mercredi 18 mars 2020



Étape 33 : de Saint-Sever à Beyries : 26,8 km.

Photo : j'arrive à Beyries.


Résumé de l'étape :

         Beyries est ma dernière étape dans le département des Landes. Demain, avec Alain et Cor, nous passerons dans celui des Pyrénées-Atlantiques. C'est dire que je me rapproche de la fin de mon Vézelay.

       Dans cette étape marquée par la fin de la dominante des forêts de pins, le relief est un peu plus tourmenté, les Pyrénées se rapprochent.

            C'était la première fois que j'ai dormi dans une salle des fêtes qui dans cette petite commune en pleine campagne ne doit pas être souvent occupée par les manifestations des associations locales – il faut saluer le geste de la commune dans la mise à la disposition des pèlerins de cet équipement de qualité.

Le déroulement de l'étape :

Une partie classique :

            Nous avons emprunté des petites routes, des chemins caillouteux, longé et franchi une voie ferrée pour arriver à la première petite halte de ce jour, l'église Notre-Dame d'Audignon classée monument historique.

           Nous avons pris ensuite la D 2 puis la D 78, direction d'Hagetmau, un point important de cette étape, tout en nous payant une bonne petite côte, toujours dans les environs de la voie ferrée.

           La traversée d'Hagetmau n'est pas balisée, mais le chemin descend naturellement par le centre-ville et nous avons fait une halte à un bar et où j'ai pris un thé et un croissant, bien que j'eusse préféré une bonne bière, mais je me méfie toujours des boissons glacées pendant la marche. J'ai quelque peu regretté d'avoir mangé, parce que l'heure du déjeuner était toute proche.

           Nous avons retrouvé le balisage à la sortie de la ville, et, peu de temps après, en plein dans une petite montée, un petit square bien aménagé avec des bancs à l'ombre nous a attirés. C'était le moment et le lieu pour la pause du déjeuner. J'ai quand même bien goûté aux pâtes d'Alain, et aux petits desserts de Cor.

Un pèlerin avec son âne :

            Nous avions presque terminé notre repas quand un autre pèlerin est arrivé, il voulait, lui aussi, prendre un peu de repos dans ce petit square. Mais d'un genre particulier que je n'avais pas rencontré jusqu'ici sur cette voie de Vézelay : un pèlerin d'un certain âge, il revenait d'Espagne avec son âne Simon. Il n'était pas très loquace, l'air un peu fatigué, mais il ne pouvait pas ne pas apaiser ma curiosité. C'est un pèlerin qui a fait un peu tous les chemins, toujours avec Simon, un beau gabarit d'âne, qui est resté debout pendant tout le temps que nous étions sur cette place, avec sa charge, en regardant fixement devant lui et sans faire le moindre bruit – je n'ai pas résisté à lui donner un petit quelque chose. J'ai déjà marché avec des pèlerins accompagnés de leurs ânes, et j'ai toujours pensé qu'il fallait un sacré permis de conduire pour manœuvrer efficacement ces bêtes, qui marchent bien et vite, mais qui ne peuvent pas résister à brouter une belle touffe d'herbe de temps à autre, et donc une sacrée dose d'énergie à déployer pour les remettre en route. Simon, stoïque, était de la catégorie supérieure, et parfaitement obéissant à son maître. J'étais tellement admiratif de cette association entre l'homme et l'animal que j'ai oublié de faire l'essentiel : prendre une photo. Je m'en veux toujours de ne pas y avoir pensé.

            Puis, l'étape est rythmée par une succession de vallons.

        Nous avons emprunté ensuite la D 357 jusqu'à Labastide-Chalosse, où le petit abri près de l'église ne pouvait pas mieux tomber : il pleuvait, et c'était le moment de faire une halte que j’ai personnellement trouvée un peu trop longue. À peine étions-nous repartis qu'un petit soleil refit son apparition. Nous avons pris à gauche une petite route sinueuse qui se glisse dans une descente très prononcée et qui nous a menés dans une charmante petite vallée ; et après avoir pris à droite une belle montée, nous nous sommes retrouvés à peu près à la même hauteur que l'église, et sur la même D 357. C'est cela que j'appelle faire balader le pèlerin dans la campagne, d'autant qu'il n'y a rien de particulier à voir puisque le paysage dans l'ensemble ne change pas et qu'il n'y a pas de monument historique. Et d'ailleurs nous avons continué sur cette départementale peu fréquentée avec quelques dénivelés, des forêts à gauche et des champs à droite, et ce jusqu’au pont sur le Luy de France, un cours d'eau qui conflue dans l'Adour.

            Un peu plus loin nous sommes arrivés à Argelos, et nous nous sommes tous souvenus de ce que l'hospitalier d'hier soir nous avait dit : ne pas prendre la petite route qui part à droite près de la mairie, c'est un chemin difficile, épuisant en fin d'étape, mais suivre simplement la départementale qui mène directement à Beyries. Et c'est ce que nous avons fait, même si pour mon livre guide ce détour est d'un classique ordinaire.

