dimanche 8 mars 2020


Étape 32 : de Mont-de-Marsan à Saint-Sever : 20 km.

Photo : Je suis sur la place de l'église de Saint-Sever.


Résumé de l'étape :

            Saint-Sever était une étape importante pour les pèlerins du Moyen Âge. Dans leurs projets de découpage de cette voie de Vézelay, les pèlerins d'aujourd'hui devraient prévoir de s'arrêter dans cette petite ville entre Mont-de-Marsan et Hagetmau. Outre l'aspect historique, c'est aussi un bon coin pour le gîte et le couvert.

            Il faut toujours du temps pour quitter une grande ville comme Mont-de-Marsan. Le paysage commence à changer ; le terrain est toujours bien boisé, mais c'est fini les grandes forêts de pins ; la part consacrée aux cultures et à l'élevage prend le dessus – le foie gras est un produit-phare de la région. Le terrain devient vallonné, le Béarn n'est pas loin.

            Une étape annoncée 19-20 km, mais en fait nous avons dû en faire au moins 21, en raison d'une erreur de parcours. Saint-Sever, sur une hauteur, est une petite ville charmante. Le tourisme y apporte de l'animation, et les pèlerins de Saint-Jacques continuent la tradition.

Le déroulement de l'étape :

Le paysage change petit à petit :

            Il était plus de 8 heures lorsque nous avons quitté le gîte de Mont-de-Marsan pour Saint-Sever, et c'était tout à fait normal vu que l'étape ne fait que vingt kilomètres. Après à peine 500 mètres, nous avons fait un passage dans une boulangerie – et c'est là que j'ai revu l'une de ces femmes qui hier se lançaient avec entrain sur la piste verte à la périphérie de la ville. Nous avons un peu causé, le temps qu'Alain et Cor finissent leurs achats et passent à la caisse ; elle s'en allait tout simplement à son travail.

            Le temps était toujours maussade ; dans la nuit, un petit grain de pluie contre la vitre m'avait tenu éveillé un court moment.

            La sortie de cette grande ville est longue ; il faut avancer sur des grandes avenues, traverser des carrefours et passer sous une voie ferrée pour sortir de cette grande agglomération urbaine.

Mais la forêt de pins était encore un peu au rendez-vous ; dans une de ces parties boisées, j'ai entraperçu Bertrand, qui était devant nous. Alain et Cor, à ce moment, trainaient à l'arrière, accrochés à leurs téléphones. J'ai fait un effort pour essayer de le rattraper, mais je n'ai pas réussi ; il avait disparu entre deux parties boisées. Il n'est pas impossible qu'il ait quitté le balisage, pour toutes sortes de raisons. Sans avoir l'air, il marche vite !

            Mais dans l'ensemble, la grande forêt n'est plus dominante dans le paysage, il y a plus de zones de culture et d'élevage. Le pays change au fil des jours.

            Nous avons fait une première petite pause au village de Benquet, devant l'église Saint-Jean-Baptiste, le temps de manger un fruit ou un pain aux raisins acheté le matin.

Un repas champêtre :

            Nous avons emprunté des petites routes goudronnées à travers un terrain de plus en plus vallonné.  Nous étions bien à l'entrée du Béarn.

Dans une longue descente, mais en pente douce, Saint-Sever sur une hauteur se devine malgré la distance. Arrivés sur le plat dans la vallée, nous avions décidé de faire la pause déjeuner. Non loin d'une grande ferme, en plein milieu d'une étendue gazonnée, un grand chêne nous attendait, l'endroit idéal pour s'asseoir et reprendre des forces. Toutes les « munitions » ont été sorties des sacs, et nous avions bien mangé... 
Je crois même qu'Alain a commencé à faire un petit somme – je résiste à m'y élancer, par précaution, surtout quand je suis tout seul sur le chemin en raison d'une certaine crainte de m'enfoncer dans un vrai sommeil et de laisser filer le temps. En général, je m'assois, mais je ne m'allonge pas. Mais j'ai vu des spécialistes de ce domaine en 2 011 sur la voie du Puy : Jean-Paul et Babou, mes deux compagnons d'alors faisaient régulièrement une petite sieste avec un plaisir non dissimulé.

