pèlerins se sont répartis dans les deux autres.

            Le groupe d'hier soir aux Billanges s'était reconstitué ; tout allait pour le mieux. Aussi, une fois l'installation faite, je suis sorti comme d'habitude pour une petite visite, prendre des photos et passer à la pharmacie, j'avais à renouveler mon gel d'arnica.

Une visite en ville :

            La visite en ville est des plus simples puisque le principal centre d'intérêt est tout à côté du refuge :  la collégiale de Saint-Léonard-de-Noblat.

            Cet édifice est inscrit au patrimoine mondial au titre des chemins de Saint-Jacques. Les pèlerins peuvent vénérer les reliques du saint placées dans une structure en fer suspendue dans le cœur. Pour obtenir les bienfaits du saint, ils passent au-dessous de ces reliques. Le chœur de l'église est aménagé pour permettre justement la circulation des pèlerins sous cette cage de fer (voir photo) et (photo).

            Le clocher présente une particularité architecturale : il est formé de 4 étages carrés surmontés de 2 étages octogonaux (voir photo).

            Saint-Léonard est un Franc de la noblesse de l'époque, il était à la cour de Clovis. Il s'est fait ermite dans la forêt de Pauvain (Limousin). Il est connu comme libérateur des prisonniers, et il a la réputation d'aider ceux qui attendent une délivrance, comme les femmes enceintes ou même les femmes stériles (voir photo).

Il n'y a pas eu de miracle à Saint-Léonard-de-Noblat :

            Comme d'habitude, pour mes visites après la marche, j'apporte ma caméra, et un seul bâton, par précaution, pour le cas où j'aurais à rattraper une glissade sur le rebord d'un trottoir, ce qui est toujours possible étant donné que j'utilise des savates pour les balades en ville.

            Pour être plus à l'aise, j'ai déposé mon bâton contre le mur d'une maison portant le label « gîte de France », en face de la collégiale, et elle était fermée. J'ai filmé l'extérieur et l'intérieur de l'église.

Ensuite, je suis allé à la pharmacie, un peu plus loin, après avoir emprunté un dédale de rues – j'ai dû d'ailleurs demander à un passant des précisions sur cette adresse. Puis, je suis rentré au refuge.

            C'est alors que je me suis rendu compte que je n'avais plus mon bâton. Je suis ressorti aussi vite pour aller le chercher, mais il avait disparu. J'ai l'habitude de marcher avec deux bâtons depuis plusieurs années – un avantage certain : ils supportent à peu près 10% du poids du sac, évitent de tirer trop sur les jambes dans les montées, protègent les genoux dans les descentes, corrigent la gîte du sac-à-dos en cas de chute, et permettent aussi de donner plus de vitesse à la marche en actionnant davantage les bras. Avec un seul bâton pour la suite, psychologiquement surtout, je crois que je me sentirai diminué.

            Je suis reparti à la pharmacie, je l'avais sans doute posé dans un coin. Après une inspection rapide de la salle, une évidence s'imposait : il n'était pas non plus à cet endroit ! Je suis retourné au refuge, et avant d'y entrer, j'ai revérifié une nouvelle fois le mur où je l'avais laissé, quelqu'un aurait pu le déplacer pour toutes sortes de raisons. Rien ! À moins qu'un jeune n'ait voulu en faire un jouet pour amuser ses copains. Je suis rentré à mon hébergement, et j'ai annoncé aux autres que je l'avais vraiment perdu, et qu'il me faudra attendre Limoges pour le remplacer.

            Mais je ne cessais de faire défiler dans ma tête le film de mes différents parcours en ville, pour me souvenir qu'après mon passage à la pharmacie, j'étais aussi au Leader Price où Alain et Cor s'occupaient des produits pour le dîner en commun pendant que je faisais de petits achats personnels ; et qu'il n'était pas impossible que je l'eusse laissé contre un chariot. Je suis donc ressorti pour vérifier... et je n'ai rien trouvé. En repassant devant la pharmacie, j'ai cette fois demandé à la pharmacienne si elle n'avait pas récupéré un bâton de marche. Toujours rien !


            Sur le retour, je me disais qu'il ne me restait plus qu'à espérer une intervention exceptionnelle de Saint-Léonard... quoiqu'elle soit, en ce qui concerne les objets perdus, plutôt du pouvoir de Saint-Antoine de Padoue. Passant devant l'église, j'ai jeté machinalement un œil sur le mur en question... et j'ai vu mon bâton, exactement à l'endroit où je l'avais laissé ! Et c'est en le brandissant fièrement que je suis entré au gîte, où les autres s'affairaient déjà à la préparation du repas. Il y a quelqu'un qui a lancé : mais c'est un signe ! Moi, je cherchais toujours une explication disons rationnelle, et je l'ai trouvée un peu plus tard : dans la maison « Gîte de France », il y avait, paraît-il, un couple de marcheurs allemands, et vraisemblablement, ce sont eux qui l'ont « ramassé » avec de bonnes intentions, et, sans doute, ayant remarqué mes différents passages devant ce mur, ils l'ont remis à sa place. Ces deux-là, je les ai rencontrés plus loin sur le chemin, la femme parle en peu le français, mais l'homme pas du tout. Je les ai trouvés très sympathiques, mais je n'ai pas voulu les ennuyer avec mon histoire de bâton. Il n'y a pas eu de miracle à Saint-Léonard-de-Noblat.

Un excellent dîner, et une bonne nuit :

            C'était la première fois sur ce chemin de Vézelay que je me retrouvais dans un groupe ambitionnant de préparer un dîner. C'est principalement Alain qui était à la manœuvre comme cuisinier ; Jean-François, Cor et Ole l'ont aidé, bien entendu. Les spaghettis à la « Bolognaise » ont été unanimement appréciés. Pour la suite, bien que j'aie un doctorat ès vaisselle, je n'ai été que l'assistant de Françoise : la plonge, c'était elle ; moi je ne faisais qu'essuyer et ranger. Mais je savais que j'aurais moult occasions d'approfondir mes connaissances dans ce domaine.

            Ce que j'ai apprécié, c'était comme si nous nous connaissions depuis longtemps sur ce chemin, qu'il y avait des habitudes quant à la part que chacun peut et doit naturellement apporter au groupe. Une application des notions d'aide et de partage. Il faut dire aussi que pour tous les cinq, nous n'étions pas à une première expérience sur le chemin. Mais l’intégration à un groupe est un chemin en lui-même, qui n’y aboutit pas forcément, la part de liberté que chacun s’accorde étant en effet précieuse.

La nuit a été tranquille.