Un problème de repérage de ce petit village de Beyries :

            Quand nous sommes arrivés devant le panneau routier indiquant que nous étions à Beyries, j'avais le sentiment qu'il n'y avait pas de village, si ce n'est une maison au-dessus de la route, et deux autres de l'autre côté à 300 m. Un petit village diffus, une commune avec peu d'habitants – je me suis souvenu alors avoir lu, qu'il existe une commune en France de zéro habitant, mais avec des contribuables. Nous avons voulu continuer à suivre le balisage, mais le chemin nous dirigeait plutôt hors de cette petite agglomération. C'est Alain qui a trouvé l'explication : en fait, nous avions dépassé la petite route qui mène à ce petit village ; si nous avions pris la dernière direction proposée à Argelos, nous serions arrivés par un autre chemin et nous aurions vu plus facilement les maisons du village. Nous sommes retournés sur nos pas et nous avons pris la petite route. Nous sommes passés auprès de quelques habitations silencieuses sans avoir rencontré qui que ce soit, pour arriver rapidement à la mairie auprès de laquelle se trouve la salle des fêtes, notre hébergement du jour (voir photo).

Un coin tranquille, un gardien accueillant et très causeur :

            Le responsable, qui habite juste à côté, n'a pas tardé à venir nous ouvrir cette salle des fêtes. Avant d'y entrer, j'étais un peu sceptique quant à la qualité de cet hébergement, mais j'ai vite changé d'avis : c'était même l'idéal ! Une grande salle avec seulement 5 lits rangés dans un coin (voir photo), ce qui veut dire que chacun pouvait déplacer son lit en cas de ronflements d'un voisin, et à la tête de chaque lit une chaise, utile dans le rangement des affaires pour la nuit ; une table avec des chaises pour rédiger de petites notes, faire de la correspondance et achever la préparation de l'étape suivante ; à l'autre bout de la salle, un bar avec un espace cuisine… et une petite réserve de nourriture (conserves, pâtes, gâteaux secs, etc.). Les prix sont étiquetés, et il revient aux utilisateurs de laisser l'argent correspondant aux prélèvements dans une boîte. Un système qui repose sur la confiance ! Un espace suffisant sur le coin droit est réservé aux sanitaires. Globalement, c'était même royal pour nous trois !

            Une précaution fortement conseillée par le responsable : faire attention à la porte d'entrée, elle ne peut être ouverte que de l'intérieur. Il voulait dire, à utiliser une expression créole : attention de « vous enfermer dehors ». En effet, pendant la journée, où tout le monde entre et sort de cette salle, rien que pour s'occuper du linge après le lavage, par exemple, une pierre tient la porte ouverte. Mais une situation particulière peut se présenter : quelqu'un sort la nuit en catastrophe, car il a oublié ses chaussures dans la cour, la porte claque, et il est prisonnier « à l'extérieur » du bâtiment. Et pour peu qu'il soit seul dans la gîte, il risque alors de passer la nuit dehors, à moins qu'il ne prenne le risque de casser une vitre.

            Pendant qu'il nous faisait visiter la salle, il discutait avec nous. Il nous a ainsi raconté que des jeunes y ont séjourné, ont bu plus que de raison, et ont laissé la place dans un piteux état ; d'autres de la même bande ouvraient les robinets avec le genou pour une question d'hygiène, prétendaient-ils. Je ne pense pas que c'était une mise en garde indirecte qui nous était adressée ; c'était plutôt pour lui l'occasion de faire vivre son lieu de travail, de meubler en quelque sorte l'accompagnement des visiteurs du jour. Il enchaîna d'ailleurs sur un autre plan : j'ai vu des pèlerins arriver ici dans un état de fatigue extrême, ils avaient fait une longue étape et s'étaient payé la « déviation » d'Argelos qui plonge dans une vallée et remonte durement dans la forêt. Et il a fini par une plus récente : j'ai reçu ici une « Noire » qui avait une tendinite rebelle, et qui malgré tout entendait continuer son chemin, quitte à s'arrêter deux jours pour se soigner ; mais son compagnon qui souffrait d'ampoules aux pieds a carrément abandonné. Et il est rentré chez lui ! Cette dernière histoire a eu pour nous une petite suite puisque nous avons rencontré « La Noire » le lendemain au gîte d'Orthez où elle se reposait – elle m'a raconté la même petite histoire.

Un bon repas et une bonne nuit :

            Alain et Cor se sont installés au bar-cuisine pour préparer le repas, en utilisant nos achats de la veille à Saint-Sever, et en les complétant de quelques prélèvements dans le petit stock du gîte, lesquels ont été payés en déposant l'argent dans la boîte sur place. Nous avons disposé des tables et des chaises devant le bar et nous avons pris notre dîner à l'aise dans cette grande salle, pendant que dehors une petite pluie avait refait son apparition. Bien entendu, j'ai été de service à la vaisselle.

            Nous étions au calme, à l'aise dans cette grande salle. Je craignais un peu le froid la nuit, mais avec mon sac de couchage et la couverture du gîte, je n'ai pas eu de problème. Dans la nuit, j'ai même repoussé un peu cette couverture.

           C'était un passage dans un petit village parfaitement silencieux, reposant. Un point d'étape qu'il faut conseiller, même si nous n'avons vu qu'une seule personne dans ce village : le gardien de la salle des fêtes !