Étape 5 : jeudi 3 mai 2 018 : Los Arcos :
Par rapport à la sortie
du chemin à Estella, la ville s’est quelque peu étendue, étoffée, mais le
balisage est correct. Et un peu plus haut, alors que les constructions se font
moins importantes, deux itinéraires sont proposés : j’ai choisi celui du
haut. Après une partie parcourue en 2 011 et en 2 014, dans une zone
bien boisée, je me suis engagé dans un chemin vraiment nouveau qui s’écarte des
zones connues pour moi, et je me suis retrouvé dans une partie plus
montagneuse, qui domine en quelque sorte le chemin habituel, que je pouvais
apercevoir au loin, parce que j’étais alors en montagne, en position dominante.
Ce qui m’a rassuré, c’est que je sentais que le nouveau chemin que j’avais
emprunté semblait bien se placer en parallèle au chemin habituel en bas dans la
vallée. Et dans toute cette partie je n’ai pas rencontré âme qui vive. Cela ne
m’a pas vraiment inquiété, mais en marchant j’attendais le moment où j’allais
rejoindre le tracé que j’avais déjà emprunté. Et c’est en descendant en quelque
sorte dans la plaine que j’ai vraiment retrouvé mes repères de 2 011 et 2
014. Et vu d’autres marcheurs en pleine action. Tout redevenait normal ! Photo: le gîte à Los Arcos.
Un espace-temps, dans la longue descente avant Los Arcos : Deuxième jour où je vois les coquelicots sur le chemin, pas en grand nombre, ni de belle qualité, mais ce n’était qu’un début. Les pauvres, ils auraient dû attendre un peu, car aujourd’hui un vent extrêmement froid se faisait constant – il n’y en avait pas des masses d’ailleurs !
Il faisait tellement froid sous un vent assez
fort dans une descente que je me suis mis dans les pas du jeune anglais qui
était parti avant moi. J’avais les yeux tout humides, et je ne regardais pas le
chemin. D’ailleurs, à moment donné, en jetant un œil au bas de cette faible
descente, et ayant reconnu le paysage, je lui ai dit que nous avons commencé à
dévier sur un autre chemin de randonnée, et me repérant par rapport à une
petite colline boisée où je m’étais reposé en 2 014, j’ai pu corriger
notre trajectoire, et rétablir la situation. Je suis resté dans son sillage
jusqu’à Los Arcos, le froid sous le vent ne baissait pas, d’ailleurs le petit
soleil qui sortait de temps à autre était bien pâle.
À noter que dans le
dernier tiers du parcours, dans ces grandes parties en ligne droites à travers
des champs en préparation pour des cultures, je suis tombé sur un petit bar où
j’ai pu prendre un café chaud et un jus d’orange – les meilleurs du monde, à
considérer les circonstances dans lesquelles je me trouvais.
Pour ne pas me
compliquer la vie, j’ai pris le gîte habituel, pratiquement à l’entrée de la
ville, et l’anglais lui a continué, je ne l’ai plus revu. Et le jeune Anglais,
sans dire un mot, m’a fait comprendre qu’il continuait le chemin. Photo: on mange bien à Los Arcos.
Et ce fut le rituel habituel après la douche : aller au centre pour manger un peu, c’était encore une épreuve avec le vent froid qui continuait de souffler.
Toute la nuit une
question n’a pas cessé de me tarauder l’esprit : l’évolution de l’état de
santé de mon frère. Le lendemain matin, j’ai pris la décision d’arrêter ma
marche et de me rendre à Marseille. Le responsable du gîte m’a aidé à trouver
un enchaînement de bus pour sortir d’Espagne : un pour Logrono, et un
deuxième pour Irun. Et il ne restait plus qu’à prendre le petit métro qui va à
Hendaye – et, le lendemain, un Hendaye – Marseille en train en passant par
Bordeaux – les réservations ont été faites sur mon portable. Photo: Je suis avec Janick sur le "Vieux Port, à Marseille, un an avant sa mort.
Et c’est à Hendaye alors que je traversais la gare que la nouvelle est tombée sur mon portable, de la part de mon frère Benjamin qui vit en Bretagne : Janick venait de nous quitter. J’avais bien anticipé – Inutile de dire que dans ce long trajet en train, le lendemain, une question tournait en boucle dans ma tête, sans que je puisse pour autant apporter une réponse sûre : est-ce que je reprends le chemin de Compostelle après les funérailles ? – je ne savais pas encore que le temps à passer à Marseille allait être bien long – attendre que les membres de la famille vivants (ou en séjour) dans l’Hexagone y rappliquent, pour découvrir aussi un peu plus tard que compte tenu de 2 jours fériés dans la semaine, le service d’incinération était embouteillé. En réalité, j’ai dû rester plus d’une semaine à Marseille, une ville où j’ai quelques racines : j’y ai vécu un peu plus de 4 années en cité universitaire.
Photo: se réchauffer à Los Arcos.
Où que tu sois, et quelles que soient les circonstances, ne pas perdre de vue l’essentiel et atteindre les objectifs prioritaires. La veille de mon départ de Marseille, ma décision est prise : après avoir participé à un grand repas entre familles et amis, j’ai senti que je me devais de repartir sur le camino Francès – j’ai changé de tenue entre deux voitures non loin du restaurant. Je ne savais pas encore que la soudure avec la partie réalisée avant serait bien difficile – en fait, en partant d’Irun (près d'Hendaye), le système le plus simple et le plus rapide, pour une question de transport en bus, me conduisait non pas à Los Arcos, mais à Burgos – le plus important alors était donc de continuer sur la partie Burgos – Santiago, soit une bonne vingtaine d’étapes. Ce qui m’a aussi réconforté dans ce choix, c’est que dans ce long trajet en bus, assis à l’avant du véhicule, en plusieurs fois j’ai vu des pèlerins qui avançaient sur des sentiers dans le paysage. J’avais bien repris le contact avec mon chemin de Compostelle.