Un bien joli coin au bord de l'Adour :

            Nous avons quitté notre chêne à regret, car il y avait encore des kilomètres à faire. Il était temps en effet d'attaquer la dernière partie de cette étape. Le soleil était avec nous, et tout se passait bien.

            Nous avons donc continué sur une petite route, sans que quelqu'un ait cru bon de vérifier les préconisations d’un livre guide. Cette petite voie aboutissait à une impasse à quelques encablures d'un gros rond-point de circulation tout neuf. Nous avons fait le tour du giratoire. À mon avis, il n'y avait pas de doute, il suffisait de prendre la départementale qui mène à notre arrivée, d'autant que la circulation n'était pas importante. Alain, après avoir consulté son guide, estimait qu'il valait mieux faire arrière, car bien avant, en suivant le balisage, il aurait fallu non pas aller tout droit mais tourner à gauche et rejoindre Sainte-Eulalie dont l'église est bien visible du carrefour où nous étions. Honnêtement, j'aurais continué, mais j'ai suivi les autres qui voulaient revenir sur nos pas ; et j'ai finalement bien fait, parce que ce détour vaut vraiment le coup d'œil, ce qui n'est pas le cas bien souvent quand le chemin nous balade dans la campagne.

            Nous avons mis un peu de temps à reprendre la petite route sur la gauche que nous n'avions pas vue, pas retenue. Cette dernière nous a menés à une départementale, que nous avons traversée pour continuer en face en direction de Sainte-Eulalie. En peu de temps, nous étions devant la petite église et nous avons tourné à droite en suivant le balisage. Nous nous sommes retrouvés dans une zone boisée aménagée autour des cultures avant de rejoindre la rive droite de l'Adour, ce grand fleuve du bassin aquitain qui se jette dans l'Océan Atlantique après Bayonne et qui m'a rappelé, avec ses affluents, d'autres périples. Nous avons ensuite suivi une petite route parallèle au fleuve – c'est toujours reposant de longer des cours d'eau – qui nous a fait passer sous deux ponts ; puis nous avons remonté sur le grand pont qui enjambe le fleuve. Nous y sommes restés un bon moment, car c'est tout un spectacle que l'Adour offre dans ce cadre.

            Et nous avons filé vers cette petite montagne sur laquelle se trouve notre arrivée. Dans un virage à 300 m, alors que la pente est déjà intéressante, nous sommes arrivés au pied de la difficulté : nous avons pris un sentier qui monte pratiquement à flanc de falaise, dans une belle végétation, la « côte de Brille », où devaient se cacher les défenseurs de la position au temps des guerres de religion – une interprétation personnelle. Je me suis appliqué à monter à petits pas, à bien actionner mes bâtons et à souffler fort. Presque immédiatement après le sommet, nous nous sommes retrouvés en plein dans une petite ville. Sur le plan purement sportif, quel finish ! Et quelle récompense !



L'hébergement des Jacobins, un bon gîte

            Rapidement nous nous sommes retrouvés sur la place de l'église, et cela ne pouvait pas mieux tomber, l'office de tourisme de la ville s'y trouve. Nous devions en effet obligatoirement y passer, car nous avions choisi l'hébergement du cloître des Jacobins, et l'enregistrement et le paiement pour la nuit se règlent dans ces bureaux.

            Nous nous sommes rendus au cloître des Jacobins – j'ai vu un bâtiment qui m'a semblé quelque peu désert, et des salles en travaux, de réaffectation sans doute, le destin de ces vieilles constructions religieuses. Nous sommes tombés sur un hospitalier (un religieux ?) qui nous a conduits dans l’espace du gîte.

