Étape 14 :
Hornillos del Camino – Itero de la Vega, mardi 13 mai 2 014, ~ 30 km
Photo : l'albergue d'Itero de la Vega.
Résumé de l'étape :Si tant est qu'il soit possible de définir une belle étape par la variété des paysages, des profils géographiques avec montées, descentes et lignes droites, toutes bien franches, par un type de temps qui allie un assez bon ensoleillement, des températures propices à la marche et de bonnes rencontres au cours de la journée qui aident à supporter les distances, et par une réactivité plus personnelle cette étape en est une
Au sortir d’Hornillos, c'est le passage par des plis de terrain avant de retrouver la Meseta et ses champs de blé tout verts à cette époque et la plongée dans le vallon où s'abrite le village d'Hontanas (voir photo), dans un vrai décor de western – il ne manquait plus que les cavaliers sur les crête
Puis, c'est un cheminement par des petits vallons qui conduisent aux ruines de San Anton (voir photo) toujours pimpantes grâce au chemin de Compostelle avant d'arriver au village de Castrojeriz accroché au flanc d'une colline aux courbes bien nettes au sommet de laquelle les ruines d'un château continuent de défier le temps. Et enfin, la célèbre montée de l'Alto de Mostelares, un véritable mur à franchir, un test de fraîcheur par excellence pour le pèlerin compte tenu du toujours lourd du sac-à-dos avant de descendre dans la plaine pour trouver un peu plus loin les bois de hêtres qui annoncent l’arrivée à Itero de la Véga.
Comme tous les matins sur le haut plateau, il faisait froid en remontant la rue principale d'Hornillos, mais chacun pouvait lire dans le ciel que la journée s'annonçait belle. Quand je suis arrivé à la sortie du village, presque en face de la bascule de pesage qui est sur la droite, j'ai pensé aux bons moments passés à la caravane des Martin (Françoise et Olga en 2 011 ; Henri faisait toutes les étapes à vélo et Jojo conduisait le fourgon qui tractait la caravane) où, en 2 011, avec Jean-Paul, Babou et Christian où nous avons pris l'apéritif avant d'aller dîner ensemble au centre du village.
En montant dans
un petit bois, je m'attendais à retrouver au plus vite la Meseta - ce plateau
d'une grande austérité, torride en été et glacial en hiver, 800/900 m
d'altitude. Et ces champs de blé à l'infini, et les éoliennes. Ce que j'attendais le plus en ce début de matinée, c'était le
basculement dans la cuvette d'Hontanas. J'ai dû patienter pendant assez
longtemps et « apprécier » le poids de mon sac, et me faire dépasser par des
pèlerins. Mais j'ai dû, moi aussi, doubler d'autres dont certains en plein
effort me souriaient quand je passais à leur hauteur – telle cette Allemande de
forte corpulence que j'avais déjà rencontrée, qui souffrait véritablement mais
qui ne renonçait pas.
Enfin ce fut le
point le plus haut, et il a fallu encore un moment avant que je ne
redécouvrisse le clocher de l'église du village émergeant de la crevasse, pour
entamer ensuite la descente vers Hontanas – l'approche du village a été bien
aménagée.
J'attendais
surtout de revoir une petite boulangerie-pâtisserie à ma gauche, mais je ne
l'ai point trouvée. Existe-t-elle encore ? C'est un café sur la droite qui
attira mon attention. Il fallait patienter, car il y avait autant de pèlerins à
l'extérieur qu'à l'intérieur. Mais le service était ultra rapide, efficace –
pour une fois ils étaient deux à la tâche. J'ai fini par trouver une petite
place à une table, et j'ai pris tout mon temps pour apprécier un bon petit déjeuner.
Ensuite, le
chemin conduit naturellement à la sortie du village, et file par un petit
vallon, pour devenir un sentier à travers des herbes, quelque peu creusé dans
le sol par endroits, et à flanc de colline. Il débouche sur une piste un peu
plus large qui mène à la route de Castrojeriz. Et en peu de temps, les ruines
de San Anton, cet ancien couvent, étaient en vue.
De nombreux
visiteurs sur le site, des gens en habits de ville, débarquaient de petits
transports de voyageurs ou s'y engouffraient – je ne me suis pas rendu de près
pour aller le vérifier, j'avais des photos à faire, mais il m'a semblé que
l’équipe des « précieuses » en faisait partie, mais je ne saurai
vraiment l'affirmer. J'ai fait un petit tour à l'intérieur où j'ai vu un petit
refuge plutôt sommaire, une nuit froide ici doit être une vraie épreuve.
