Étape
13 : La Souterraine, 34-35 km : vendredi 29 mai 2 015.
Photos :
J'arrive à la Souterraine.
Une étape particulièrement enrichissante sur bien des plans.
La commune de La Souterraine se
situe dans le département de la Creuse, dans le Limousin.
C'est un village étape pour les pèlerins depuis 2000. Le nom de la ville se
rapporte à la crypte, une église souterraine, à partir de laquelle a été
construite l'église Notre-Dame, qui par sa situation domine la ville. Cette crypte était un lieu de culte primitif, comme à Neuvy-Pailloux,
un village avant Châteauroux sur la voie de Vézelay.
Cette étape traverse des paysages
très variés, avec des forêts, et passe par de belles petites côtes. Le balisage
est correct, cependant j'ai eu un moment d'indécision à deux carrefours avant
des villages.
Ce n’était pas du tout une
« marche souterraine », mais la mise en lumière de la
fréquentation de ce chemin de Vézelay – c’était la première étape où j’ai
rencontré pas mal de marcheurs – il faut dire que c’est un point de convergence
de plusieurs chemins dans la région. Une belle et longue marche dans la
journée !
L'étape :
Dans cette étape, j'ai suivi
complètement le balisage, qui correspond bien aux indications de mon guide.
En sortant d'Éguzon, j'ai continué
sur la D 913, et un peu plus loin j'ai descendu à gauche un chemin forestier,
et j'ai continué pour monter ensuite un chemin en épingle à cheveux. Le paysage
est bien boisé, et il faisait encore sombre en ce début de journée.
Après un hameau, j'ai emprunté un
chemin à peine dégrossi, pour rattraper une petite route.
Ce fut ensuite le passage à Crozon,
les forêts sont bien denses, et le soleil ne pénétrait pas encore dans les
bois. J'étais tout seul dans cette nature, mais j'étais serein : j'ai
l'habitude, de l'entraînement, et j'étais surtout sûr de mon itinéraire !
Cependant, plus loin, au Pont
Chareau, après une descente, à un carrefour quelque peu tourmenté, toujours en
zone très boisée et sombre, bien que les balises fussent toujours présentes
mais un peu espacées, j'ai eu quelques hésitations. Mais je suis bien parti sur
la droite pour la Chapelle-Baloue, le balisage suit la D 72, et après une
montée assez rude, et le passage d'un torrent, j'y suis arrivé.
Et c'est sans aucun problème que
j'ai quitté la départementale pour un chemin goudronné et que je suis arrivé
près de Saint-Germain-Beaupré. Après un bon chemin de terre et un retour sur la
D 72, ce fut Saint-Agnant-de-Versillat.
Plus loin, j'ai traversé le hameau
Les Chassagnes, passé un pont sur la voie ferrée, et après la porte
Saint-Jacques, je me suis retrouvé à l'église de la Souterraine.
Cette zone urbanisée m'a paru assez
longue. À noter que dans la dernière partie de cette étape, j'ai eu
l'impression, en deux fois, à de grands carrefours, que la départementale
disparaissait sur le panneau de circulation à l'entrée pour réapparaître sur un
autre à la sortie, comme la D72 qui m'a amené à la Souterraine – elle perd sans
doute sa dénomination, et la reprend après ; était-ce bien une réalité ou
un manque d'observation voire de lucidité à ce moment ?
À
la recherche du chemin du gîte :
Quand je suis arrivé sur la place de
l'église de La Souterraine, après avoir franchi la porte Saint-Jacques, qui
donne tout de suite une idée des fortifications au XIIe siècle
autour des églises, il était plus de 15 H, et ma préoccupation était d'aller au
33 de l'avenue du Pont-Neuf. J'ai tourné un peu sur la place, et j'ai vu à une
certaine distance un pèlerin qui remontait vers la façade principale de
l'église et qui me semblait, lui aussi être en état de recherche – aujourd'hui,
je peux dire qu'il y avait toutes les chances pour que ce fût Alain, que j'ai
rencontré plus tard et avec qui j'ai fait beaucoup d'étapes plus loin sur le
chemin.
Un vieil homme qui se promenait
nonchalamment m'a donné une première information pour trouver cette
avenue : je devais commencer par tourner à gauche, ensuite à droite,
descendre carrément jusqu'au bas de la butte et passer deux ronds-points. C'est
ce que j'ai commencé à faire, mais je craignais de m'enfoncer trop loin dans
l'erreur. J'ai préféré remonter sur la place de l'église, car je ne trouvais
pas cette avenue du Pont-Neuf.
