Étape
32 : de Mont-de-Marsan à Saint-Sever : 20 km.
Photo :
Je suis sur la place de l'église de Saint-Sever.
Résumé
de l'étape :
Saint-Sever était une étape
importante pour les pèlerins du Moyen Âge. Dans leurs projets de découpage de
cette voie de Vézelay, les pèlerins d'aujourd'hui devraient prévoir de
s'arrêter dans cette petite ville entre Mont-de-Marsan et Hagetmau. Outre
l'aspect historique, c'est aussi un bon coin pour le gîte et le couvert.
Il faut toujours du temps pour
quitter une grande ville comme Mont-de-Marsan. Le paysage commence à
changer ; le terrain est toujours bien boisé, mais c'est fini les grandes
forêts de pins ; la part consacrée aux cultures et à l'élevage prend le
dessus – le foie gras est un produit-phare de la région. Le terrain devient
vallonné, le Béarn n'est pas loin.
Une étape annoncée 19-20 km, mais en
fait nous avons dû en faire au moins 21, en raison d'une erreur de parcours.
Saint-Sever, sur une hauteur, est une petite ville charmante. Le tourisme y
apporte de l'animation, et les pèlerins de Saint-Jacques continuent la
tradition.
Le
déroulement de l'étape :
Le
paysage change petit à petit :
Il était plus de 8 heures lorsque
nous avons quitté le gîte de Mont-de-Marsan pour Saint-Sever, et c'était tout à
fait normal vu que l'étape ne fait que vingt kilomètres. Après à peine 500
mètres, nous avons fait un passage dans une boulangerie – et c'est là que j'ai
revu l'une de ces femmes qui hier se lançaient avec entrain sur la piste verte
à la périphérie de la ville. Nous avons un peu causé, le temps qu'Alain et Cor
finissent leurs achats et passent à la caisse ; elle s'en allait tout
simplement à son travail.
Le temps était toujours
maussade ; dans la nuit, un petit grain de pluie contre la vitre m'avait
tenu éveillé un court moment.
La sortie de cette grande ville est
longue ; il faut avancer sur des grandes avenues, traverser des carrefours
et passer sous une voie ferrée pour sortir de cette grande agglomération
urbaine.
Mais
la forêt de pins était encore un peu au rendez-vous ; dans une de ces
parties boisées, j'ai entraperçu Bertrand, qui était devant nous. Alain et Cor,
à ce moment, trainaient à l'arrière, accrochés à leurs téléphones. J'ai fait un
effort pour essayer de le rattraper, mais je n'ai pas réussi ; il avait
disparu entre deux parties boisées. Il n'est pas impossible qu'il ait quitté le
balisage, pour toutes sortes de raisons. Sans avoir l'air, il marche
vite !
Mais dans l'ensemble, la grande
forêt n'est plus dominante dans le paysage, il y a plus de zones de culture et
d'élevage. Le pays change au fil des jours.
Nous avons fait une première petite
pause au village de Benquet, devant l'église Saint-Jean-Baptiste, le temps de
manger un fruit ou un pain aux raisins acheté le matin.
Un
repas champêtre :
Nous avons emprunté des petites
routes goudronnées à travers un terrain de plus en plus vallonné. Nous étions bien à l'entrée du Béarn.
Dans
une longue descente, mais en pente douce, Saint-Sever sur une hauteur se devine
malgré la distance. Arrivés sur le plat dans la vallée, nous avions décidé de
faire la pause déjeuner. Non loin d'une grande ferme, en plein milieu d'une
étendue gazonnée, un grand chêne nous attendait, l'endroit idéal pour s'asseoir
et reprendre des forces. Toutes les « munitions » ont
été sorties des sacs, et nous avions bien mangé...