J'ai repris la
route de Castrojeriz, et dans cette longue
ligne droite qui mène à la colline où trônent les ruines d'un château, et à ses
pieds l'église Notre-Dame-du-Pommier. Des marcheurs
défilaient devant moi. Mais cela ne m'a mis aucune pression, beaucoup
s'arrêtent ici pour mieux répartir les difficultés du terrain. Il faut dire
aussi que le village d'Itero la Vega n'est pas d'un grand attrait pour les
pèlerins.
Mieux découvrir le village de Castrojeriz :
Ce village est
accroché au bas du flanc de la colline. Après un passage à
l'église que j'ai perçue une fois de plus comme un musée – il est vrai qu'une
chorale y donne de belles prestations, mais, en deux fois, je n'ai eu ni le
temps ni l'occasion d'assister à une telle démonstration –, le chemin emmène le
marcheur au centre du village ; puis, dans la remontée par une petite rue
au cours de laquelle le fait d'être carrément sous le sommet de la colline
impressionne, je suis tombé sur un bar-restaurant, qui m'a
paru bien fonctionnel. J'étais le seul client, et j'ai pris un 2e
petit-déjeuner, car je savais qu'une difficulté majeure m'attendait un peu plus
loin. C'était aussi l'occasion de me faire préparer un sandwich à mon goût pour
midi. Mais la priorité des priorités était de trouver une pharmacie. Pour le
serveur, c'était simple : faire un petit retour sur ses pas, prendre la
route qui descend à gauche, et c'est en bas ! Mais la réalité n'est pas si
évidente : dans cette descente, il y a toutes sortes de petits
embranchements, et en bas je n'ai rien trouvé. Il a fallu que je demande à une
dame qui m'a donné des indications un peu plus précises. J'ai fini par
atteindre mon but : cette pharmacie était presque sur la grande route qui
passe tout en bas du village. J'ai pu me procurer mon arnica, ce n'était pas le
gel habituel que j'utilise, mais le pharmacien qui parle un peu le français m'a
proposé une formule qui s'est révélée par la suite pas mal non plus : il y
avait d'autres composants pour l'entretien de mes pieds. J'ai pu aussi me
procurer une formule autour du paracétamol, car ma petite gêne à la gorge était
toujours présente. Mais, pendant cette recherche, j'ai pu résoudre un autre
problème en attente depuis Burgos. Dans cette dernière grande ville, j'avais
essayé de me procurer un peu de liquide à un gabier non loin de la place de la
cathédrale, mais l'appareil refusait ma carte bancaire à chaque tentative –
j'avoue que j'ai même pensé à une arnaque. Je suis tombé par hasard sur une
banque qui était fermée, mais l'accès à un distributeur extérieur était
possible. J'ai pu ainsi refaire ma petite réserve d'argent liquide,
indispensable pour régler les dépenses courantes sur le chemin.
Et le passage de l'Alto de Mostelares :
Photo: au loin, en arrière-plan, le tracé de cette montée de l'Alto de Mostelarès.Pour retrouver
le chemin que je venais de quitter en haut du village, j'ai décidé simplement
de suivre la grande route qui devait me conduire aussi à la sortie de cette
agglomération. Je ne m'étais pas trompé, je suis tombé sur un grand rond-point
avec plein d'embranchements, mais je m'étais bien orienté dans le paysage (par
la boussole solaire aussi !) puisque d'un coup d'œil, j'avais repéré au loin la
fameuse montée de Mostelares. C'est en fait un véritable mur de plus de 130 m
de haut à gravir ! Et la piste pour y aller part en face de mon point
d'arrivée dans ce rond-point. Pour se rapprocher de ce mur, je suis passé sur
un ancien pont romain à arches et j'ai franchi le rio Odrilla sur une
passerelle en bois. J'étais au pied de cette montée. Le soleil, bien présent,
n'était pas cuisant comme en 2 011. Deux pèlerins se reposaient à l'ombre et ne
semblaient pas pressés de partir. J'ai déposé mon sac pour refaire quelques
petits réglages et boire calmement une bonne rasade d'eau. J'ai attaqué ensuite
la montée, mais vraiment « petit braquet ». Dans le premier tiers la
pente est rude, mais j'étais à l'aise parce que très motivé, et surtout heureux
de me sentir mieux qu'en 2 011, à cet endroit, pour autant que je m'en
souvienne ; dans le deuxième tiers, la pente s'assouplit légèrement, mais la fatigue
commençait à se faire sentir, et la tendance était plutôt à bien lever la tête
pour entrevoir le sommet ou encore à se retourner pour tenter de se faire une
idée de l'ascension déjà faite en appréciant la différence d'altitude entre le
point où je me trouvais et le village en bas dans la plaine ; dans le dernier
tiers, la pente se redresse à nouveau, et c'est comme toujours dans les
ascensions en montagne : après le dernier virage attendu, il y a encore un
autre, et encore un autre, ainsi de suite. L'arrivée sur le plateau au sommet
est une délivrance, un bonheur ! Cette fois-ci, il n'y avait pas ce vent
froid de 2 011 qui avait entraîné un refus de m'arrêter alors que les autres du
groupe voulaient faire une pause, car tout en sueur je craignais de prendre
froid.
