Étape
5 : Brécy, 19 km : jeudi 21 mai 2 015 – voir la carte.
Photo :
Le bar-restaurant de Claudette, au centre de Brécy.
Résumé :
« Couy - Brécy » est
une petite étape, sans aucune grande difficulté, à travers des champs et des
bois. Je l'ai effectuée sous un beau soleil, mais il faisait froid. Deux
agglomérations traversées : Baugy et Villabon. Le passage le plus souvent
par des départementales s'est imposé presque naturellement – il n'y a pas de
grande circulation sur ces routes.
Ce qui a fait le charme de cette
étape, c'est mon arrivée à Brécy, et la découverte, à mon sens et pour le peu
de temps que j'y ai passé, d'un lieu de vie caractérisé dans cette campagne du
Berry : le bar-restaurant de Claudette. C'est cette dernière qui gère en
quelque sorte les clés du foyer rural, un espace à l’étage du bâtiment où 4
places sont à la disposition des pèlerins.
Un
itinéraire simple et rapide :
Le soleil était au rendez-vous ce
matin-là à Couy, mais le froid piquait au départ. La responsable de mon
hébergement m'a conseillé de reprendre le chemin par où j'étais arrivé la
veille et de partir à gauche à la prochaine intersection : le balisage est
là et il vous sera facile d'emprunter la D53, m'a-t-elle dit. Mon plan
indiquant un chemin dans la campagne pratiquement parallèle à la D53 et à la
D10, j'ai pris ces départementales pour rallier Baugy. Ensuite, le balisage colle à la D12,
jusqu'à Villabon, et continue ensuite dans une
belle et dense forêt où la circulation n'est pas intense – il y a même de
jolies plantes sur les bas-côtés.
Quand j'étais dans ces bois, tous
mes sens étaient en éveil. Mais pour une fois j'ai trouvé cette traversée
plutôt reposante.
J'ai repris une autre départementale
qui m'a mené à un carrefour où passe la N151, que j'ai traversée sans problème,
et je suis allé ensuite directement à Brécy. Presque étonné de me retrouver
dans une petite ville en pleine campagne !
Il y a de belles maisons dans cette
petite agglomération ; en cette fin de matinée, il n'y
avait pas grand monde dans la rue principale. Mon objectif était de repérer le
bar-restaurant de Claudette (voir photo) où je devais retirer les clés
du foyer rural, un hébergement des plus simples qui fonctionne depuis des
années où j'avais prévu de me loger.
Le
bar-restaurant de Claudette, un centre de vie du village :
Je n'ai pas eu à le chercher, la rue
qui mène à la place centrale débouche directement dans ce lieu, et le
positionnement de la maison fait que le regard y est automatiquement attiré. Il
était un peu plus de 13 heures, et en y entrant, j'ai été surpris de voir la
grande salle encore pleine de clients : des travailleurs de toutes
catégories, attablés, en individuel mais aussi en groupe. Tout ce monde du travail
mangeait d'un bel appétit ; sur chaque petite table trônait une bouteille
de vin, et qui s'interpellait. Tout le monde parlait un peu à tout le monde, il
y avait une bonne ambiance dans la salle.
Claudette, une femme débordante
d'activités, semblait bien être au four et au moulin, échangeant un mot avec
les uns et les autres quand elle passait entre les tables, lançant des ordres
aux divers personnels de service : elle était à la caisse et servait aussi
en salle, bien que deux autres personnels attachés à divers services fussent
aussi de la partie ; elle tenait aussi le tabac de l'établissement quand
se présentaient des clients intéressés, et faisait aussi quelques va-et-vient
salle à manger cuisine.
J'ai eu un peu de peine à trouver
une petite place dans un coin pour déposer mon sac-à-dos et mes bâtons, et
pendant quelques instants j'ai hésité à interpeller la maitresse des lieux.
Mais elle m'avait vite repéré, et du regard, elle m'a fait signe de m'approcher
du bar. Je l'avais eue au téléphone la veille pour lui prévenir de mon arrivée.
Je n’avais pas fini de me présenter
qu'elle m'avait donné les clés du foyer rural, tout en me disant : c'est
sur votre droite, à 100 m d'ici, près des pompiers ; il faut prendre un
escalier extérieur pour monter au dortoir. Et elle avait ajouté : une dame
aussi doit venir ! Pour enchainer : vous mangez tout de suite ?
Non, lui ai-je répondu. Après la douche, je passerai prendre un sandwich. À
tout à l'heure, m'a-t-elle dit encore.
