lundi 19 août 2019


Étape 5 : Brécy, 19 km : jeudi 21 mai 2 015 – voir la carte.



Photo : Le bar-restaurant de Claudette, au centre de Brécy.



Résumé :

            « Couy - Brécy » est une petite étape, sans aucune grande difficulté, à travers des champs et des bois. Je l'ai effectuée sous un beau soleil, mais il faisait froid. Deux agglomérations traversées : Baugy et Villabon. Le passage le plus souvent par des départementales s'est imposé presque naturellement – il n'y a pas de grande circulation sur ces routes.

            Ce qui a fait le charme de cette étape, c'est mon arrivée à Brécy, et la découverte, à mon sens et pour le peu de temps que j'y ai passé, d'un lieu de vie caractérisé dans cette campagne du Berry : le bar-restaurant de Claudette. C'est cette dernière qui gère en quelque sorte les clés du foyer rural, un espace à l’étage du bâtiment où 4 places sont à la disposition des pèlerins.



Un itinéraire simple et rapide :

            Le soleil était au rendez-vous ce matin-là à Couy, mais le froid piquait au départ. La responsable de mon hébergement m'a conseillé de reprendre le chemin par où j'étais arrivé la veille et de partir à gauche à la prochaine intersection : le balisage est là et il vous sera facile d'emprunter la D53, m'a-t-elle dit. Mon plan indiquant un chemin dans la campagne pratiquement parallèle à la D53 et à la D10, j'ai pris ces départementales pour rallier Baugy. Ensuite, le balisage colle à la D12, jusqu'à Villabon, et continue ensuite dans une belle et dense forêt où la circulation n'est pas intense – il y a même de jolies plantes sur les bas-côtés.


            Quand j'étais dans ces bois, tous mes sens étaient en éveil. Mais pour une fois j'ai trouvé cette traversée plutôt reposante.

            J'ai repris une autre départementale qui m'a mené à un carrefour où passe la N151, que j'ai traversée sans problème, et je suis allé ensuite directement à Brécy. Presque étonné de me retrouver dans une petite ville en pleine campagne !

            Il y a de belles maisons dans cette petite agglomération ; en cette fin de matinée, il n'y avait pas grand monde dans la rue principale. Mon objectif était de repérer le bar-restaurant de Claudette (voir photo) où je devais retirer les clés du foyer rural, un hébergement des plus simples qui fonctionne depuis des années où j'avais prévu de me loger.



Le bar-restaurant de Claudette, un centre de vie du village :

            Je n'ai pas eu à le chercher, la rue qui mène à la place centrale débouche directement dans ce lieu, et le positionnement de la maison fait que le regard y est automatiquement attiré. Il était un peu plus de 13 heures, et en y entrant, j'ai été surpris de voir la grande salle encore pleine de clients : des travailleurs de toutes catégories, attablés, en individuel mais aussi en groupe. Tout ce monde du travail mangeait d'un bel appétit ; sur chaque petite table trônait une bouteille de vin, et qui s'interpellait. Tout le monde parlait un peu à tout le monde, il y avait une bonne ambiance dans la salle.

            Claudette, une femme débordante d'activités, semblait bien être au four et au moulin, échangeant un mot avec les uns et les autres quand elle passait entre les tables, lançant des ordres aux divers personnels de service : elle était à la caisse et servait aussi en salle, bien que deux autres personnels attachés à divers services fussent aussi de la partie ; elle tenait aussi le tabac de l'établissement quand se présentaient des clients intéressés, et faisait aussi quelques va-et-vient salle à manger cuisine.

            J'ai eu un peu de peine à trouver une petite place dans un coin pour déposer mon sac-à-dos et mes bâtons, et pendant quelques instants j'ai hésité à interpeller la maitresse des lieux. Mais elle m'avait vite repéré, et du regard, elle m'a fait signe de m'approcher du bar. Je l'avais eue au téléphone la veille pour lui prévenir de mon arrivée.

            Je n’avais pas fini de me présenter qu'elle m'avait donné les clés du foyer rural, tout en me disant : c'est sur votre droite, à 100 m d'ici, près des pompiers ; il faut prendre un escalier extérieur pour monter au dortoir. Et elle avait ajouté : une dame aussi doit venir ! Pour enchainer : vous mangez tout de suite ? Non, lui ai-je répondu. Après la douche, je passerai prendre un sandwich. À tout à l'heure, m'a-t-elle dit encore.