Je suis entré dans la pharmacie près
de l'église, pour constater que le personnel était tout occupé en raison de
l'affluence à cette heure. J'ai réussi à « attraper » une jeune femme
qui se déplaçait entre des rayons, mais elle était désolée de ne pas pouvoir me
renseigner, car elle n'était qu'une stagiaire fraîchement en poste, et non
originaire de cette ville.
Je suis ressorti, et j'ai refait le
même parcours que précédemment, mais en poussant plus loin que les
ronds-points. Et j'ai fini par trouver une affichette annonçant le gîte. Autrement,
j'aurai été obligé de faire une connexion internet pour utiliser un plan précis
de la ville.
Cette fameuse avenue n'est qu'un
long chemin goudronné ordinaire, si bien qu'à un moment, j'ai compris que je
commençais à sortir de l'agglomération, il n'y avait presque plus de maison des
deux côtés de la route, et j'étais encore bien loin du numéro 33. Mais il
fallait avancer... et c'est alors que j'ai découvert une autre affichette qui
portait cette inscription, preuve que je n’étais pas le premier pèlerin à se
trouver en recherche de ce gîte : « Allez, courage, un dernier
effort, vous êtes presque arrivé au « Coucher du Soleil ». Cela m'a
fait rire ! Mais j'en ai tiré tout de suite une conclusion : il
n'était plus question de retourner visiter l'église en ville, ni le cimetière,
où selon mon guide une lanterne des morts veille sur trois tombes de jacquets,
étant donné un aller-retour conséquent à faire en cette fin de journée après
les 35 kilomètres parcourus dans cette étape.
C’est ce que l’on appelle vraiment
une belle étape, sur tous les plans, et ce d’autant plus que je ne savais pas
encore l’ambiance exceptionnelle qui m’attendait dans ce gîte.
Un
gîte opérationnel :
Le portail du 33 était grand ouvert
quand je suis arrivé.
J'ai quand même été surpris par ce
corps de ferme dont une partie n'est pas encore restaurée.Et ce grand silence ! Je me suis approché de la porte d'entrée qui était fermée, et j'ai tout de suite vu une petite affiche collée derrière la vitre : « entrez et installez-vous ». En effet, la porte n'était pas verrouillée, et je suis entré !
Au pied de l'escalier se trouve un
petit coin salon avec des fauteuils, un endroit pour ranger les chaussures et
un autre pour les bâtons ; et à côté une grande salle à manger bien
équipée. L'aménagement intérieur est tout récent et de qualité. Je me suis
assis dans un fauteuil, je me suis déchaussé pour mettre mes savates. Pendant
un bon moment je me suis reposé, en attendant que les choses bougent. J’avais
vraiment terminé mon étape, et j’étais à l’abri !
Trois autres marcheurs sont arrivés
et se sont installés comme moi, jusqu'à ce que la maîtresse des lieux arrivât.
Claudine, la responsable, nous a priés aussitôt de monter à l'étage pour
prendre possession de notre coin dans les chambres. Elle nous informa de la
possibilité de lavage à la machine.
À
l'étage, c'est aussi du neuf et du bon, pour les chambres, les lits et les
sanitaires. Dans une chambre, j'ai pris un lit du bas, et comme d’habitude près
de la porte de sortie de la chambre. J'ai pu disposer du lit au-dessus pour
étendre un peu mes affaires. Un autre adopta la même tactique dans la
chambre ; et des deux autres s'installèrent dans une autre chambre.
J'ai fait ainsi la connaissance de
Bernard de la Corrèze, de Pascal de Reims et de Jean-François, en T-shirt rouge, qui vient d'une région proche, je n'ai pas bien
retenu le nom de son coin d'origine – Ce dernier est bien celui que j'avais
entrevu à Éguzon, et que j'ai retrouvé dans plusieurs étapes plus loin. Aucun
de ces trois ne suivait vraiment mon chemin – autrement, je les aurais plus ou
moins repérés sur mon parcours. Les deux
premiers complétaient des marches déjà entamées les années précédentes ;
le dernier remontait par une diagonale, et suivait un GR. Cela se voyait que
tous les trois n'étaient pas des débutants dans le domaine.