J'ai traversé
un plateau aride sur près d'un km avant d'entamer une descente raide sur une
piste plus ou moins bétonnée et je me suis retrouvé dans une belle plaine avec des champs – j'ai constaté
aussi que le chemin qui se glisse dans cette plaine est bien plus large
aujourd'hui et que le balisage est aussi bien meilleur. J'ai retrouvé une
légère remontée pour arriver à une aire de repos où j'ai descendu mon sac sur
un banc pour souffler un peu et manger mon sandwich. Petite déception : je
n'ai pas revu le vendeur de fruits qui juste à côté proposait aussi un très bon
jus d'orange nature. Je savais que dans cette étape difficile l'essentiel était
fait et qu'il ne me restait plus qu'à rallier Itero de la Vega ; mais, pour une
fois, je n'avais plus de souvenir de ce village étape.
Retrouver Itero de la Vega :
Après que j'ai
quitté cette aire de repos, et à un peu plus d'un km, j’ai revu sur la gauche
de la piste le refuge construit à partir des bâtiments d'un ancien hôpital. Il
m'a semblé un peu plus attractif que la dernière fois. Et aussi cette rivière
que j'ai franchie sur un grand pont, et, bien entendu, le panneau annonçant
l'entrée dans la région de Palencia. Puis, j'ai pris un chemin gravillonné qui
serpente sous les arbres tout en restant proche de la rivière – cette approche
de l’arrivée a été modifiée en 2 018. Ce fut le déclic, bien avant que je ne
découvrisse la plaque annonçant Itero de la Vega (voir photo). Instantanément,
j'avais retrouvé l'image du gîte qui est un peu caché par un bois de hêtres. Je
me suis surtout souvenu du pollen de ces arbres, qui fait penser à de la neige
dans le décor, et qui envahissait toute la cour et se déposait un peu partout,
y compris sur les vêtements lavés étendus sur les cordes à linge. C'est ce qui
a en quelque sorte réinitialisé ma mémoire. Mais cette fois-ci, il n'y avait
pas encore le moindre « flocon. J'allais retrouver les équipements de
cette albergue que j'avais déjà eu l'occasion d'apprécier. Et surtout le bar et
le restaurant ! Et ce d’autant qu’il n’y a rien à visiter dans le coin…
Un bon gîte (voir photo) :
De bons petits dortoirs, un bar-restaurant où il est possible de se faire servir un peu de tout et à n'importe quel moment de la journée, une boutique d'alimentation et une grande cour. Et surtout du wi-fi ! En cette année 2 014, j'ai vu arriver une Française en fin de journée, pas très causante, de la catégorie de pèlerins qui n'arrivent pas à se détacher du chemin et qui ont l'air d'être un peu perdus – si tant est que l'on puisse dire qu'une telle catégorie existe, et qu'il soit possible de cerner la personnalité des gens rencontrés en si peu de temps. Très difficile de s'en faire une idée objective. Je ne l'ai pas revue au restaurant, et nous sommes partis à peu près en même temps le lendemain.
En 2 018,
le même dispositif était en place ; à ceci près que, cette fois-ci je fus
placé dans une grande chambre avec tous les équipements tout près du dortoir de
2 014. Une jeune femme y était déjà ; et des lits à l’approche de la
nuit furent encore disponibles. Et c’est avec cette dernière que je suis allé
au restaurant… pour découvrir une pèlerine un peu particulière : tout à
fait prête à discuter d’un peu de tout, sauf de sa situation personnelle. Mais
c’était sa liberté ! Qui devait être respectée ! Pour découvrir le
lendemain de bon matin qu’elle ne portait pas son sac sur le dos mais sur une
espèce de petit chariot qu’elle trainait derrière elle. Elle a filé comme le
vent, et je ne l’ai jamais plus revue sur la suite du Chemin !