La découverte de mon hébergement :

            Je n'ai eu aucune difficulté à trouver le foyer rural. Dans les clés que Claudette m'a remises, une ouvrait les solides portes vitrées des deux entrées au rez-de-chaussée. Une bonne serrure, sans problème – si j'en parle, c'est parce que j'aurai l'occasion de revenir sur les serrures des portes des gîtes. J'ai visité tout le bas de l'édifice : près de l'entrée, un coin cuisine à gauche et des sanitaires à droite ; un peu plus loin, à un niveau légèrement inférieur un large espace pour des activités sportives ; au fond se trouve une scène, et sur les côtés de la salle des chaises pliantes pour les spectacles.

            J'ai ouvert et refermé toutes les portes donnant sur l'extérieur, si bien que je craignais qu'un bon citoyen du coin ne pût s'empêcher de me prendre pour un cambrioleur. Mais je ne trouvais toujours pas d'escalier donnant accès à l'étage, qui est seulement sur le devant de la structure. J'ai fait le tour du bâtiment. J'étais sur le point de retourner voir Claudette, mais par amour-propre, je me suis dit qu'il fallait inspecter méthodiquement cette bâtisse – il ne peut pas y avoir d'escalier secret dans un espace public. Du côté du petit jardin, j'ai découvert une autre porte qui ne s'ouvre qu'avec la 2e clé, et qui donne accès à un escalier très étroit et à pic. En le prenant, je suis arrivé à une première petite pièce à l'étage qui s'ouvre elle-même sur une autre salle en longueur servant de dortoir. Ce dortoir est meublé d'une table et de quatre chaises, d'une armoire, d'un petit meuble, et de 2 lits – je n'ai découvert qu'un peu plus tard 2 autres lits pliants rangés dans un coin. J'ai pris celui où il y avait déjà une autre chaise faisant fonction de table de nuit où je pouvais déposer des affaires. Ce qui ne m'a pas empêché d'en prendre une 2e en soirée quand j'ai compris que je serai tout seul dans cet espace.

            Ce n'est que le lendemain matin, alors qu'il était encore trop tôt pour aller prendre le petit-déjeuner chez Claudette, que j'ai découvert sur le meuble bureau un dossier d'enregistrement des passages, où j'ai mis une petite appréciation – généralement je ne fais que souligner les points positifs de l'hébergement – et la boîte donativo. Je suis toujours réglo : connaissant les difficultés des petites communes à entretenir de tel gîte pour les pèlerins, je mets toujours 10 €, à peu près à la hauteur du prix dans un gîte municipal où un hospitalier enregistre les arrivées et encaisse l'argent du séjour.



De la bonne bouffe chez Claudette, et pour pas cher !

            Après mon installation et un passage à la douche au rez-de-chaussée, ce qui implique qu'il faille s'habiller pour y aller et retourner au dortoir et donc passer obligatoirement dans la rue principale du village, je suis allé prendre un sandwich « Chez Claudette ». Les têtes du midi n'étaient plus là, bien entendu, mais il y avait encore une bonne circulation de clients dans la salle principale : le travailleur du coin qui passe boire un verre rapidos ; le fumeur qui vient s'acheter des cigarettes ; et, bien entendu, un ou deux « piliers plantés au bar » qui participaient d'une certaine manière à l'accueil puisque toute personne qui entrait leur adressait un petit mot... c'est dire s'ils étaient connus à ce poste.

            J'étais à peine assis qu'un jeune serveur est venu prendre ma commande, et peu de temps après j'attaquais un gros classique pour lequel la maison ne mégotte ni sur le jambon ni sur le fromage. Même en dehors des repas, il y avait une vraie ambiance dans cet établissement. Claudette est venue me demander si tout allait bien ; je lui ai fait part de ma surprise en constatant que dans presque tout le village, j'avais des difficultés à avoir une connexion téléphonique ou Internet. C'est un peu pareil dans tout le département, nous sommes dans le Berry, un des plus vieux terroirs agricoles de France, m’a-t-elle répondu en levant les bras au ciel ; mais, sur la place en face de chez moi, il y a une petite zone où la connexion est un peu meilleure à certains moments de la journée, m'a-t-elle dit encore. Ce n'était pas faux, mais encore insuffisant pour ce que j'avais à faire. J'en ai tout de suite tiré une conclusion : demain, ce sera la première fois que je prendrai un départ sans avoir réservé une place dans un gîte pour le soir ; mais comme c'était pour Bourges, une grande ville, j'avais toutes les chances de régler le problème pendant la marche au cours de la journée ; en chemin, je finirai bien par trouver un coin où le téléphone « passe bien ».