            Au rez-de-chaussée, se trouvent la salle d'accueil et la partie cuisine, les sanitaires sont aussi à ce niveau ; un bel et grand escalier en bois permet d'accéder aux deux dortoirs à l'étage, que tout le monde a dû vraisemblablement emprunter la nuit avec précaution pour atténuer les craquements des marches.

            Arrivé dans un dortoir, j'étais sur le point de m'installer sur un lit près d'une fenêtre donnant sur la rue quand j'ai vu arriver Bertrand, qui lui s'est mis dans la rangée d'en face. Je n'avais pas encore ouvert mon sac, et, comme si la position de ce lit me gênait, je suis allé dans l'autre dortoir, à deux lits. En vérité, en pensant au gîte de Roquefort, je ne voulais pas me retrouver aux premières loges du concert que Bertrand donne la nuit. J'avais à peine commencé de m'installer de l'autre côté quand j'ai vu arriver les deux Hollandaises de Mont-de-Marsan, qui n'avaient pas assisté à ma manœuvre. Elles m'ont demandé gentiment de prendre un lit dans le dortoir d'où je sortais, car elles voulaient rester ensemble. Je ne pouvais pas refuser. Je suis donc revenu auprès de la fenêtre, résigné à écouter les nocturnes de Bertrand. Tout cela s'est fait délicatement, ce dernier ne s'est rendu compte de rien. Mais j'ai eu une belle récompense : il n'a pas ronflé un seul instant pendant la nuit.

            L'étape étant petite, j'avais suffisamment du temps l'après-midi avant la classique petite tournée en ville, et j'ai même fait une bonne lessive, qui devenait urgente. Et ce d'autant que des séchoirs à linge étaient à la disposition des pèlerins, et qu'un responsable dans l'après-midi nous avait dit que nous pouvions les mettre dehors pour bénéficier au maximum du soleil (voir photo).

Une petite visite de la ville :

            Un retour sur la place de la cathédrale s'imposait, pour des photos, et divers repérages dont des restaurants et des boutiques. Bien entendu, nous avons été conseillés dans le choix de la bonne table. Il n'y a rien de suspect à imaginer, c'est un service important à rendre aux pèlerins.

            En fin d'après-midi, avec Alain et Cor, nous avons fait des courses dans un petit libre-service bien achalandé. Des achats en commun, pour l'étape de demain, où c'est sûr qu'à l'arrivée en pleine campagne, il n'y a aucun commerce.

            Avant d'aller manger, puisque j'avais déjà réservé mon train, il fallait anticiper sur la suite étant donné qu'il ne me restait plus que 5 étapes avant l'arrivée : sur Internet, j'ai vainement essayé de trouver un hôtel pas cher à Paris. Il me restait plus alors qu'à échafauder un plan B. 

Un bon restaurant :
            Le lieu nous a été vivement conseillé au gîte. Tous les quatre, nous nous sommes retrouvés attablés en terrasse, et nous avons négocié avec le patron un petit menu amélioré. J'ai estimé que c'était à mon tour de faire un geste pour le vin : en plus du pichet très basique, compté dans le menu, j'ai offert un « Bordeaux » de qualité acceptable – j'aurais préféré un « Côtes du Rhône », mais il n'y en avait pas. Les deux Hollandaises vues à Mont-de-Marsan qui ont débarqué, et qui
se sont installées à côté de nous, en ont également profité.

            À mon retour vers le gîte, après m'être éloigné de la zone touristique encore animée, la petite ville s'est à nouveau plongée dans le silence : toutes ces grandes demeures sans doute autrefois habitées par des gens importants de la région paraissaient bien figées ; la petite ville de Saint-Sever m'a semblé toujours tournée vers un passé sans doute brillant mais qu'elle ne retrouvera pas dans toutes ses dimensions.