Étape
33 : de Saint-Sever à Beyries : 26,8 km.
Photo :
j'arrive à Beyries.
Résumé
de l'étape :
Beyries est ma dernière étape dans
le département des Landes. Demain, avec Alain et Cor, nous passerons dans celui
des Pyrénées-Atlantiques. C'est dire que je me rapproche de la fin de mon
Vézelay.
Dans cette étape marquée par la fin
de la dominante des forêts de pins, le relief est un peu plus tourmenté, les
Pyrénées se rapprochent.
C'était la première fois que j'ai
dormi dans une salle des fêtes qui dans cette petite commune en pleine campagne
ne doit pas être souvent occupée par les manifestations des associations
locales – il faut saluer le geste de la commune dans la mise à la disposition
des pèlerins de cet équipement de qualité.
Le
déroulement de l'étape :
Une
partie classique :
Nous avons emprunté des petites
routes, des chemins caillouteux, longé et franchi une voie ferrée pour arriver
à la première petite halte de ce jour, l'église Notre-Dame d'Audignon classée monument
historique.
Nous avons pris ensuite la D 2 puis
la D 78, direction d'Hagetmau, un point important de cette étape, tout en nous
payant une bonne petite côte, toujours dans les environs de la voie ferrée.
La traversée d'Hagetmau n'est pas
balisée, mais le chemin descend naturellement par le centre-ville et nous avons
fait une halte à un bar et où j'ai pris un thé et un croissant, bien que
j'eusse préféré une bonne bière, mais je me méfie toujours des boissons glacées
pendant la marche. J'ai quelque peu regretté d'avoir mangé, parce que l'heure
du déjeuner était toute proche.
Nous avons retrouvé le balisage à la
sortie de la ville, et, peu de temps après, en plein dans une petite montée, un
petit square bien aménagé avec des bancs à l'ombre nous a attirés. C'était le
moment et le lieu pour la pause du déjeuner. J'ai quand même bien goûté aux
pâtes d'Alain, et aux petits desserts de Cor.
Un
pèlerin avec son âne :
Nous avions presque terminé notre
repas quand un autre pèlerin est arrivé, il voulait, lui aussi, prendre un peu
de repos dans ce petit square. Mais d'un genre particulier que je n'avais pas
rencontré jusqu'ici sur cette voie de Vézelay : un pèlerin d'un certain
âge, il revenait d'Espagne avec son âne Simon. Il n'était pas très loquace,
l'air un peu fatigué, mais il ne pouvait pas ne pas apaiser ma curiosité. C'est
un pèlerin qui a fait un peu tous les chemins, toujours avec Simon, un beau
gabarit d'âne, qui est resté debout pendant tout le temps que nous étions sur
cette place, avec sa charge, en regardant fixement devant lui et sans faire le
moindre bruit – je n'ai pas résisté à lui donner un petit quelque chose. J'ai
déjà marché avec des pèlerins accompagnés de leurs ânes, et j'ai toujours pensé
qu'il fallait un sacré permis de conduire pour manœuvrer efficacement ces
bêtes, qui marchent bien et vite, mais qui ne peuvent pas résister à brouter
une belle touffe d'herbe de temps à autre, et donc une sacrée dose d'énergie à
déployer pour les remettre en route. Simon, stoïque, était de la catégorie
supérieure, et parfaitement obéissant à son maître. J'étais tellement admiratif
de cette association entre l'homme et l'animal que j'ai oublié de faire
l'essentiel : prendre une photo. Je m'en veux toujours de ne pas y avoir
pensé.
Puis, l'étape est rythmée par une
succession de vallons.
Nous avons emprunté ensuite la D 357
jusqu'à Labastide-Chalosse, où le petit abri près de l'église ne pouvait pas
mieux tomber : il pleuvait, et c'était le moment de faire une halte que
j’ai personnellement trouvée un peu trop longue. À peine étions-nous repartis
qu'un petit soleil refit son apparition. Nous avons pris à gauche une petite
route sinueuse qui se glisse dans une descente très prononcée et qui nous a
menés dans une charmante petite vallée ; et après avoir pris à droite une
belle montée, nous nous sommes retrouvés à peu près à la même hauteur que
l'église, et sur la même D 357. C'est cela que j'appelle faire balader le
pèlerin dans la campagne, d'autant qu'il n'y a rien de particulier à voir
puisque le paysage dans l'ensemble ne change pas et qu'il n'y a pas de monument
historique. Et d'ailleurs nous avons continué sur cette départementale peu
fréquentée avec quelques dénivelés, des forêts à gauche et des champs à droite,
et ce jusqu’au pont sur le Luy de France, un cours d'eau qui conflue dans
l'Adour.
Un peu plus loin nous sommes arrivés
à Argelos, et nous nous sommes tous souvenus de ce que l'hospitalier d'hier
soir nous avait dit : ne pas prendre la petite route qui part à droite
près de la mairie, c'est un chemin difficile, épuisant en fin d'étape, mais
suivre simplement la départementale qui mène directement à Beyries. Et c'est ce
que nous avons fait, même si pour mon livre guide ce détour est d'un classique
ordinaire.