            Le soir, j'ai eu un bon dîner ; et du moment qu'un client s'asseyait pour manger, le serveur déposait tout de suite une bouteille de vin sur sa table. La clientèle n'était plus tout à fait la même : c'étaient plus des familles qui venaient manger, le bar était toujours bien occupé par des travailleurs qui passaient prendre l'apéritif avant de retourner chez eux. Mais j'ai retenu la bonne ambiance, et surtout l'impression que je faisais partie du village, que j'étais intégré à ce lieu de vie, et, pourtant j'étais toujours en habit de marcheur : pantacourt, T-shirt et polaire, et que mon chapeau était bien visible à côté de moi. Et c'est dans une certaine sérénité, très content de ma journée, que j'ai regagné mon « foyer rural », même après avoir entendu à la radio que la vague de froid devait continuer jusqu'à la semaine prochaine.



Quand la réalité s'impose : une stratégie pour la nuit

            Le début de la nuit allait être plus ou moins agité : la lumière venant des lampadaires de la rue éclairait l’intérieur du petit logement – il n’y avait que des fenêtres vitrées qui l’isolaient de l’extérieur – et me tenait éveillé, sans compter que deux ou trois jeunes ont continué à taper dans le ballon à côté du bâtiment, près du monument aux Morts, jusqu'à 21 H. Et vraisemblablement, après les rencontres, en attendant que leurs parents viennent les chercher en voiture, ils ont continué à s'amuser dans la rue juste en dessous du dortoir. Il n'était pas question de leur faire la moindre remarque, le résultat aurait été à l'opposé de l'attente. J'ai donc utilisé ce temps qu'il me restait avant que le sommeil ne m'attrape pour résoudre un autre problème, plus relax quoique important, qui me faisait même rire par moments sur mon lit : comment descendre de l'étage pour aller faire pipi dans les toilettes au rez-de-chaussée quand il faut au préalable prendre l'escalier, ouvrir et  refermer à clé une première porte, passer par le petit portail du jardin à la rue principale, et ouvrir encore deux portes d'entrée au rez-de-chaussée pour accéder aux toilettes, sans oublier de les refermer derrière moi pour éviter des intrusions. Et ce d'autant que dehors il faisait un froid de canard ! Je m'imaginais habillé comme pour marcher et couvert de mon chapeau, avec en plus mon poncho pour bien m'isoler du froid, et une petite lampe à la main – heureusement il n’a pas plu ce soir-là. Je m'imaginais aussi dans cet accoutrement rencontrer dans la rue un passant qui ne connaissant pas le contexte et qui ne serait que plus intrigué de me voir ouvrir l'entrée principale du foyer. Il aurait donc fallu guetter des deux côtés pour voir si quelqu'un ne débouchait pas en ces lieux. Et ce, à l'aller comme au retour !  J'ai même pensé à la performance à réaliser en cas d'un vrai dérangement intestinal en pleine nuit... Tout peut arriver sur le chemin !
Ils avaient matché sur les espaces sportifs en face du foyer, derrière le monument aux morts et aussi près de l'église.

            J'avais donc tout intérêt à peaufiner ma stratégie avant que le sommeil ne m'engloutisse, quand j'ai vu dans un coin du dortoir un seau. Tout de suite mon esprit a échafaudé un plan B : et si ce sceau en plastique n'était pas destiné au lavage de vêtements ? En effet, il pouvait aussi servir de pot de chambre, ce qui simplifierait la situation, à la condition, bien entendu, de le vider en bas et de le laver correctement le lendemain. Alors, plan A ou plan B ? Je n'ai pas le souvenir d'avoir fait un choix, j'ai tout simplement essayé de préparer une réponse tout à fait détachée pour le cas où Claudette m'aurait subrepticement interrogé à ce sujet le lendemain matin, car je commençais à me glisser dans une nappe de sommeil, tout en essayant d'imaginer ce que d'autres auraient fait à ma place. Quelques-uns de mes amis, même à leurs âges, et pour proches qu'ils soient de l'esprit pèlerin, dans de telles circonstances auraient pu opter pour ce qu'il y a de plus naturel à faire par une des fenêtres donnant sur la rue principale, et peut-être même en chantant ! Il y en a qui ne vieillissent pas !