mercredi 2 octobre 2019


Étape 13 : La Souterraine, 34-35 km : vendredi 29 mai 2 015.



Photos : J'arrive à la Souterraine. 

Une étape particulièrement enrichissante sur bien des plans.

            La commune de La Souterraine se situe dans le département de la Creuse, dans le Limousin. C'est un village étape pour les pèlerins depuis 2000. Le nom de la ville se rapporte à la crypte, une église souterraine, à partir de laquelle a été construite l'église Notre-Dame, qui par sa situation domine la ville. Cette crypte était un lieu de culte primitif, comme à Neuvy-Pailloux, un village avant Châteauroux sur la voie de Vézelay.

            Cette étape traverse des paysages très variés, avec des forêts, et passe par de belles petites côtes. Le balisage est correct, cependant j'ai eu un moment d'indécision à deux carrefours avant des villages.

            Ce n’était pas du tout une « marche souterraine », mais la mise en lumière de la fréquentation de ce chemin de Vézelay – c’était la première étape où j’ai rencontré pas mal de marcheurs – il faut dire que c’est un point de convergence de plusieurs chemins dans la région. Une belle et longue marche dans la journée !



L'étape :

            Dans cette étape, j'ai suivi complètement le balisage, qui correspond bien aux indications de mon guide.

            En sortant d'Éguzon, j'ai continué sur la D 913, et un peu plus loin j'ai descendu à gauche un chemin forestier, et j'ai continué pour monter ensuite un chemin en épingle à cheveux. Le paysage est bien boisé, et il faisait encore sombre en ce début de journée.

            Après un hameau, j'ai emprunté un chemin à peine dégrossi, pour rattraper une petite route.

 Ce fut ensuite le passage à Crozon, les forêts sont bien denses, et le soleil ne pénétrait pas encore dans les bois. J'étais tout seul dans cette nature, mais j'étais serein : j'ai l'habitude, de l'entraînement, et j'étais surtout sûr de mon itinéraire !

         Cependant, plus loin, au Pont Chareau, après une descente, à un carrefour quelque peu tourmenté, toujours en zone très boisée et sombre, bien que les balises fussent toujours présentes mais un peu espacées, j'ai eu quelques hésitations. Mais je suis bien parti sur la droite pour la Chapelle-Baloue, le balisage suit la D 72, et après une montée assez rude, et le passage d'un torrent, j'y suis arrivé.

            Et c'est sans aucun problème que j'ai quitté la départementale pour un chemin goudronné et que je suis arrivé près de Saint-Germain-Beaupré. Après un bon chemin de terre et un retour sur la D 72, ce fut Saint-Agnant-de-Versillat.

            Plus loin, j'ai traversé le hameau Les Chassagnes, passé un pont sur la voie ferrée, et après la porte Saint-Jacques, je me suis retrouvé à l'église de la Souterraine.

            Cette zone urbanisée m'a paru assez longue. À noter que dans la dernière partie de cette étape, j'ai eu l'impression, en deux fois, à de grands carrefours, que la départementale disparaissait sur le panneau de circulation à l'entrée pour réapparaître sur un autre à la sortie, comme la D72 qui m'a amené à la Souterraine – elle perd sans doute sa dénomination, et la reprend après ; était-ce bien une réalité ou un manque d'observation voire de lucidité à ce moment ?



À la recherche du chemin du gîte :

            Quand je suis arrivé sur la place de l'église de La Souterraine, après avoir franchi la porte Saint-Jacques, qui donne tout de suite une idée des fortifications au XIIe siècle autour des églises, il était plus de 15 H, et ma préoccupation était d'aller au 33 de l'avenue du Pont-Neuf. J'ai tourné un peu sur la place, et j'ai vu à une certaine distance un pèlerin qui remontait vers la façade principale de l'église et qui me semblait, lui aussi être en état de recherche – aujourd'hui, je peux dire qu'il y avait toutes les chances pour que ce fût Alain, que j'ai rencontré plus tard et avec qui j'ai fait beaucoup d'étapes plus loin sur le chemin.

            Un vieil homme qui se promenait nonchalamment m'a donné une première information pour trouver cette avenue : je devais commencer par tourner à gauche, ensuite à droite, descendre carrément jusqu'au bas de la butte et passer deux ronds-points. C'est ce que j'ai commencé à faire, mais je craignais de m'enfoncer trop loin dans l'erreur. J'ai préféré remonter sur la place de l'église, car je ne trouvais pas cette avenue du Pont-Neuf.