La
découverte de mon hébergement :
Je n'ai eu aucune difficulté à
trouver le foyer rural. Dans
les clés que Claudette m'a remises, une ouvrait les solides portes vitrées des
deux entrées au rez-de-chaussée. Une bonne serrure, sans problème – si j'en
parle, c'est parce que j'aurai l'occasion de revenir sur les serrures des
portes des gîtes. J'ai visité tout le bas de l'édifice : près de l'entrée,
un coin cuisine à gauche et des sanitaires à droite ; un peu plus loin, à
un niveau légèrement inférieur un large espace pour des activités
sportives ; au fond se trouve une scène, et sur les côtés de la salle des
chaises pliantes pour les spectacles.
J'ai ouvert et refermé toutes les
portes donnant sur l'extérieur, si bien que je craignais qu'un bon citoyen du
coin ne pût s'empêcher de me prendre pour un cambrioleur. Mais je ne trouvais
toujours pas d'escalier donnant accès à l'étage, qui est seulement sur le
devant de la structure. J'ai fait le tour du bâtiment.
J'étais sur le point de retourner voir Claudette, mais par amour-propre, je me
suis dit qu'il fallait inspecter méthodiquement cette bâtisse – il ne peut pas
y avoir d'escalier secret dans un espace public. Du côté du petit jardin, j'ai
découvert une autre porte qui ne s'ouvre qu'avec la 2e clé, et qui donne accès
à un escalier très étroit et à pic. En le prenant, je suis arrivé à une
première petite pièce à l'étage qui s'ouvre elle-même sur une autre salle en
longueur servant de dortoir. Ce dortoir est meublé d'une table et de quatre chaises,
d'une armoire, d'un petit meuble, et de 2 lits – je n'ai découvert qu'un peu
plus tard 2 autres lits pliants rangés dans un coin. J'ai pris celui où il y
avait déjà une autre chaise faisant fonction de table de nuit où je pouvais
déposer des affaires. Ce qui ne m'a pas empêché d'en prendre une 2e en soirée
quand j'ai compris que je serai tout seul dans cet espace.
Ce n'est que le lendemain matin,
alors qu'il était encore trop tôt pour aller prendre le petit-déjeuner chez
Claudette, que j'ai découvert sur le meuble bureau un dossier d'enregistrement
des passages, où j'ai mis une petite appréciation – généralement je ne fais que
souligner les points positifs de l'hébergement – et la boîte donativo. Je suis
toujours réglo : connaissant les difficultés des petites communes à
entretenir de tel gîte pour les pèlerins, je mets toujours 10 €, à peu près à
la hauteur du prix dans un gîte municipal où un hospitalier enregistre les
arrivées et encaisse l'argent du séjour.
De
la bonne bouffe chez Claudette, et pour pas cher !
Après mon installation et un passage
à la douche au rez-de-chaussée, ce qui implique qu'il faille s'habiller pour y
aller et retourner au dortoir et donc passer obligatoirement dans la rue
principale du village, je suis allé prendre un sandwich « Chez
Claudette ». Les têtes du midi n'étaient plus là, bien entendu, mais il y
avait encore une bonne circulation de clients dans la salle principale :
le travailleur du coin qui passe boire un verre rapidos ; le fumeur qui
vient s'acheter des cigarettes ; et, bien entendu, un ou deux
« piliers plantés au bar » qui participaient d'une certaine manière à
l'accueil puisque toute personne qui entrait leur adressait un petit mot...
c'est dire s'ils étaient connus à ce poste.
J'étais à peine assis qu'un jeune
serveur est venu prendre ma commande, et peu de temps après j'attaquais un gros
classique pour lequel la maison ne mégotte ni sur le jambon ni sur le fromage.
Même en dehors des repas, il y avait une vraie ambiance dans cet établissement.
Claudette est venue me demander si tout allait bien ; je lui ai fait part
de ma surprise en constatant que dans presque tout le village, j'avais des
difficultés à avoir une connexion téléphonique ou Internet. C'est un peu pareil
dans tout le département, nous sommes dans le Berry, un des plus vieux terroirs
agricoles de France, m’a-t-elle répondu en levant les bras au ciel ; mais,
sur la place en face de chez moi, il y a une petite zone où la connexion est un
peu meilleure à certains moments de la journée, m'a-t-elle dit encore. Ce
n'était pas faux, mais encore insuffisant pour ce que j'avais à faire. J'en ai
tout de suite tiré une conclusion : demain, ce sera la première fois que
je prendrai un départ sans avoir réservé une place dans un gîte pour le
soir ; mais comme c'était pour Bourges, une grande ville, j'avais toutes
les chances de régler le problème pendant la marche au cours de la
journée ; en chemin, je finirai bien par trouver un coin où le téléphone
« passe bien ».