Une
bonne ambiance à table :
C'étaient des discussions
classiques. Chacun a expliqué la gestion de ses petits problèmes en
route : Cette angoisse d'être seul dans les grandes plaines, laquelle est
encore plus forte en forêt, et qu'il faut apprendre à maîtriser. J'ai bien
connu cela, à la 2e étape, avant d'arriver à Champlemy, mais comme l'a dit
quelqu'un cela s'apprend, se prépare. Ou la petite douleur qui apparaît au
pied, et qui disparaît, pour ressortir à l'épaule : l'expérience là aussi
permet d'anticiper, en revoyant le lacement des chaussures, les réglages des
bretelles du sac qu'il faut refaire de temps à autre et un rangement équilibré
des affaires dans le sac, sans compter les conséquences de certaines postures
propres qu'il faut là aussi apprendre à les repérer et à les corriger. Et sur
le fait que pour certains équipements, il ne faut pas non plus se cantonner aux
petits prix – « bon marché coûte cher », dit-on. Ou encore la beauté
des paysages : savoir se donner du temps pour apprécier son chemin, la
gestion du temps est importante et ne vient pas naturellement. Chacun donna
aussi son avis sur une grande question qui reste malgré tout ouverte, et ce
quelle que soit l’expérience acquise : pourquoi les pèlerins reviennent
toujours sur les chemins de Compostelle ? À ce sujet, les avis des uns et
des autres sont toujours intéressants.
Pendant la nuit, je n'ai pas entendu
un seul ronflement, et pourtant, il y en a un qui avait pris soin d'avertir
qu'il lui arrivait de ronfler un peu, pour s'excuser par avance en quelque
sorte, ce à quoi les autres ont convenu que c'était plus ou moins leur cas
aussi. La nuit ne pouvait être alors que bonne !
Le lendemain, au cours d'un
excellent petit-déjeuner, il y eut encore de grandes discussions, sur des
sujets plus simples, plus habituels, comme le sport. Le président de la FIFA,
Sepp Blatter, par exemple, fut placé sur la sellette, la suite montre
aujourd'hui que l'anticipation était bonne. Chacun donna son avis sur la
professionnalisation du sport, sur le dopage, sur l'argent dans cette activité
in fine ! Quant à moi, j'ai
développé la thèse des méfaits du système du cumul des mandats dans le temps et
de la financiarisation à outrance dans tous les domaines de la vie en société.
Au finish, chacun est parti de son
côté. J'ai été le premier à sortir du bâtiment. Et ce n'est que deux jours plus
tard que j'ai revu Jean-François aux Billanges.
La
Souterraine, un peu d'histoire(s) :
C'est Claudine qui nous parla de
l'église de La Souterraine : L'église Notre-Dame (XIe – XIIe
siècle) est une étape du pèlerinage de Saint-Jacques depuis
longtemps ; sa crypte est un ancien sanctuaire gallo-romain, et elle
possède deux puits et des coffres funéraires ; ce n'est que plus tard que
fut construite l'église et toutes les fortifications de cette butte.
Dommage que je n'aie pas eu le temps
de la visiter – l'idéal aurait été d'avoir à sa disposition un guide comme à
Neuvy-Pailloux dans l'étape avant Châteauroux.
Claudine nous laissa entendre à un
moment qu'elle aurait bien aimé parler de l'influence des Celtes dans
l'histoire de ce lieu ; c'était comme si elle attendait une demande de
notre part. Personne n'ayant réagi dans ce sens, ce thème ne fut pas abordé.
J'ai regretté que personne ne lui ait donné l'occasion de se faire plaisir en
se lançant sur un sujet qui, me semble-t-il, l'intéressait au plus haut point –
j'aurais dû le faire... Quelle que soit sa position propre, il est toujours
agréable d’entendre quelqu’un développer sa thèse sur une de ces questions qui
traversent toute l’histoire des hommes.
Cela m'aurait m'intéressé qu'elle
nous parlât du champ magnétique terrestre qui influence le vivant, du choix des
croisements de lignes telluriques positives dans le sol – qui augmenterait
l'énergie vitale des êtres vivants – pour l'implantation des lieux de culte des
Celtes, et de la reprise plus tard des mêmes lieux par les Chrétiens. Et qu'il
y aurait en conséquence un lien avec le tracé de 3 voies de Compostelle,
c'est-à-dire Le Puy, Arles et Vézelay... bien qu'à ma connaissance aucune
donnée archéologique, scientifique et/ou historique ne permette de valider
sérieusement cette dernière hypothèse.
J'aurais même pu faire preuve d'un
peu d'humour en demandant à Claudine si le gîte d’étape « Le Coucher du
soleil », étant donné le sérieux avec lequel des discussions y ont été
menées, ne se trouve pas lui aussi à un nœud de lignes de force telluriques
positives... Quoiqu'il ne soit pas impossible non plus qu'un druide de l'époque
celtique eût été pour quelque chose dans le choix de l'implantation d'une ferme
en ce lieu...laquelle ferme est aujourd’hui devenue un gîte pour les pèlerins
de Compostelle.
La
Souterraine, encore un lieu à revoir !