            Je suis entré dans la pharmacie près de l'église, pour constater que le personnel était tout occupé en raison de l'affluence à cette heure. J'ai réussi à « attraper » une jeune femme qui se déplaçait entre des rayons, mais elle était désolée de ne pas pouvoir me renseigner, car elle n'était qu'une stagiaire fraîchement en poste, et non originaire de cette ville.

            Je suis ressorti, et j'ai refait le même parcours que précédemment, mais en poussant plus loin que les ronds-points. Et j'ai fini par trouver une affichette annonçant le gîte. Autrement, j'aurai été obligé de faire une connexion internet pour utiliser un plan précis de la ville.

            Cette fameuse avenue n'est qu'un long chemin goudronné ordinaire, si bien qu'à un moment, j'ai compris que je commençais à sortir de l'agglomération, il n'y avait presque plus de maison des deux côtés de la route, et j'étais encore bien loin du numéro 33. Mais il fallait avancer... et c'est alors que j'ai découvert une autre affichette qui portait cette inscription, preuve que je n’étais pas le premier pèlerin à se trouver en recherche de ce gîte : « Allez, courage, un dernier effort, vous êtes presque arrivé au « Coucher du Soleil ». Cela m'a fait rire ! Mais j'en ai tiré tout de suite une conclusion : il n'était plus question de retourner visiter l'église en ville, ni le cimetière, où selon mon guide une lanterne des morts veille sur trois tombes de jacquets, étant donné un aller-retour conséquent à faire en cette fin de journée après les 35 kilomètres parcourus dans cette étape.

            C’est ce que l’on appelle vraiment une belle étape, sur tous les plans, et ce d’autant plus que je ne savais pas encore l’ambiance exceptionnelle qui m’attendait dans ce gîte.



Un gîte opérationnel :

            Le portail du 33 était grand ouvert quand je suis arrivé. 
J'ai quand même été surpris par ce corps de ferme dont une partie n'est pas encore restaurée.
Et ce grand silence ! Je me suis approché de la porte d'entrée qui était fermée, et j'ai tout de suite vu une petite affiche collée derrière la vitre : « entrez et installez-vous ». En effet, la porte n'était pas verrouillée, et je suis entré !

            Au pied de l'escalier se trouve un petit coin salon avec des fauteuils, un endroit pour ranger les chaussures et un autre pour les bâtons ; et à côté une grande salle à manger bien équipée. L'aménagement intérieur est tout récent et de qualité. Je me suis assis dans un fauteuil, je me suis déchaussé pour mettre mes savates. Pendant un bon moment je me suis reposé, en attendant que les choses bougent. J’avais vraiment terminé mon étape, et j’étais à l’abri !

            Trois autres marcheurs sont arrivés et se sont installés comme moi, jusqu'à ce que la maîtresse des lieux arrivât. Claudine, la responsable, nous a priés aussitôt de monter à l'étage pour prendre possession de notre coin dans les chambres. Elle nous informa de la possibilité de lavage à la machine.

            À l'étage, c'est aussi du neuf et du bon, pour les chambres, les lits et les sanitaires. Dans une chambre, j'ai pris un lit du bas, et comme d’habitude près de la porte de sortie de la chambre. J'ai pu disposer du lit au-dessus pour étendre un peu mes affaires. Un autre adopta la même tactique dans la chambre ; et des deux autres s'installèrent dans une autre chambre.

           J'ai fait ainsi la connaissance de Bernard de la Corrèze, de Pascal de Reims et de Jean-François, en T-shirt rouge, qui vient d'une région proche, je n'ai pas bien retenu le nom de son coin d'origine – Ce dernier est bien celui que j'avais entrevu à Éguzon, et que j'ai retrouvé dans plusieurs étapes plus loin. Aucun de ces trois ne suivait vraiment mon chemin – autrement, je les aurais plus ou moins repérés sur mon parcours.  Les deux premiers complétaient des marches déjà entamées les années précédentes ; le dernier remontait par une diagonale, et suivait un GR. Cela se voyait que tous les trois n'étaient pas des débutants dans le domaine.



Une bonne ambiance à table :


           Au dîner, un très bon dîner, les présentations ont été faites un peu plus largement – pour me présenter, mon discours est bien rodé ; et il y eut des discussions sérieuses qui permirent de mieux cadrer les uns et les autres, elles étaient entretenues par Claudine, qui présidait en quelque sorte cette tablée – voir la photo prise le lendemain matin au petit-déjeuner.