Le soir, j'ai eu un bon dîner ; et
du moment qu'un client s'asseyait pour manger, le serveur déposait tout de
suite une bouteille de vin sur sa table. La clientèle n'était plus tout à fait
la même : c'étaient plus des familles qui venaient manger, le bar était
toujours bien occupé par des travailleurs qui passaient prendre l'apéritif
avant de retourner chez eux. Mais j'ai retenu la bonne ambiance, et surtout
l'impression que je faisais partie du village, que j'étais intégré à ce lieu de
vie, et, pourtant j'étais toujours en habit de marcheur : pantacourt,
T-shirt et polaire, et que mon chapeau était bien visible à côté de moi. Et
c'est dans une certaine sérénité, très content de ma journée, que j'ai regagné
mon « foyer rural », même après avoir entendu à la radio que la vague
de froid devait continuer jusqu'à la semaine prochaine.
Quand
la réalité s'impose : une stratégie pour la nuit
Le début de la nuit allait être plus
ou moins agité : la lumière venant des lampadaires de la rue éclairait
l’intérieur du petit logement – il n’y avait que des fenêtres vitrées qui
l’isolaient de l’extérieur – et me tenait éveillé, sans compter que deux ou
trois jeunes ont continué à taper dans le ballon à côté du bâtiment, près du monument aux Morts, jusqu'à 21 H. Et vraisemblablement, après les rencontres, en attendant que leurs parents
viennent les chercher en voiture, ils ont continué à s'amuser dans la rue juste
en dessous du dortoir. Il n'était pas question de leur faire la moindre
remarque, le résultat aurait été à l'opposé de l'attente. J'ai donc utilisé ce
temps qu'il me restait avant que le sommeil ne m'attrape pour résoudre un autre
problème, plus relax quoique important, qui me faisait même rire par moments
sur mon lit : comment descendre de l'étage pour aller faire pipi dans les
toilettes au rez-de-chaussée quand il faut au préalable prendre l'escalier,
ouvrir et refermer à clé une première
porte, passer par le petit portail du jardin à la rue principale, et ouvrir
encore deux portes d'entrée au rez-de-chaussée pour accéder aux toilettes, sans
oublier de les refermer derrière moi pour éviter des intrusions. Et ce d'autant
que dehors il faisait un froid de canard ! Je m'imaginais habillé comme pour
marcher et couvert de mon chapeau, avec en plus mon poncho pour bien m'isoler
du froid, et une petite lampe à la main – heureusement il n’a pas plu ce
soir-là. Je m'imaginais aussi dans cet accoutrement rencontrer dans la rue un
passant qui ne connaissant pas le contexte et qui ne serait que plus intrigué
de me voir ouvrir l'entrée principale du foyer. Il aurait donc fallu guetter
des deux côtés pour voir si quelqu'un ne débouchait pas en ces lieux. Et ce, à
l'aller comme au retour ! J'ai même
pensé à la performance à réaliser en cas d'un vrai dérangement intestinal en
pleine nuit... Tout peut arriver sur le chemin !
Ils avaient matché sur les espaces sportifs en face du foyer, derrière le
monument aux morts et aussi près de l'église.
J'avais donc tout intérêt à
peaufiner ma stratégie avant que le sommeil ne m'engloutisse, quand j'ai vu
dans un coin du dortoir un seau. Tout de suite mon esprit a échafaudé un plan
B : et si ce sceau en plastique n'était pas destiné au lavage de
vêtements ? En effet, il pouvait aussi servir de pot de chambre, ce qui
simplifierait la situation, à la condition, bien entendu, de le vider en bas et
de le laver correctement le lendemain. Alors, plan A ou plan B ? Je n'ai
pas le souvenir d'avoir fait un choix, j'ai tout simplement essayé de préparer
une réponse tout à fait détachée pour le cas où Claudette m'aurait
subrepticement interrogé à ce sujet le lendemain matin, car je commençais à me
glisser dans une nappe de sommeil, tout en essayant d'imaginer ce que d'autres
auraient fait à ma place. Quelques-uns de mes amis, même à leurs âges, et pour
proches qu'ils soient de l'esprit pèlerin, dans de telles circonstances
auraient pu opter pour ce qu'il y a de plus naturel à faire par une des
fenêtres donnant sur la rue principale, et peut-être même en chantant ! Il
y en a qui ne vieillissent pas !