Un
problème de repérage de ce petit village de Beyries :
Quand nous sommes arrivés devant le
panneau routier indiquant que nous étions à Beyries, j'avais le sentiment qu'il
n'y avait pas de village, si ce n'est une maison au-dessus de la route, et deux
autres de l'autre côté à 300 m. Un petit village diffus, une commune avec peu
d'habitants – je me suis souvenu alors avoir lu, qu'il existe une commune en
France de zéro habitant, mais avec des contribuables. Nous avons voulu
continuer à suivre le balisage, mais le chemin nous dirigeait plutôt hors de
cette petite agglomération. C'est Alain qui a trouvé l'explication : en
fait, nous avions dépassé la petite route qui mène à ce petit village ; si
nous avions pris la dernière direction proposée à Argelos, nous serions arrivés
par un autre chemin et nous aurions vu plus facilement les maisons du village.
Nous sommes retournés sur nos pas et nous avons pris la petite route. Nous
sommes passés auprès de quelques habitations silencieuses sans avoir rencontré
qui que ce soit, pour arriver rapidement à la mairie auprès de laquelle se
trouve la salle des fêtes, notre hébergement du jour (voir photo).
Un
coin tranquille, un gardien accueillant et très causeur :
Le responsable, qui habite juste à
côté, n'a pas tardé à venir nous ouvrir cette salle des fêtes. Avant d'y
entrer, j'étais un peu sceptique quant à la qualité de cet hébergement, mais
j'ai vite changé d'avis : c'était même l'idéal ! Une grande salle
avec seulement 5 lits rangés dans un coin (voir photo), ce qui veut dire que
chacun pouvait déplacer son lit en cas de ronflements d'un voisin, et à la tête
de chaque lit une chaise, utile dans le rangement des affaires pour la
nuit ; une table avec des chaises pour rédiger de petites notes, faire de
la correspondance et achever la préparation de l'étape suivante ; à
l'autre bout de la salle, un bar avec un espace cuisine… et une petite réserve
de nourriture (conserves, pâtes, gâteaux secs, etc.). Les prix sont étiquetés,
et il revient aux utilisateurs de laisser l'argent correspondant aux prélèvements
dans une boîte. Un système qui repose sur la confiance ! Un espace
suffisant sur le coin droit est réservé aux sanitaires. Globalement, c'était
même royal pour nous trois !
Une
précaution fortement conseillée par le responsable : faire attention à la
porte d'entrée, elle ne peut être ouverte que de l'intérieur. Il voulait dire,
à utiliser une expression créole : attention de « vous enfermer
dehors ». En effet, pendant la journée, où tout le monde entre et sort de
cette salle, rien que pour s'occuper du linge après le lavage, par exemple, une
pierre tient la porte ouverte. Mais une situation particulière peut se
présenter : quelqu'un sort la nuit en catastrophe, car il a oublié ses
chaussures dans la cour, la porte claque, et il est prisonnier « à l'extérieur
» du bâtiment. Et pour peu qu'il soit seul dans la gîte, il risque alors de
passer la nuit dehors, à moins qu'il ne prenne le risque de casser une vitre.
Pendant qu'il nous faisait visiter
la salle, il discutait avec nous. Il nous a ainsi raconté que des jeunes y ont
séjourné, ont bu plus que de raison, et ont laissé la place dans un piteux
état ; d'autres de la même bande ouvraient les robinets avec le genou pour
une question d'hygiène, prétendaient-ils. Je ne pense pas que c'était une mise
en garde indirecte qui nous était adressée ; c'était plutôt pour lui
l'occasion de faire vivre son lieu de travail, de meubler en quelque sorte
l'accompagnement des visiteurs du jour. Il enchaîna d'ailleurs sur un autre
plan : j'ai vu des pèlerins arriver ici dans un état de fatigue extrême, ils
avaient fait une longue étape et s'étaient payé la « déviation » d'Argelos qui
plonge dans une vallée et remonte durement dans la forêt. Et il a fini par une
plus récente : j'ai reçu ici une « Noire » qui avait une
tendinite rebelle, et qui malgré tout entendait continuer son chemin, quitte à
s'arrêter deux jours pour se soigner ; mais son compagnon qui souffrait
d'ampoules aux pieds a carrément abandonné. Et il est rentré chez lui !
Cette dernière histoire a eu pour nous une petite suite puisque nous avons
rencontré « La Noire » le lendemain au gîte d'Orthez où elle se reposait – elle
m'a raconté la même petite histoire.
Un
bon repas et une bonne nuit :
Alain et Cor se sont installés au
bar-cuisine pour préparer le repas, en utilisant nos achats de la veille à
Saint-Sever, et en les complétant de quelques prélèvements dans le petit stock
du gîte, lesquels ont été payés en déposant l'argent dans la boîte sur place.
Nous avons disposé des tables et des chaises devant le bar et nous avons pris
notre dîner à l'aise dans cette grande salle, pendant que dehors une petite
pluie avait refait son apparition. Bien entendu, j'ai été de service à la
vaisselle.
Nous étions au calme, à l'aise dans
cette grande salle. Je craignais un peu le froid la nuit, mais avec mon sac de
couchage et la couverture du gîte, je n'ai pas eu de problème. Dans la nuit,
j'ai même repoussé un peu cette couverture.
C'était un passage dans un petit
village parfaitement silencieux, reposant. Un point d'étape qu'il faut
conseiller, même si nous n'avons vu qu'une seule personne dans ce
village : le gardien de la salle des fêtes !