Je crois même qu'Alain a
commencé à faire un petit somme – je résiste à m'y élancer, par précaution,
surtout quand je suis tout seul sur le chemin en raison d'une certaine crainte
de m'enfoncer dans un vrai sommeil et de laisser filer le temps. En général, je
m'assois, mais je ne m'allonge pas. Mais j'ai vu des spécialistes de ce domaine
en 2 011 sur la voie du Puy : Jean-Paul et Babou, mes deux compagnons
d'alors faisaient régulièrement une petite sieste avec un plaisir non
dissimulé.
Un
bien joli coin au bord de l'Adour :
Nous avons quitté notre chêne à
regret, car il y avait encore des kilomètres à faire. Il était temps en effet
d'attaquer la dernière partie de cette étape. Le soleil était avec nous, et
tout se passait bien.
Nous avons donc continué sur une
petite route, sans que quelqu'un ait cru bon de vérifier les préconisations
d’un livre guide. Cette petite voie aboutissait à une impasse à quelques
encablures d'un gros rond-point de circulation tout neuf. Nous avons fait le
tour du giratoire. À mon avis, il n'y avait pas de doute, il suffisait de
prendre la départementale qui mène à notre arrivée, d'autant que la circulation
n'était pas importante. Alain, après avoir consulté son guide, estimait qu'il
valait mieux faire arrière, car bien avant, en suivant le balisage, il aurait
fallu non pas aller tout droit mais tourner à gauche et rejoindre
Sainte-Eulalie dont l'église est bien visible du carrefour où nous étions.
Honnêtement, j'aurais continué, mais j'ai suivi les autres qui voulaient
revenir sur nos pas ; et j'ai finalement bien fait, parce que ce détour vaut
vraiment le coup d'œil, ce qui n'est pas le cas bien souvent quand le chemin
nous balade dans la campagne.
Nous avons mis un peu de temps à
reprendre la petite route sur la gauche que nous n'avions pas vue, pas retenue.
Cette dernière nous a menés à une départementale, que nous avons traversée pour
continuer en face en direction de Sainte-Eulalie. En peu de temps, nous étions
devant la petite église et nous avons tourné à droite en suivant le balisage.
Nous nous sommes retrouvés dans une zone boisée aménagée autour des cultures
avant de rejoindre la rive droite de l'Adour, ce grand fleuve du bassin
aquitain qui se jette dans l'Océan Atlantique après Bayonne et qui m'a rappelé,
avec ses affluents, d'autres périples. Nous avons ensuite suivi une petite
route parallèle au fleuve – c'est toujours reposant de longer des cours d'eau –
qui nous a fait passer sous deux ponts ; puis nous avons remonté sur le
grand pont qui enjambe le fleuve. Nous y sommes restés un bon moment, car c'est
tout un spectacle que l'Adour offre dans ce cadre.
Et nous avons filé vers cette petite
montagne sur laquelle se trouve notre arrivée. Dans un virage à 300 m, alors
que la pente est déjà intéressante, nous sommes arrivés au pied de la
difficulté : nous avons pris un sentier qui monte pratiquement à flanc de
falaise, dans une belle végétation, la « côte de Brille », où
devaient se cacher les défenseurs de la position au temps des guerres de
religion – une interprétation personnelle. Je me suis appliqué à monter à
petits pas, à bien actionner mes bâtons et à souffler fort. Presque
immédiatement après le sommet, nous nous sommes retrouvés en plein dans une
petite ville. Sur le plan purement sportif, quel finish ! Et quelle
récompense !
L'hébergement
des Jacobins, un bon gîte
Rapidement nous nous sommes
retrouvés sur la place de l'église, et cela ne pouvait
pas mieux tomber, l'office de tourisme de la ville s'y trouve.
Nous devions en effet obligatoirement y passer, car nous avions choisi
l'hébergement du cloître des Jacobins, et l'enregistrement et le
paiement pour la nuit se règlent dans ces bureaux.
Nous nous sommes rendus au cloître
des Jacobins – j'ai vu un bâtiment qui m'a semblé quelque peu désert, et des
salles en travaux, de réaffectation sans doute, le destin de ces vieilles
constructions religieuses. Nous sommes tombés sur un hospitalier (un religieux
?) qui nous a conduits dans l’espace du gîte.
