Vendredi 2 août 2 019
Suite de l’étape de
Champlemy, lundi 18 mai 2 015
Photo : Un hébergement sur la place du village de Champlemy (département de
la Nièvre, en région de Bourgogne).
À partir de l'église de
Cuncy-lès-Varzy, la D6 prenait de la pente et au bout de 500 m, et j’ai
attaqué cette difficulté à une assez bonne allure. Il était plus de 13 H, et
j’avais encore 16 km pour terminer cette 2e étape de mon Vézelay.
J’ai continué à suivre le balisage du GR, il n'y en avait pas d'autre choix. Me
retournant à ce moment-là, j'ai vu que Jacques avait lui aussi quitté les deux
compagnons de la première partie de cette étape, et qu'il était à un peu plus
de 100 m derrière moi. Sans doute, Denise et Alexis avaient décidé d'écourter
leur étape ou carrément de s'arrêter dans ce bourg – ils étaient bien dans leur
façon de marcher : improviser en cours de route.
J'ai tourné à gauche et ensuite à droite pour emprunter
un chemin de terre qui monte sec sur une assez longue distance. Je n'ai plus
revu Jacques ; il faut dire que dans une telle pente, hors de tout esprit
de compétition, l'avantage est au petit gabarit, et que sans doute Jacques
avait pour la suite un découpage différent du mien. J'étais dans un autre
cadre : j'avais réservé à Champlemy, je me devais d'y être avant la nuit.
La suite me montra que j'avais eu raison de partir.
L'erreur : ne pas
avoir bien évalué la distance et le temps de parcours :
Au sommet de cette côte, j'ai tourné à gauche ; et à
un peu moins d'un kilomètre, j'ai quitté cette départementale pour un chemin de
terre sur la droite, en collant au balisage du GR – j'avais jeté un œil sur les
préconisations de mon guide qui disait que ce chemin visait à contourner un
mont, qui pour moi ne se détachait pas tellement du paysage. Le balisage dans
cette campagne devenait assez rare, et j'ai su que j'étais dans le bon chemin
quand j'ai vu au bas d'une descente, avant d'arriver sur une nouvelle route, un
calvaire métallique d'un autre temps, signe que j'étais bien sûr un chemin de
Compostelle. Ce fut ensuite un long cheminement sur une ligne vallonnée plus ou
moins à flanc de colline. Et un peu plus loin, toujours en suivant le balisage
du GR, dans les environs de Varzy, je suis entré dans une vraie et grande
forêt, pour passer devant une chapelle (voir photo). Je ne savais pas à
ce moment là que je n’allais en sortir qu'à 18H.
Une blessure au pouce
gauche :
Une blessure à un pouce est toujours handicapante, car
c'est un doigt qui pour beaucoup rend la main préhensile. Après avoir navigué
dans une forêt, il m'a semblé à un moment que je la quittais par un sentier
pour un petit bois périphérique. Mais en réalité j'ai atterri sur un bon chemin
forestier dans ce qui ressemblait à une forêt en exploitation. Je décidais
alors de manger l'orange qui pesait dans mon sac, j'ai l'habitude d'en manger
une en fin de parcours pour me booster en quelque sorte. En l'épluchant, le
mouvement étant dans le sens où le couteau vient vers moi, la lame toute neuve
a bien coupé la peau du fruit mais aussi mon doigt. Généralement, avec un
couteau ordinaire, la peau de la main est suffisamment dure pour résister à
l'impact, ce qui n'est pas le cas d'un Opinel tout neuf dont la lame est
tranchante comme un rasoir. Le sang a immédiatement giclé. J'ai arrêté
l'hémorragie en pinçant la blessure avec un mouchoir papier, l'index remplaçant
le pouce. J'ai toujours dans le bonnet de mon sac un minimum pour panser une
blessure (des pansements tout préparés et de différentes tailles, du coton,
etc.) et dans une poche externe une petite fiole d’alcool pour l'hygiène
cutanée. Il ne me restait plus qu'à manger mon orange avant de repartir. Le
temps comptait dans cette étape qui n'en finissait pas.
Une forêt interminable :
Personne devant, personne derrière ! Je passais
d'une allée forestière à une autre, les balises du GR étant toujours bien
présentes. Le temps défilait et je ne sortais toujours pas de cette forêt. À
17H15, j'ai appelé Marie-Noëlle, la responsable de la chambre d'hôtes pour lui
dire que j'étais bien sûr le chemin, que j'étais en retard et peut-être un peu
perdu dans une forêt. Selon elle, j'avais pris une variante plus longue – il
n'était pas possible de faire une connexion Internet, un problème de réseau. Je
n'avais pas d'autre choix : continuer à suivre le balisage sur les chemins
forestiers. Le point d'inquiétude : où je serai par rapport à Champlemy à
la sortie de ces bois ? La responsable n'avait pas non plus d'idée
précise, mais se disait prête à m'aider.
J'ai fini par arriver à la lisière de cette forêt, et,
après une descente à l'air libre, par me retrouver à un rond-point à proximité
d’un bourg. J'ai réussi à avoir une connexion Internet pour constater avec
bonheur que j'étais bien à Champlemy. Il était 18 heures passées. J'ai appelé à
nouveau Marie-Noëlle, je lui ai donné le nom de la rue attenante au rond-point,
et elle est venue me chercher. Il nous a fallu que quelques minutes pour
arriver à la chambre d'hôtes (voir photo).
Un bon repas après les
difficultés :
40 minutes après mon arrivée, j'étais à nouveau sur la
place du village pour les petites tâches habituelles de fin d'étape, sans
compte un bon pansement à mon pouce pour la nuit : photos et films, divers
repérages pour le départ du lendemain (voir photo, photo et photo).
Mais c'est le souvenir d'un excellent repas qui l'emporte dans ma
mémoire : les plaisirs de la table après les difficultés de la
journée !
Le temps passé au dîner fut en effet très agréable :
d'une part, le menu était de qualité et varié. Que ce soit pour l'entrée, les
viandes ou le dessert, je faisais systématiquement un 2e passage. Le tout
arrosé d'un bon vin de la région. D'autre part, je mangeais en compagnie d'un
couple de Belges qui a animé les conversations. La femme est francophone ;
l'homme parle peu le français, il est Flamand, ce dernier a fait de gros
efforts pour échanger quand nous avons discuté de la politique en Belgique, de
la place de la royauté dans le système et des difficultés du vivre ensemble
pour les différentes communautés – plus loin sur le chemin, au camping
d'Astier, j'ai eu l’occasion de discuter avec un Belge néerlandophone qui m'a
étonné : dans le groupe des pèlerins de différentes nationalités, le soir
au dîner préparé et pris en commun, il utilisait trois, voire quatre langues.
C’est dans ces moments-là qu’un terrible regret m’envahit parfois : avoir
négligé l’anglais à l’école.
Pour revenir à ce repas à Champlemy : lorsque les
plats sont bons et le vin aussi, le Flamand ne buvait que du blanc, j'avais
donc pour moi presque toute la bouteille de rouge vu que la femme ne faisait
que tremper ses lèvres dans son verre – dans cette ambiance la barrière des
langues paraît moins haute.
Avant de dormir, j'ai consulté particulièrement les
cartes de mon guide pour l'étape du lendemain, mon intention pour la suite
était de prendre des départementales pour éviter de trop grands détours dans la
campagne et si possible de trop longs cheminements dans des forêts.