            C'étaient des discussions classiques. Chacun a expliqué la gestion de ses petits problèmes en route : Cette angoisse d'être seul dans les grandes plaines, laquelle est encore plus forte en forêt, et qu'il faut apprendre à maîtriser. J'ai bien connu cela, à la 2e étape, avant d'arriver à Champlemy, mais comme l'a dit quelqu'un cela s'apprend, se prépare. Ou la petite douleur qui apparaît au pied, et qui disparaît, pour ressortir à l'épaule : l'expérience là aussi permet d'anticiper, en revoyant le lacement des chaussures, les réglages des bretelles du sac qu'il faut refaire de temps à autre et un rangement équilibré des affaires dans le sac, sans compter les conséquences de certaines postures propres qu'il faut là aussi apprendre à les repérer et à les corriger. Et sur le fait que pour certains équipements, il ne faut pas non plus se cantonner aux petits prix – « bon marché coûte cher », dit-on. Ou encore la beauté des paysages : savoir se donner du temps pour apprécier son chemin, la gestion du temps est importante et ne vient pas naturellement. Chacun donna aussi son avis sur une grande question qui reste malgré tout ouverte, et ce quelle que soit l’expérience acquise : pourquoi les pèlerins reviennent toujours sur les chemins de Compostelle ? À ce sujet, les avis des uns et des autres sont toujours intéressants.

            Pendant la nuit, je n'ai pas entendu un seul ronflement, et pourtant, il y en a un qui avait pris soin d'avertir qu'il lui arrivait de ronfler un peu, pour s'excuser par avance en quelque sorte, ce à quoi les autres ont convenu que c'était plus ou moins leur cas aussi. La nuit ne pouvait être alors que bonne !

            Le lendemain, au cours d'un excellent petit-déjeuner, il y eut encore de grandes discussions, sur des sujets plus simples, plus habituels, comme le sport. Le président de la FIFA, Sepp Blatter, par exemple, fut placé sur la sellette, la suite montre aujourd'hui que l'anticipation était bonne. Chacun donna son avis sur la professionnalisation du sport, sur le dopage, sur l'argent dans cette activité in fine !  Quant à moi, j'ai développé la thèse des méfaits du système du cumul des mandats dans le temps et de la financiarisation à outrance dans tous les domaines de la vie en société.

            Au finish, chacun est parti de son côté. J'ai été le premier à sortir du bâtiment. Et ce n'est que deux jours plus tard que j'ai revu Jean-François aux Billanges.



La Souterraine, un peu d'histoire(s) :

            C'est Claudine qui nous parla de l'église de La Souterraine : L'église Notre-Dame (XIe – XIIe siècle) est une étape du pèlerinage de Saint-Jacques depuis longtemps ; sa crypte est un ancien sanctuaire gallo-romain, et elle possède deux puits et des coffres funéraires ; ce n'est que plus tard que fut construite l'église et toutes les fortifications de cette butte.

            Dommage que je n'aie pas eu le temps de la visiter – l'idéal aurait été d'avoir à sa disposition un guide comme à Neuvy-Pailloux dans l'étape avant Châteauroux.

            Claudine nous laissa entendre à un moment qu'elle aurait bien aimé parler de l'influence des Celtes dans l'histoire de ce lieu ; c'était comme si elle attendait une demande de notre part. Personne n'ayant réagi dans ce sens, ce thème ne fut pas abordé. J'ai regretté que personne ne lui ait donné l'occasion de se faire plaisir en se lançant sur un sujet qui, me semble-t-il, l'intéressait au plus haut point – j'aurais dû le faire... Quelle que soit sa position propre, il est toujours agréable d’entendre quelqu’un développer sa thèse sur une de ces questions qui traversent toute l’histoire des hommes.

            Cela m'aurait m'intéressé qu'elle nous parlât du champ magnétique terrestre qui influence le vivant, du choix des croisements de lignes telluriques positives dans le sol – qui augmenterait l'énergie vitale des êtres vivants – pour l'implantation des lieux de culte des Celtes, et de la reprise plus tard des mêmes lieux par les Chrétiens. Et qu'il y aurait en conséquence un lien avec le tracé de 3 voies de Compostelle, c'est-à-dire Le Puy, Arles et Vézelay... bien qu'à ma connaissance aucune donnée archéologique, scientifique et/ou historique ne permette de valider sérieusement cette dernière hypothèse.

            J'aurais même pu faire preuve d'un peu d'humour en demandant à Claudine si le gîte d’étape « Le Coucher du soleil », étant donné le sérieux avec lequel des discussions y ont été menées, ne se trouve pas lui aussi à un nœud de lignes de force telluriques positives... Quoiqu'il ne soit pas impossible non plus qu'un druide de l'époque celtique eût été pour quelque chose dans le choix de l'implantation d'une ferme en ce lieu...laquelle ferme est aujourd’hui devenue un gîte pour les pèlerins de Compostelle.

La Souterraine, encore un lieu à revoir !