Au rez-de-chaussée, se trouvent la
salle d'accueil et la partie cuisine, les sanitaires sont aussi à ce
niveau ; un bel et grand escalier en bois permet d'accéder aux deux
dortoirs à l'étage, que tout le monde a dû vraisemblablement emprunter la nuit
avec précaution pour atténuer les craquements des marches.
Arrivé dans un dortoir, j'étais sur
le point de m'installer sur un lit près d'une fenêtre donnant sur la rue quand
j'ai vu arriver Bertrand, qui lui s'est mis dans la rangée d'en face. Je
n'avais pas encore ouvert mon sac, et, comme si la position de ce lit me
gênait, je suis allé dans l'autre dortoir, à deux lits. En vérité, en pensant
au gîte de Roquefort, je ne voulais pas me retrouver aux premières loges du
concert que Bertrand donne la nuit. J'avais à peine commencé de m'installer de
l'autre côté quand j'ai vu arriver les deux Hollandaises de Mont-de-Marsan, qui
n'avaient pas assisté à ma manœuvre. Elles m'ont demandé gentiment de prendre
un lit dans le dortoir d'où je sortais, car elles voulaient rester ensemble. Je
ne pouvais pas refuser. Je suis donc revenu auprès de la fenêtre, résigné à
écouter les nocturnes de Bertrand. Tout cela s'est fait délicatement, ce
dernier ne s'est rendu compte de rien. Mais j'ai eu une belle récompense :
il n'a pas ronflé un seul instant pendant la nuit.
L'étape étant petite, j'avais
suffisamment du temps l'après-midi avant la classique petite tournée en ville,
et j'ai même fait une bonne lessive, qui devenait urgente. Et ce d'autant que
des séchoirs à linge étaient à la disposition des pèlerins, et qu'un
responsable dans l'après-midi nous avait dit que nous pouvions les mettre
dehors pour bénéficier au maximum du soleil (voir photo).
Une
petite visite de la ville :
Un retour sur la place de la
cathédrale s'imposait, pour des photos, et divers repérages dont des restaurants
et des boutiques. Bien entendu, nous avons été conseillés dans le choix de la
bonne table. Il n'y a rien de suspect à imaginer, c'est un service important à
rendre aux pèlerins.
En fin d'après-midi, avec Alain et
Cor, nous avons fait des courses dans un petit libre-service bien achalandé.
Des achats en commun, pour l'étape de demain, où c'est sûr qu'à l'arrivée en
pleine campagne, il n'y a aucun commerce.
Avant d'aller manger, puisque
j'avais déjà réservé mon train, il fallait anticiper sur la suite étant donné
qu'il ne me restait plus que 5 étapes avant l'arrivée : sur Internet, j'ai
vainement essayé de trouver un hôtel pas cher à Paris. Il me restait plus alors
qu'à échafauder un plan B.
Un
bon restaurant :
Le lieu nous a été vivement
conseillé au gîte. Tous les quatre, nous nous sommes retrouvés attablés en
terrasse, et nous avons négocié avec le patron un petit menu amélioré. J'ai
estimé que c'était à mon tour de faire un geste pour le vin : en plus du
pichet très basique, compté dans le menu, j'ai offert un « Bordeaux »
de qualité acceptable – j'aurais préféré un « Côtes du Rhône », mais
il n'y en avait pas. Les deux Hollandaises vues à Mont-de-Marsan qui ont
débarqué, et qui
se sont installées à côté de nous, en ont également profité.
À mon retour vers le gîte, après
m'être éloigné de la zone touristique encore animée, la petite ville s'est à
nouveau plongée dans le silence : toutes ces grandes demeures sans doute
autrefois habitées par des gens importants de la région paraissaient bien
figées ; la petite ville de Saint-Sever m'a semblé toujours tournée vers
un passé sans doute brillant mais qu'elle ne retrouvera pas dans toutes ses
dimensions.